Jean de Lingendes (1580 – 1616) : Stances sur une jeune courtisane
Stances sur une jeune courtisane
Connaissant votre humeur je veux bien, ma Silvie,
Que passant votre temps
Avec tous les amants dont vous êtes servie,
Vous les rendiez contents.
La mode de la Cour m’étant si bien connue,
Pourrais-je avoir douté
Qu’on peut vivre en ce temps plus chaste et retenue
Avec tant de beauté ?
J’approuve vos plaisirs et qu’il vous soit loisible
D’en jouir bien à point,
Car donnant tant d’amour il serait impossible
Que vous n’en eussiez point.
Mais puisque ce péché point de blâme n’apporte
Quand on le cache bien,
Je voudrais seulement que vous fissiez en sorte
Que je n’en susse rien.
Celle qui fait du mal se peut dire innocente
En le tenant caché,
Mais quand on fait du mal et qu’après on s’en vante
On fait double péché.
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Couvrez bien vos amours, sans craindre que j’estime
Qu’on doive se fâcher,
Ni que l’on puisse encor vous reprocher du crime
Que vous pourrez cacher.
Que si je vous surprends me faisant cette injure
Un jour à l’imprévu,
Soutenez qu’il est faux jusqu’à tant que je jure
De n’en avoir rien vu.
Car alors réputant pour des songes frivoles
Tout ce qui sera fait,
Et démentant de mes yeux pour croire à vos paroles,
Je serai satisfait.
1605