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Le bar à poèmes
14 septembre 2016

Song Lin / 宋林 (1959 - ) : Vestibule

 

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Vestibule

 

A présent, la porte grand ouverte est ange de blancheur.

Une fois encore, nous émigrons.

Le souffle de la mer se fait plus proche, la nuit,

les sons tristes d’un sifflet comme chant de sirène

 

arrivent sur l’oreiller. Quand le soleil mouillé d’un bond

     se lève,

avec le manuscrit en rêve, difficile à saisir,

ils deviennent écume, symboles privés de magie,

déjà se font sujet de conversation intime.

 

Je fixe le vestibule (après avoir placés au mur

les livres jonchant le sol).

Là-bas, c’est presque vide, pas de portemanteaux,

cannes, chaussures de marche, parapluie de Java.

 

Le bouton de la porte à feuille d’or est peut-être

le seul luxe, il fait penser, le temps d’une ouverture ou

     d’une fermeture,

aux années qui passent, mais nous

entrons, sortons, indifférents à son usure.

 

Un rai de lumière flâne par-dessus les nuages, les arbres,

en partie filmée par les vitres.

Alors le jour gouverne la tanière de l’ombre,

passe au travers d’un arc tenu par une main toute puissante ;

 

Avons-nous atteint les confins du ciel et de l’eau ?

Serait-ce un paradis, non gardé par les anges,

symétrique des ouvertures, dans la profondeur lumineuse,

toujours prêt pour nous à s’ouvrir ?

 

Aujourd’hui je m’interroge : pourquoi au-delà de sa vision

l’homme aspire-t-il à l’invisible ?

Et quand bien même un dieu se tiendrait à distance donnée,

s’il se montrait une seconde, vite

 

nous nous tournerions vers un autre. Vivre intensément

tu ne le supporterais pas, aimant le dragon, tout en le redoutant.

L’homme, ignorant de ses propres besoins,

l’espace d’un instant a offensé le dieu.

 

L’expérience des blessures nous ferme au quotidien,

tel un otage au labyrinthe du Minotaure.

Cette envie de dormir, les meubles sont si lourds,

rapide le couchant sombre ainsi dans le sang.

 

Je fais les cent pas devant le vestibule, le soir peu à peu tombe,

l’écho lointain d’un chant se veut promesse de bonheur.

Ma femme rapporte le journal, un bouquet,

dit : à perte de vue le monde est comme avant si bleu, si calme.

 

1997 -1998

Traduit du chinois par Chantal Chen- Andro

In, « Le ciel en fuite. Anthologie de la nouvelle poésie chinoise »

Editions Circé, 2004

Du même auteur :

Lire la nuit (14/09/2015)

Paysage dans l’œil d’un aigle (14/09/2017)  

Au sud de la Péninsule malaise (14/09/2018)

 

 

 

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