Kakinomoto No Hitomaro / 柿本 人麻呂 (662 – 710) : Sur la route de Karu
Sur la route de Karu…
Sur la route de Karu
(oies sauvages à travers le ciel)
est le village
de mon amour
et violemment
je rêvais de la voir
malgré les yeux
fixés sur moi
je rêvais notre rencontre
branches du Katsura
et je vivais confiant
comme le pilote d’un grand bateau
l’aimant toujours
en secret ainsi
une petite flamme dans le silex
une eau profonde dans le roc
le soleil à travers le ciel
se pose
la lune brillante
se cache sous les nuages
et mon amour qui s’appuyait
sur moi comme l’algue sur la vague
s’est évanouie
rouge feuille de l’érable
le messager est venu
a nouvelle
fut comme le bruit de l’arc
je ne sais que faire
ni que dire
je cherche dans mon cœur
apaiser
un fragment des mille fragments de mon amour
comment vivre n’entendre
que cela
je vais sur la route de Karu
où mon amour
si souvent m’attendait
je vais j’écoute
guettant sa voix mais seulement
les oies crient
sur Unebi
(o nuque gracieuse
comme des bandelettes au poignet)
de ceux qui vont
sur la route javelot
pas un
ne lui ressemble
et rien ne me reste plus que
crier le nom de mon amour
en secouant mes manches
(Envois)
sur la montagne d’automne
les feuilles rouge sont épaisses
je cherche mon amour
égarée
mais je ne sais pas le chemin
dans la chute
des feuilles de l’érable
je vois le messager
sa branche d’if
et pense à nos jours ensemble
Traduit du japonais par Jacques Roubaud
In, Jacques Roubaud : « Mono no aware, Le Sentiment des choses »
Editions Gallimard, 1970
Du même auteur :
L’océan du ciel (30/09/2019)
« Dans la baie d’Iwami... » (14/09/2024)