Jack Kerouac (1922 – 1969) : Mexico city blues (97 – 102ème Chorus) / 97– 102th Chorus)
Jack Kerouac au début des années 1940 à l'université Columbia. (John Mladinov)
97ème Chorus
Entre-temps, voilà mon père, seul dans la rue,
Rentrant dîner, sous un ciel terne
Les arbres de Mars rameaux noirs
Contre le coucher du soleil rouge-sang
Enflammant le Fleuve
s’enfonçant dans l’océan à l’Est
au-delà du dernier et ultime grain de sable de Salisbury,
Puis tout est mouillé en-dessous, Eclipse
(Ivan, Roi de la Céleste mer-Glace, Euclide,
Saigne, Jupiter ! Nucléus,
Nuclide, Quel-est-son-nom – la mer
L’Erudit-de-la-Poussée-vers-la -Mer avec sirènes,
Damné père-flapi sanglant, épine çà !
- Neppy Tune -)
Et tout tout mouillé jusqu’au trône de Neptune.
Pressentant l’aura, les nouvelles
De ce gel, mon père
Se hâte dans sa Rue-Misère
Conscient d’être un homme
Condamné à une destinée mortelle.
« Et mon pauvre p’tit Ti Pousse »,
il pense à moi,
« Lui aussi. »
98ème Chorus
Mon père m’aime
ma mère aussi
j’suis sain & sauf
et toi de même.
Mon père m’adore
pense que j’suis joli
hait me voir
flasher un zigare
Ou éclabousser les dessus de lit
d’eaudeurs infantiles
opiniâtres -
rougis aux racines
Mon vieux n’a que 28 ans
Et est jeune agent d’assurances
Qui martèle la rue avec confiance
Se marrant en pensant aux copains
A la partie de poker et ronge
Ses ongles inquiet parce qu’il a
Tellement grossi, « jamais facture d’
charbon n’a été aussi grosse que cette
année (1924) j’dois faire gaffe à mes dollars
Bientôt la soupe populaire » -
(« Si seulement j’étais Dieu », ajoute-t-il à penser)
99ème Chorus
Mon père, Léo Alcide Kérouac
En route vers la ville-basse rouge,
(où des Néons Rouge-Brunâtres)
Auréolent le centre de la ville.
Vue depuis la rivière où nous habitions)
- « Prap – Prohock ! », tousse-t-il,
Occupé « Hem, » et crève
les coutures de ses pantalons avec la
puissance des intentions rassemblées.
« B-rrack – Brap ? »
(Comme bien plus tard GJ l’imitait.
« Ton père, Zagg, il marche
Bre-hack ! Brop ? » Levant
immenses yeux rouges exorbitants
de « gros ballons-hoquets »
du monde immense »)
Pour voir s’il y a du courrier dans la boîte
Mon père dard 2 coups d’œil rapides
dans le tout-cœur de la boîte,
Pas de lettres, tu vois le flash de sa tête
Anxieuse regardant le vide pour rien.
100éme Chorus
Voilà la véranda de la maison Lupine,
L’après-midi je dors en haut,
Au soleil, sur la véranda, en Octobre,
Je me souviens des feuilles sèches
dans le ciel bleu.
J’me souviens un jour j’étais bien rangé dans la voiture d’enfant
En osier, sous un immense vieil arbre,
Préservé dans les photos de famille,
Un orme magnifique s’élevant de la poussière
De la petite route montante –
Près des haies desséchées tard l’après-midi
En Novembre, dans le Nord, le soleil chaud
Mais l’air froid, je suis enveloppé
Et emmitouflé dans la douce ébène
Avec châles et bonnets-choux à la crème
Et bébé tintant tintin tout rose,
Observant le monde avec de petites lèvres humides,
Content, Ah John,
- Cet arbre est toujours là
mais la route s’est déplacée.
Telle est la puissance du bébé
sur le siège
Il immensifie, pour redoubler
l’image avec des mots.
101éme Chorus
Nous voulions aller au ciné
Pour redécouvrir le bonheur
du bébé -
Nous élevâmes des tours de prière
en ivoire et en pierre
Réveillâmes les citoyens de leurs propres
tanières de rats –
« Simplifions le bébé,
qu’en pensez-vous,
faut-il le serrer
faut-il cogner
l’agent du néant
dans le film ?
ou bien le laisser deviner ?
Moi, j’dis, laissons–
le deviner.
Alors il viendra en pleurant
se faufiler sous la tente
cherchant le spectacle
du fier mécontentement,
le cirque des ténèbres,
mets-y le paquet,
- sois ami –
aller au ciné est un spectacle
mais un coup le bébé sois »
102éme Chorus
« Faut pas qu’il finisse »,
ils auraient pu ajouter.
On ne meurt jamais
On ne naît jamais
Ainsi chantent les optimistes
De la vieille religion sainte,
essayant d’apaiser
Vos chaussures sont peut-être jolies,
Vos voitures d‘enfants peut-être plus
mais on meurt,
on naît.
Ce que prêche le Tathagata du Bouddha
Le prophète de l’Etat-Bouddha
c’est que
rien
naît vraiment
ni meurt
Mais que l’Ignorance est son Prince,
L’essence n’a jamais bougé,
De la Magnificence pliée.
