Wolfdietrich Schnurre (1920 - 1989): Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I)
Messages clandestins
MESSAGE CLANDESTIN
Cela grandira hors des cieux,
porté par un vol d’hirondelle.
Cela fumera des blessures,
viendra avec le cri des bêtes.
Ce sera comme un champignon
crevant l’asphalte, un ouragan.
Cela croîtra comme la mousse,
détruisant ce qui existait :
l’éclat du vernis sur les bottes ;
le tube à essai de l’horreur ;
et la rengaine du pouvoir.
Et ce monde s’épanouira
en poussière.
CHANSON
C’est peu
ce que je demande à savoir ;
moins que
l’autorité n’exige.
Je désire savoir
où il y a des myrtilles
et non s’il y aura la guerre.
Je désire savoir
quand la pluie tombera
et non en combien de parties
se démonte un fusil.
C’est peu
ce que je désire en cas de guerre ;
moins que
l’autorité n’exige.
Quand l’ennemi arrivera,
je prendrai mon filet à papillon
et je le briserai.
Mais je peux aussi bien
chanter cette chanson
et tous les blindés du monde
me passeront dessus ;
et puis je me relèverai
dans les vestiges de leur dévastation :
comme un bruant, comme un brin d’herbe.
C’est peu
ce que je demande à la vie ;
plus cependant
que ne voudrait l’autorité.
DICTATURE
De larmes et de sang
la grive se construit
sur des cubes de verre
le trône de son chant.
Elle règne là-haut,
et, la gorge en feu, crache
le poison de l’extase
dans les étroits cachots,
geôles de la colère.
Le moine frappe
du front de la croix,
le meurtrier se pend ;
la grive règne
DECISION
Parler des pattes de pigeons est agréable ;
leurs petits pas sur le toit de papier goudronné
de la calme tonnelle invite
à penser à la douce pluie d’été.
Mais la martre a des griffes plus légères,
car elle marche sur la mousse ; le péril
vient sans bruit et les anges silencieux
se noircissent le bec et les ailes de suie.
Parler des griffes des anges est redoutable ;
reconnaître leur trace en de vastes espaces
d’air respiré condamne
à penser aux squelettes d’araignées.
Sur quoi se taire maintenant, de quoi parler ?
Le perceptible n’a aucun besoin de bouche,
il est bavard depuis toujours. Ainsi je veux
être une voix de silence profond,
dire le menaçant et l’inaccoutumé,
même si mon poème atteint bien peu d’oreilles.
ETE ASSASSIN
Les balles traçantes
du chant du rossignol
ont déchiqueté les ombelles
des lilas ; la statue
du printemps a été abattue.
Seule la vesce orne encore
le socle ;
le chef décapité
est recouvert
de traces de bave
brillante : du bord
salé de l’œil
se nourrit encor l’escargot.
QUAND LE MONDE FRAPPE A TA PORTE
Ne t’éloigne pas de toi,
reste en accord avec toi-même.
Qui doit te donner du courage
le soir, qui doit
baisser les stores, qui
doit te soutenir
quand la porte cochère tremble
sous le coups de poing du monde ?
Ne t’éloigne pas de toi,
reste en accord avec toi-même.
Nul ne t’appelle ; tu n’entends
que le vent.
Le chant de l’alouette
ment au nez de la mort ;
le monde qui t’attire
ne souffle mot de ses infirmités.
Ne t’éloigne pas de toi,
reste en accord avec toi-même.
On te laisse tomber, tu dois
te renier ;
ainsi le veut le monde.
Il te charme, il a fait pression
sur l’alouette ; vois, elle se tient
sur des griffes de porcelaine.
Ne t’éloigne pas de toi,
reste en accord avec toi-même.
Te soit favorables les vents,
la braise de ton foyer
et, le soir, le grillon.
Prête l’oreille à son chant ; il murmure
dans les artères du silence
aussi doucement que ton sang.
Ne t’éloigne pas de toi,
reste en accord avec toi-même.
Qui doit être assis près de toi
dans ta chambre, qui doit
t’aider à te faire ?
Ne t’éloigne pas de toi ;
le monde tient debout sur des griffes d’oiseaux,
son chant est mensonge.
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Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse
In, Wolfdietrich Schnurre, « Messages clandestins et nouveaux poèmes »,
Editions Noah, 1986
Du même auteur :
Adoration / Anbetung (28/11/2014)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)
Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III) (28/11/2020)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II) (28/11/2022)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)
Kassiber
KASSIBER
Es wächst aus den Himmeln
Der Schwalbenflügel, er bringts.
Es dampft aus den Wunden.
