Maximilian Volochine / Максимилиа́н Алекса́ндрович Кирие́нко-Воло́шин (1877- 1932) Navigation
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Comme des toiles blanches et, plus loin,
Dans les rets des cordages, l’horizon désert.
Clapotement de la vague fendue,
Grincements secs des mâts,
Murmures sous la poupe
Et la voile – immobile...
Dans notre dos, la ville
Dans la frénésie rouge
De ses drapeaux qui claquent sous le vent,
Tout enfiévrée de peurs et de colères,
La torpeur des rumeurs, le frisson des attentes,
Rongée par la famine, les épidémies, le sang,
Où le printemps tardif glisse en cachette
Par les dentelles transparentes des acacias et des fleurs.
Ici, la mer, sans vent, sans bruit, sans fond...
Le ciel et l’eau comme deux valves
D’une seule huître perlière.
Le seul figé dans une toile de rayons.
Le bateau flotte dans le halo terne et vaporeux
Des nuages légers.
Mais voilà le rivage de ta terre,
Terre d’absinthe, assoiffée, rocailleuse,
Epuisée d’être au croisement des peuples.
Je te placerai là, en témoin des folies,
Je te ferai passer sur le fil de la lame
A travers les brasiers d’une guerre
Fratricide, inutile, sans issue
Pour que tu sois porteur du grand silence
De la mer miroitante au crépuscule.
12 juin 1919,
Koktébel
Traduit du russe par André Markowicz,
In, Marina Tsvétaïeva et Maximilian Volochine : « De vie à vie »
Editions Mesures, 2023
Du même auteur : L’Apprenti (16/06/2024)