François Pétrarque / Francesco Petrarca (1304 - 1374) : « Comme un pauvre vieillard... / Movesi il vecchierel...
Carte maximum de France 1956
Comme un pauvre vieillard quitte, pâle et chenu,
Le doux lieu où il va tout son âge accompli
Laissant en désarroi une tendre famille
Qui voit qu’elle a perdu un père bien-aimé,
Et ensuite s’en va, en traînant son vieux corps
Tout au long des journées extrêmes de sa vie,
S’aide de son vouloir autant qu’il peut le faire,
Epuisé par les ans et du chemin lassé,
Et vient à Rome, obéissant à son désir
De pouvoir contempler l’image de Celui
Qu’il espère là-haut recevoir encore au ciel,
Ah ! de même aujourd’hui je vais parfois cherchant,
Autant que je le peux, ô dame, chez les autres,
La forme vraie de vous, objet de mon désir.
Traduit de l’italien par André Rochon
In, « Anthologie bilingue de la poésie italienne »
Editions Gallimard (Pléiade), 1994
Il part : le vieillard blême et chenu quitte
Les lieux cléments où s’écoula son âge,
Laissant les siens, surpris, se désoler
De voir un père à leur amour manquer.
Et il s’en va, traînant ses flancs antiques
Le long des jours ultimes de sa vie,
Du mieux qu’il peut, s’aidant de bon vouloir,
Las du chemin et tout rompu d’années.
Il vient à Rome en suivant son désir,
Pour contempler l’image de Celui
Qu’il a l’espoir de voir encore au Ciel.
Ainsi, lassé, parfois je cherche en d’autres,
Madame, pour autant qu’il est possible,
Votre forme que seule je désire.
Traduit de l’italien par Jean-Yves Masson
in, revue « Europe, N° 902-903, juin-juillet 2004 »
Il s’en va, le pauvre vieillard chauve et blanc, loin du doux lieu où s’est
accompli son âge, loin de la tendre famille qui se désole en se voyant
abandonnée de son bien-aimé père.
Puis de là, traînant ses flancs antiques, à travers les dernières journées de
sa vie, autant qu’il le peut, il s’aide de sa bonne volonté, tout rompu des ans
et lassé du voyage.
Et il arrive à Rome, conduit par son désir, pour y contempler l’image de
Celui qu’il espère revoir encore dans le ciel.
Hélas ! ainsi parfois, Madame, je vais m’efforçant, autant qu’il est possible,
de retrouver en autrui l’image fidèle de vote beauté désirée.
Traduit de l’italien par le comte Ferdinand Léopold de Gramont
In, Pétrarque : « Canzoniere »
Editions Gallimard (Poésie), 1983
Du même auteur :
« Quand parfois, au milieu d’autres dames… / « Quando fra l'altre donne ad ora ad ora… » (30/08/2017)
« La vie fuit... » / « La vita fugge... » (21/02/2019)
« A chaque pas je me tourne en arrière... » / « Io mi rivolgo indietro a ciascun passo... » (19/10/2021)
De mon visage il pleut larmes amères... » / « Piovonmi amare lagrime dal viso... » (19/10/2022)
« La douceur des coteaux... » / « Je dolci colli... » (19/10/2023)
Movesi il vecchierel canuto et biancho
Del dolce loco ov’à sua età fornita
Et da la famigliuola sbigottita
Che vede il caro padre venir manco ;
Indi trahendo poi l’antiquo fianco
Per l’extreme giornate di sua vita,
Quanto più pò, col buon voler s’aita,
Rotto dagli anni, et dal camino stanco ;
Et viene a Roma, seguendo ’l desio,
Per mirar la sembianza di colui
Ch’ancor lassù nel ciel vedere spera :
Così, lasso, talor vo cerchand’io,
Donna, quanto è possibile, in altrui
La disïata vostra forma vera.
Poème précédent en italien :
Salvatore Quasimodo : Dialogue / Dialogo (06/10/2024)
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Antonia Pozzi: Légère offrande / Lieve offerta (14/11/2024)