Es kommt mit dem Tierschrei.
Pilzig durchbrichts den Asphalt.
Und wird sein wie ein Wehen.
Und wird wuchern wie Moos.
Verderben wird es, was war :
den Glanz auf den Stiefeln ;
das Reagenzglas des Grauens ;
den Singsang der Macht.
Und diese Welt wird erblühen
vor Staub.
LIED
Es ist wenig
was ich verlang zu wissen ;
weniger als
die Obrigkeit will.
Ich begehre zu wissen,
wo es Blaubeeren gibt
und nicht : gibt es Krieg.
Ich begehre zu wissen,
wann regen fällt
und nicht : in wieviel
Teile zerfällt ein Gewehr.
Es ist wenig,
was icht im Ernstfall begehre;
weniger als
die Obrigkeit will.
Wenn der Feind kommt,
nehm ich mein Schmettetlingsnetz
und zerschlags.
Aber ich kann auch
dies lied singen, und alle
Panzer der Welt
fahren über mich weg;
und ich richte mich auf
in den Spuren ihrer Verwüstung:
eine Anmer, ein Halm.
Es ist wenig,
was ich vom leben verlange;
doch mehr,
als die Obrigkeit will.
DIKTATUR
Aus Tränen und Blut
baut sich die Drossel
auf gläsernen Würfeln
den Thron ihres Lieds.
Dort oben regiert sie,
glutkehlig, speit
das Gift der Verzückung
in die Enge der Kerker,
die Zelle des Zorns.
Der Mönch schlägt
die Stirne ans Kreuz,
der Mörder erhängt sich ;
die Drossel regiert.
ENTSCHEIDUNG
Von Taubenfüssen zu reden ist süss ;
ihr Getrippel auf dem Teerpappendach
der sorglosen Laube ermuntert,
an sanfte Sommerregen zu denken.
Aber die Krallen des Marders sind leiser,
denn er setzt sie auf Moos ; das Verderben
kommt lautlos, und schweigend schwärzen
die Engel sich Schnäbel und Schwingen mit Russ.
Von Engelsklauen zu reden ist furchtbar ;
ihren Abdruck in den Gefilden
geatmeter Luft zu erkennen, verdammt,
an Spinnenskelette zu denken.
Wovon nun schweigen, worüber reden ?
Das Hörbare braucht keinen Mund,
er ist geschwätzig seit je. Und so will ich
eine Stimme dert Lautlosigkeit sein,
das Drohende sagen, das selten Gewohnte,
wie wenige Ohren meine Strophe auch trifft.
MOERDER SOMMER
Die Leuchtspurgeschosse
des Nachtigall-Lieds
haben die Fliederdolden
zerfetzt ; die Statue des
Frühlings wurde gestürzt.
Nur Wicke schmückt noch
den Sockel; das
abgeschlagene Haupt
ist mit Bahnen
glänzenden Schleims
überzogen : vom
Salzrand des Auges
zehrt noch die Schnecke
KLOPFZEINCHEN
Gehe nicht weg von dir,
bleibe mit dir zusammen.
Wer soll dir Mut machen
am Abend, wer soll
die Läden herablassen, wer
soll dich stützen,
wenne das Hoftor erdröhnt
vom Faustschlag der Welt?
Gehe nicht weg von dir,
bleibe mit dir zusammen.
Niemand ruft dich; du hörst
nur den Wind.
Das Lied der Lerche
lügt dem Tod ins Gesicht ;
die Welt, die dich lockt,
verschweigt ihr Gebrest.
Gehe nicht weg von dir,
bleibe mit dir zusammen.
Man lässt dich fallen, du sollst
dich verlassen ;
so will es die Welt.
Sie reizt dich, sie hat
die Lerche erpresst ; siehe steht
auf porzellanenen Krallen.
Gehe nicht weg von dir,
bleibe mit dir zusammen.
Die Winde seien dir gut,
die Glut deines Herds
und an Abend die Grille.
Ihrem Lied lausche; es rauscht
in den Adern der Stille
so sanft wie dein Blut.
Gehe nicht weg von dir,
bleibe mit dir zusammen.
Wer soll neben dir sitzen
im Zimmer, wer soll
dir heften zu schweigen?
Gehe nicht weg von dir ;
die welt steht auf Vogelkrallen,
ihr gesang lügt.
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Kassiber und neue Gedichte,
Ullstein Buch, Berlin, 1979 et 1982
Poème précédent en allemand :
Rainer-Maria Rilke: Nordsee, I (23/11/2015)
Poème suivant en allemand :
Paul Celan : Strette / Engfürhrung (1/12/2015)