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Le bar à poèmes
2 novembre 2024

Pablo Neruda (1904 – 1973) : Pays / País

 

Pays

 

Je vis dans un pays maintenant aussi doux

que la peau automnale du raisin :

verte et violette est cette époque :

le soleil est parti déjà et ne revient :

les arbres se dessinent nus

en dressant à leurs faîtes leurs pénultièmes feux :

la voix des poètes court au long des tapis :

rien ne se plante dans tes yeux pour te blesser :

nul ne désobéit à la douceur.

 

J’habite aujourd’hui la délicatesse

de grands fleuves immobiles et de rives

peintes par les années les plus claires et les plus tenaces :

voici que tous les drames ont pris fin :

les guerres ont été enterrées par un pacte

qui mêle l’honneur et l’oubli :

nul n’a droit au martyre ou à la faim :

il faut entrer dans la maison dorée de l’automne.

 

                                                                               (Géographie infructueuse)

 

 

Traduit de l’espagnol par Claude Couffon

In, Revue « Polyphonie, N°13, 1991 »

Du même auteur :

Dernières volontés / Disposiciones (02/11/2014)

Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée / Veinte poemas de amor y una canción desesperada  (02/11/2015)

Testament d’Automne (02/11/2016)

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« Que ne t’atteigne pas l’air... » / « No te toque la noche... » (02/11/2018)

Le paresseux / El perozoso (02/11/2019)

La Ma Nounou / La Mamadre (02/11/2020)

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« La grande pluie du Sud tombe sur Isla Negra... » / « La gran lluvia del sur cae sobre Isla Negra... » (02/11/2022)

« Oui, j’aime ce morceau de terre que tu es... » / « Amo el trozo de tierra que tú eres ... (02/11/2023)

 

País

Yo vivo ahora en un país tan suave

como la piel otoñal de las uvas :

verde blanco y violeta es este tempo :

el sol se fue hace rato y no regresa :

los árboles desnudos se dibujan
levantando el fulgor penúltimo en sus copas :
la voz de los poetas corre por las alfombras :
nada se clava en tus ojos para herirte :
nadie desobedece a la dulzura.

 
Yo habito ahora la delicadeza
de grandes ríos inmóviles, de riberas
pintadas por los anõs más claros y tenaces :
todos los dramas se terminaron antes:
las guerras se enterraron por un pacto
entre el honor y el olvido:
nadie tiene derecho al martirio ni al hambre;
hay que entrar a la casa dorada del otoño.

 

Geografíia infructuosa
Editorial Losada, Buenos Aires,1972
Poème précédent en espagnol :

Monica Mansour : 1968 (07/10/2024)

Poème suivant en espagnol :

Jorge Luis Borges : Nuages/Nubes (04/12/2024)

 

 


 

 

 

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