Traduit de l’anglais par Pierre Joris
In, Jack Kerouac : « Mexico city blues”
Christian Bourgois éditeur, 1994
Du même auteur :
Mexico City Blues (1er -2ème chorus / 1st–10th chorus) (08/02/2015)
Mexico City Blues (11ème -20ème chorus / 11th–20th chorus) (08/02/2017)
Mexico City Blues (21ème – 30ème Chorus / 21sd 30th Chorus) (26/03/2018)
Mexico City Blues (31ème – 40ème Chorus / 311st - 40th Chorus) (27/03/2019)
Mexico City Blues (41ème – 50ème Chorus / 41st - 50th Chorus) (27/03/2020)
Mexico City Blues (51 – 61ème Chorus/ 51 – 61st Chorus) 27/03/2021)
Mexico city blues (62 – 72ème Chorus / 52 – 72nd Chorus) (27/03/2022
Mexico city blues (73 – 84ème Chorus) / 73 – 84th Chorus) (27/03/2023)
Mexico city blues (85 – 96ème Chorus) / 85 – 96th Chorus) (27/03/2024)
97th Chorus
Meanwhile there’s my Pa, alone in street,
Coming for supper, under heaven bleak
The trees of March black twigs
Against the red & gory sundown
That blazed across the River
sinking in the ocean to the East
beyond Salisbury’s latest & last grain of sand,,
Then all’s wet underneath, to Eclipse
(Ivan the Heaven Sea-Ice King, Euclid,
Bloody Be Jupiter, Nucleus,
Nuclid, What’s-His-Name – the sea
The sea-drang Scholar with mermaids,
Bloody blasted dadflap thorn it
- Neppy Tune -)
All’s wet clear to Neptune’s Seat.
Sensing the aura, the news
Of that frost, my father
Hurries in his Woe-Street
Conscious he is a man
Doomed to mortal destiny.
« And my poor lil Ti Pousse, »
He thinks of me,
« He’ll get it too. »
98th Chorus
My father adores me,
thinks I am cute
hates to see me
flash sheroot
Or bestpatter bedspreads
with mule of ibfant
woodsy odors
blash aroot.
My old man’s only 28 years old
And is a young insurance salesman
And is confidently clacking down the street
And chuckling to think of the boys
And the poker game and gnaws
His fingernails worried about how fat
He’s getting, « no coal bill’s been
Highern this 1924 coalbill
I got to watch my dollars
Pretty soon the poorhouse » -
(« Wish I was God, » he adds to think)
99th Chorus
My father, Leo Alcide Kérouac
Commes in the door of the porch
On the way out to downton red,
(where Neons Redly-Brownly Flash
An aura over the city center
As seen from the river whre we lived)
- « Prap – prohock ! », he’s coughing,
Busy, « Am », bursting to part
the seams of his trousers with power
of assembled intentions.
« B-rrack – Brap ? »
(as years later GJ would imitate him,
« your father, Zagg, he goes along,
Bre-hack ! Brop ? » Raising
his leg, bursting his face
to rouge outpop huge mad eyes
of « big burper balloons
of the hurge world »)
To see if there’s any mail in the box
My father shoot 2 quick glances
Into all hearts of the box,
No mail, you see the flash of his anxious
Head looking in the void for nothing.
100th Chorus
That’s the porch of the Lupine house.
Afternoons I sleep upstairs,
In the sun, on the porch, in October,
I remember the dry leaves
in the blue sky.
I remember one day being parked in the wickerbasket
Baby carriage, under huge old tree,
In family photos we’ve preserved it,
A great elm risng from dust
Of the little uphill road –
By dry hedges on a late afternoon
In November in the North, sun warm
But air cold, I am wrapt
And beswallered in sweet ebony
With wraps and puffcream caps
And chinkly pinkly pink baby,
Gleering at the world with little wet lips,
Glad, Ah John,
- that tree is still standing
but the road has moved over.
Such is the might of the baby
in the seat
He hugens to re-double
the image, in words.
101st Chorus
We strove to go to movies
And re discover the happiness
of the baby -
We built up towers of prayer
in ivory and stone –
Roused denizens from their proper
rat-warrens –
« Simplificus the baby,
what hast thou thought,
should he be serried
and should we be clobber
the agent of the giant
in the picture ?
or let him guess ?
I say, let’s
let him guess.
Then he’llcome crying
& sneaking thru the tent
looking for the showing
of proud discontent,
the circus of mirkus,
pile it on thick,
- befriend –
it’s a show to go to movies
but a blow the baby be »
102nd Chorus
« See to it that he never ends »
they might have added anyhow.
One never dies,
One’s never born
So sing the optimists
Of holy old religion,
trying to assurage –
Your shoes may look nice,
your baby buggies neater,
but one dies,
one’s born
What the Tathagata of Buddhism preaches,
The Prophet of.Buddahood
is that
nothing
is really
born to dies
But that Ignorance is its Prince,
The essence never moved
From folded magificence
Mexico city blues,
Grove Press, New - York, 1959
Poème précédent en anglais :
Langston Hughes (1902 – 1967) : En grandissant / As I grew older (18/03/2025)
Poème suivant en anglais :
Percy Bysshe Shelley : Orphée / Orpheus (12/03/2025)