André Hardellet (1913 – 1977) : Poème
Poème
Le mystère - c'est la voix étouffée des ramoneurs derrière les murs, et le parcours
de la Grange- Batelière sous l'Opéra.
La peur - c'est un roulement de tombereau, la nuit, dans un bois où ne passe aucune
route.
La douceur - c'est un vol de chouette, sous le taillis, au crépuscule.
Le contentement - c'est l'odeur d'une blonde qui, lente, efface ses bas noirs.
L'angoisse - c'est la congestion, comme une émeute violette, sur le bitume où bouge
un soleil ahurissant.
L'été - c'est l'ombre de la jarre qu'emperle son frais et cette parole qui traverse encore
le dédale de vacances.
L' Ile-au-Trésor - c'est la touffe de parfums entre tes cuisses salées.
Le désir - c'est la flèche de rubis qui voie par-dessus 1'Orénoque en flammes, et décochée
sans bruit.
L'amour - c'est ce pays à l'infini ouvert par deux miroirs qui se font face.
L'enfance - c'est la clef rouillée que cachent les buis, celle qui forcerait toutes les serrures.
Le rêve - c'est l'instant où tombe enfin la robe des clairières.
La plus belle récompense de l'homme - c'est encore son sommeil.
Et le mien tarde bien à venir.
La Cité des Mongols
Editions Seghers, 1952
Du même auteur :
Fiche de police (23/08/2015)
Le voyeur (15/08/2016)