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Le bar à poèmes
16 août 2017

Avrom Sutzkever (1913 – 2010) / אַבֿרהם סוצקעווער : Dans la hutte de neige

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Dans la hutte de neige

A

Soleil couchant, chemins que bleuit le verglas.

Douces couleurs de somnolence dans mon âme.

Luit d’une hutte dans le val un pâle éclat,

Sous la neige l’ensevelit le soir en flammes.

Aux vitres les forêts-à-prodiges déboulent

De magiques traîneaux tintent en carrousel,

A l’angle du grenier des colombes roucoulent,

Et déroucoulent mon visage. Sous le gel

Rayé par des cristaux dont la pointe fulgure,

Presque l’irréel l’Irtich se noue en palpitant.

Sous des coupoles de silence et de froidure

Fleurit ce monde : un enfant de sept ans.

 

B

Dans ta neigeuse et limpide pénombre

Hutte de mon enfance en Sibérie,

Naissent des fleurs aux pupilles de l’ombre,

Mercure en fleur qui sans fin refleurit.

Dans les recoins où se meurt la lumière

La lune expire un souffle, un halo bleu,

Mon père est blanc de la pâleur lunaire

Et sur ses mains de silence neigeux.

Il tranche le pain noir, lame aiguisée

Mais charitable. Et bleuissent ses traits

Moi, par ma pensée neuve et divisée,

Je trempe de sel, père, ton pain frais.

 

C

Le père. Le couteau. Une mèche qui fume.

Une enfance. L’enfant. Une ombre a dérobé

Au mur le violon. Plus fins qu’une fine écume

Des sons de neige sur ma tête sont tombés.

Silence. Car le père joue. Les sons s’égrènent,

Se gravent dans les airs où le gel les sertit.

Bleuis les grains d’argent que sème mon haleine

Sur la neige de lune en verre convertie.

A travers le carreau en pelisse de glace

Un loup flaire la chair de musique, sa proie,

Silence. Au pigeonnier un petit pigeon casse,

Pique, pique, cet œuf dont il sort dans le froid.

 

Aurore

Les empreintes de pattes qu’une bête

Roses dans la neige a disséminées,

Lorsqu’un soleil neuf et inconnu jette

Un cri aigu, sont vaguement illuminées

Par la lueur d’en haut. Mais la nuit sombre

Règne en bas. Les racines des forêts

Grincent des dents au fond des gouffres d’ombre.

Du chien lié à son traineau paraît

S’échapper comme une vapeur qui fait cortège

Au panache des cheminées. Sans fin s’embue

L’haleine d’un homme en ces lieux de neige,

Jusqu’à ce qu’une tente en l’air soit suspendue.

 

Traduit du yiddish par Charles Dobzynski

in, " Les Poètes de la Méditerranée. Anthologie"

Éditions Gallimard (Poésie), 2010.

Du même auteur :

Les juifs gelés (13/08/2014)

Paysage de fin de nuit (17/07/2016)

Pelisse de feu (16/08/2018)

Les gazelles de Yamsuf (16/08/2019)

Prière à soi-même (07/08/2020)

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« Mon souffle ma malédiction... » (07/08/2024)

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