Michalis Pieris / Μιχάλης Πιερής (1952 -) : Vers Limassol
Vers Limassol
Quand l’amour commence on croirait un jardin
qui bourdonne. Quand l’amour finit.
Il est des routes lointaines fermées
sauvages. Des routes qui ne conduisent
nulle part. Fermées, inexplorées.
Je dois beaucoup à l’une d’elles. Aux tournants
des vignes qui t’amenaient dans la nuit
à moi et je te touchais tu me touchais
en douce. Comme une secrète mélodie
du plaisir, frisson que la mémoire
a voulu garder chaud pour qu’il revienne
vingt ans après, apportant l’humide
rosée, le sanglot du thym le soir
et de ton corps le spasme, tandis
que lentement descendait la jeep vers Limassol.
Vers Limassol. Je la vois maintenant de haut
la ville qui m’a élevé. Des lumières malades
me mènent dans ses bras malsains.
Prostituée noctambule elle me toise, vautrée
dans le luxe et la laideur, la ville
que j’aimais. Ville étrangère,
factice, vendue.
Mais la jeep lentement descendait dans la nuit
pleine d’amis d’autrefois
qui n’entendaient rien. Du grincement intérieur
de la passion. De l’invisible baiser qui se préparait
lit à sec où gonflait en secret le fleuve
qui allait déborder à l’instant inéluctable.
Le temps que monte l’ascenseur du plaisir.
Traduit du grec par Michel Volkovitch
In, "Les Poètes de la Méditerranée, Anthologie."
Editions Gallimard (Poésie), 2010
Du même auteur :
Retour d’un exilé / Γυρισμός ξενιτεμένου (28/03/2023)
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