Novalis (1772 – 1801) : « Les prés se sont recouverts de verdure… / « Es färbte sich die Wiese grün… »
Les prés se sont recouverts de verdure
Et j’ai vu fleurir près des haies ;
Jour après jour pousser des herbes nouvelles,
L’air était doux, le ciel serein,
Je ne savais pas ce qui m’arrivait,
Ni comme advenait ce que je voyais.
Et la forêt s’assombrissait encore,
Séjour aussi de mille chanteurs divers.
Par tous les chemins leurs échos bientôt
M’accueillirent de douces senteurs,
Je ne savais pas ce qui m’arrivait,
Ni comme advenait ce que je voyais.
Partout jaillissaient , surgissaient
Vie, couleurs, parfums, et sons,
Ils semblaient aimer à s’unir
Pour que tout répandit le charme.
Je ne savais pas ce qui m’arrivait,
Ni comme advenait ce que je voyais.
Je pensais : « Un esprit s’est-il
Réveillé qui rend tout si vivant,
Et veut par mille belles denrées
Et fleurs à nous se révéler ? »
Je ne savais pas ce qui m’arrivait,
Ni comme advenait ce que je voyais.
Une nouvelle ère peut-être commence,
La poussière éparse se fait arbuste,
L’arbre fait des gestes d’animal,
Et la bête même devient homme.
Je ne savais pas ce qui m’arrivait,
Ni comme advenait ce que je voyais.
Et, comme ainsi j’étais pensif,
Une force puissante monte en moi.
Une fille vint amicalement
A moi et captura tous mes sens.
Je ne savais pas ce qui m’arrivait,
Ni comme advenait ce que je voyais.
La forêt nous cachait aux rayons du soleil.
Je pensais soudain : « Le printemps ! »
Bref, je vis qu’alors sur la terre
Les hommes allaient devenir dieux.
Alors je sus bien ce qui m’arrivait,
Et comme advenait ce que je voyais.
Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre
In, « Anthologie bilingue de la poésie allemande »
Editions Gallimard (La Pléiade), 1995
Du même auteur :
« Faut-il que le matin toujours revienne ?... / Muss immer der Morgen wiederkommen ? (01/02/2015)
« Quand ce ne seront plus les nombres et les figures » / « Wenn nicht mehr Zahlen und Figuren » (01/02/2016)
Es färbte sich die Wiese grün,
Und um die Hecken sah ich blühn;
Tagtäglich sah ich neue Kräuter,
Mild war die Luft, der Himmel heiter :
Ich wusste nicht, wie mir geschah,
Und wie das wurde, was ich sah.
Und immer dunkler ward der Wald,
Auch bunter Sänger Aufenthalt
Es drang mir bald auf allen Wegen
Ihr Klang in süßem Duft entgegen.
Ich wusste nicht, wie mir geschah,
Und wie das wurde, was ich sah.
Es quoll und trieb nun überall,
Mit Leben, Farben, Duft und Schall ;
Sie schienen gern sich zu vereinen,
Dass alles möchte lieblich scheinen.
Ich wusste nicht, wie mir geschah,
Und wie das wurde, was ich sah.
So dacht ich : “ ist ein Geist erwacht,
Der alles so lebendig macht
Und der mit tausend schönen Waren
Und Blüten sich will offenbaren? ”
Ich wusste nicht, wie mir geschah,
Und wie das wurde, was ich sah.
Vielleicht beginnt ein neues Reich,
Der lockre Staub wird zum Gesträuch,
Der Baum nimmt tierische Gebärden,
Das Tier soll gar zum Menschen werden.
Ich wusste nicht, wie mir geschah,
Und wie das wurde, was ich sah.
Wie ich so stand und bei mir sann,
Ein mächtger Trieb in mir begann.
Ein freundlich Mädchen kam gegangen
Und nahm mir jeden Sinn gefangen.
Ich wusste nicht, wie mir geschah,
Und wie das wurde, was ich sah.
Uns barg der Wald vor Sonnenschein.
“ Das ist der Frühling! ”, fiel mir ein;
Und kurz, ich sah, dass jetzt auf Erden
Die Menschen sollten Götter werden.
Nun wusst ich wohl, wie mir geschah
Und wie das wurde, was ich sah.
Werke
Poème précédent en allemand :
Raoul Schrott:Une histoire de l’écriture III / Eine Geschichte der Schrift III (01/01/2017)
Poème suivant en allemand :
Friedrich Hölderlin : Le Pays / Die Heimat (06/02/2017)