Christian Prigent (1945 -) : Légende de Gino Bartali
Légende de Gino Bartali
L’homme qu’a vu l’homme qu’a vu Coppi qu’à
Vu Bartali c’est pas au piano Pa 1979
Olo Conte olé ra tza tza ! c’est toi
Chino (piccolo, vers l’an cinquante-trois) :
Tza tza ra za za quanta ne ha fatta !
Sur papier Miroir-Sprint en fripé sépia
Suce la roue du mal nommé belge Sorge-
Loos avec ton masque déjà de morgue,
Coppi ! 1959
(il pioche au trimard tout pâlichon
Pas loin de l’évanouissement sur fond
D’horizon soleil rasant : rose, azzurro
Passent quasi djà morts aux nuits de zéro
Couleur)
L’ombre derrière (frrtt : rebobine)
Bombe un nimbus vert blanc rouge il bruine
De çà des soupirs c’est de la bouche de
Ton père qu’a expiré ce souffle peu 1953
Précis : « ah, Bartali ! » puis motus (t’as qu’à
T’informer, marmot : moi j’ai mon quant-à-moi
Qui me réclame, basta, je suis pas là,
Coppi non plus, Bartali n’en parlons pas)
Donc parlons-en :
ce fut au moment quasi
Précis où tu (encor quasi singe) acquis
La vie (et bientôt tu auras en plus un
Vélo), quarante-huit, çà y est il revient,
Anda ! Oyez sa charade : Un, un bistrot / Deux,
Des quantités / Trois, pieu / Mon tout : Gino le pieux !
Bar-Tas-Lit ! Il Vecchio ! L’Uomo di ferro !
Con occhio triste ! Il Ginetaccio ! ô,
Sa casquette à mouchoir spahi sur l’arrière
Façon Gary Cooper suant légionnaire !
Son dévalé de nez boxeur esquinté !
Et le cheveu plaqué au sirop sucré ! 1948
Plein les deux tétons de bidons au guidon
C’est (Mamma mia !) ni latte ni natron
D’pot belge ni amphètes ni cortisone
Ni foutu coktail cocottant la bombonne
D’EPO (Santa Madonna !) mais bibine
D’eau bénite sans bulles ni grenadine
A l’arrivée d’étape : hop là, la cibiche !
Er de don Bruno (son confesseur fortiche
En catéchisme et kinésithérapie)
Le double massage (du mollet / du spi
Rituel)
mais papillotés planqués au creux
De sa potence les petits bleus (ou pneus)
Au nez et barbe des fans mussolignés
A la Résistance en clandé à livrer
Ou les photos et faux papiers dans les cornes
De son guidon (aller / retour 300 bornes)
Et pour avoir ainsi sauvé des juifs à
Yad Vashem il a son nom inscrit : hourra !
Ah se non fosse questa porca guerra
Le Tour il n’en aurait pas vinto deux ma
Huit – car huit est le chiffre écrit en tuyau
Sur son dos par l’arabesque des boyaux
Et 8 mis à plat c’est quasi (∞) l’infini :
Tant pis pour le faustien gringalet Coppi
(Te grogne papa qui à ce moment-là
A daigné lever son naseau de L’Huma)
Chi va piano ? sano ? chi vaffanculo ?
Corvino Fausto le gigolo du Pô ?
O Corbaccio Gino de San Casciano,
Le bigot pecnot mode mezzorgiono ?
Ils se véloleraient encor dans les plumes
Si on les laissait pédaler posthumes !
Vazy Paolo, repoumone en joie : tza
Tza za ra quanta strada hanno fatta !
Note de l’auteur : Le cycliste italien Gino Bartali a remporté les Tours de France 1938 et 1948.
Sa rivalité avec son jeune compatriote, le « campionissimo » Fausto Coppi, est restée célèbre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale il fut agent de liaison pour la Résistance italienne. Son
action a contribué à sauver plusieurs Juifs et son nom a été inscrit à ce titre parmi les Justes du
Mémorial de Yad Vashem à Jérusaleme. En 1979, le musicien Paolo Conte a consacré une chanson
à Bartali.
Chino aime le sport
P.O.L éditeur, 2017
Du même auteur : Madrigal (23/08/2014)