Pablo Garcia Baena (1923 – ) : Seul ton amour et l’eau... / Sólo tu amor y el agua...
Seul ton amour et l’eau
Seul ton amour et l’eau… Octobre sur la rivière
baignait les grappes dorées du couchant,
et cette lune odieuse qui s’élevait, si claire,
chassait les noires violettes de l’ombre.
Egaré, je naufrageais dans une mer de désir,
aveuglé par la douce brume de tes cheveux.
De tes cheveux qui dans ma gorge étouffaient ma voix
quand j’égarais ma bouche sur leurs vagues de brouillard.
Seul ton amour et l’eau… La rivière, doucement,
taisait ses rumeurs en passant à nos côtés,
et l’air en son tremblement osait à peine
agiter sur la berge les feuilles de peuplier.
On entendait, doux comme le vol d’un ange
frôlant de ses ailes une étoile endormie,
le choc fugitif, qui veut devenir éternel,
de mes lèvres buvant sur tes lèvres la vie.
La pureté de tes seins mordait ma poitrine
avec la fragrance terrible des iris sauvages,
des iris agités par l’innocente brise
quand l’été étire son ardeur sur les collines.
La nuit s’emplissait d’odeurs de coing,
et tandis que ton cœur dormait dans mes mains,
perdu, caressant, ainsi qu’un baiser lointain,
la rivière soupirait…
Seul ton amour et l’eau…
Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
1n, « Poésie espagnole, anthologie 1945 -1990 »
Actes Sud / Editions Unesco (Points), 1995
Du même auteur :
Juin / Junio (27/04/2016)
Quand les messagers… / Cuando los mensajeros… (27/04/2017)
Enfant de chœur (27/04/2018)
Sólo tu amor y el agua...
Sólo tu amor y el agua... Octubre junto al río
bañaba los racimos dorados de la tarde,
y aquella luna odiosa iba subiendo, clara,
ahuyentando las negras violetas de la sombra.
Yo iba perdido, náufrago por mares de deseo,
cegado por la bruma suave de tu pelo.
De tu pelo que ahogaba la voz en mi garganta
cuando perdía mi boca en sus horas de niebla.
Sólo tu amor y el agua... El río, dulcemente,
callaba sus rumores al pasar por nosotros,
y el aire estremecido apenas se atrevía
a mover en la orilla las hojas de los álamos.
Sólo se oía, dulce como el vuelo de un ángel
al rozar con sus alas una estrella dormida,
el choque fugitivo que quiere hacerse eterno,
de mis labios bebiendo en los tuyos la vida.
Lo puro de tus senos me mordía en el pecho
con la fragancia tímida de dos lirios silvestres,
de dos lirios mecidos por la inocente brisa
cuando el verano extiende su ardor por las colinas.
La noche se llenaba de olores de membrillo,
y mientras en mis manos tu corazón dormía,
perdido, acariciante, como un beso lejano,
el río suspiraba...
Sólo tu amor y el agua...
Rumor oculto
Revista « Fantasia », Madrid, 1946
Poème précédent en espagnol :
Jaime Sabines : « ce n’est qu’en rêve... / sólo en sueños … » (17/04/2015)
Poème suivant en espagnol :
José Manuel Caballero Bonald : Verset de la genèse / Versículos del génesis (21/07/2015)