Song Lin / 宋林 (1959 -) : Paysage dans l’œil d’un aigle
Paysage dans l’œil d’un aigle
1
Rien que le roc, la neige,
noir sur blanc.
Les rigueurs de l’hiver, les eaux ne coulent plus,
Les pins ont mis leurs cloches de verre.
2
Rien ne saurait remplacer
l’élévation du roc,
celle des sommets,
sauf la neige qui les recouvre.
3
Des vols d’hirondelles dorment sous les eaux gelées,
dans leur tanière, les ours bruns sommeillent,
marmottes et hérissons s’assoupissent aussi,
en eux s’amasse une neige de graisse.
4
Il n’y a pas de mots, pas de vendeurs de mots,
nul hymne louant les noces, le pouvoir.
Au Tibet, une armée s’enfonce sous la neige,
inhumée dans l’oubli du clair de lune.
5
Le vent est inspiration, volonté,
vitesse du sang en plein vol.
Les ombres se déplacent, puis
les griffes soudain lacèrent le silence.
6
Une réduction, essentielle, comme fait sur la terre
pour les branches, les feuilles mortes, comme le roc,
dressé solitaire, dressé radieux,
devenue fondement de toute sensation.
7
Même les étendues de neige gelée
sont truffées d’amorces noires du soleil.
Le paysage dans l’œil d’un aigle…
poème sur la distance.
1998
Traduit du chinois par Chantal Chen- Andro
In, « Le ciel en fuite. Anthologie de la nouvelle poésie chinoise »
Editions Circé, 2004
Du même auteur :
Lire la nuit (14/09/2015)
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