Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) : Une aventure / Erlebnis
Une aventure
Des vapeurs argentées emplissaient la vallée
De crépuscules, comme si la lune luisait à travers les nuages.
Ce n’était pourtant pas la nuit. Mes pensées crépusculaires
Etaient noyées dans les vapeurs argentées de la vallée
Lorsque calme, je m’enfonçai dans la mer, fileuses de transparences
Et quittai la vie. Quelles fleurs merveilleuses
Aux corolles sombres et brillantes étaient là !un fourré de fleurs
Où rougeoyait la chaude averse d’une lumière dorée
Comme un topaze. Partout
L’intime résonance d’une musique nostalgique.
Et c’était je le savais, je le savais bien que je n’en eusse pas la
pleine intelligence
C’était la mort. La mort devenue musique
Avec ses regrets violents la mort douce sombre et brillante
Sœur de la plus profonde nostalgie.
Mais étrange conjoncture !
Une indéfinissable langueur pleurait en silence dans mon âme
Pleurait du regret de la vie, comme un qui pleure
Quand à bord d’un grand vaisseau de mer aux géantes voiles jaunes
Vers le soir, sur l’eau bleu sombre il passe devant sa ville natale
Voit les ruelles entend les fontaines couler respire le parfum des lilas.
Il se voit, enfant, debout sur le rivage avec ses yeux d’enfant
Qui sont anxieux et prêt à pleurer
Il voit par la fenêtre ouverte de la lumière dans sa chambre…
Mais le grand vaisseau l’emporte sur la mer
Et glisse sans bruit dans l’eau sombre
Avec ses géantes voiles aux formes inconnues.
Traduit de l’allemand par Etienne Coche de la Ferré
In « Hofmannstahl : Ballade de la vie extérieure et autres poëmes
Editions Guy Lévis Mano (Voix de la terre), 1950
Du même auteur : Tercets sur la mortalité / Terzinen über vergänglichkeit (12/02/2016)
Erlebnis
Mit silbergrauem Dufte war das Tal
Der Dämmerung erfüllt, wie wenn der Mond
Durch Wolken sickert. Doch es war nicht Nacht.
Mit silbergrauem Duft des dunklen Tales
Verschwammen meine dämmernden Gedanken
Und still versank ich in dem webenden
Durchsicht’gen Meere und verließ das Leben.
Wie wunderbare Blumen waren da
Mit Kelchen dunkelglühend! Pflanzendickicht,
Durch das ein gelbrot Licht wie von Topasen
In warmen Strömen drang und glomm. Das Ganze
War angefüllt mit einem tiefen Schwellen
Schwermütiger Musik. Und dieses wußt ich,
Obgleich ich’s nicht begreife, doch ich wußt es:
Das ist der Tod. Der ist Musik geworden,
Gewaltig sehnend, süß und dunkelglühend,
Verwandt der tiefsten Schwermut.
Aber seltsam!
Ein namenloses Heimweh weinte lautlos
In meiner Seele nach dem Leben, weinte
Wie einer weint, wenn er auf großem Seeschiff
Mit gelben Riesensegeln gegen Abend
Auf dunkelblauem Wasser an der Stadt,
Der Vaterstadt, vorüberfährt. Da sieht er
Die Gassen, hört die Brunnen rauschen, riecht
Den Duft der Fliederbüsche, sieht sich selber,
Ein Kind, am Ufer stehn, mit Kindesaugen,
Die ängstlich sind und weinen wollen, sieht
Durchs offne Fenster Licht in seinem Zimmer –
Das große Seeschiff aber trägt ihn weiter
Auf dunkelblauem Wasser lautlos gleitend
Mit gelben fremdgeformten Riesensegeln.
1892