François Villon (1431 – 1463) : Ballade finale
I
Illustration de Rémy Hetreau, 1946
Ballade finale
Ici se clôt le testament
Et finit du pauvre Villon.
Venez à son enterrement,
Quand vous orrez le carillon,
Vêtus rouge com vermillon,
Car en amour mourut martyr ;
Ce jura-t-il sur son couillon
Quand de ce monde vout* partir. * voulut
Et je crois bien que pas n’en ment ;
Car chassé fut comme un souillon
De ses amours haineusement,
Tant que, d’ici à Roussillon,
Brosse* n’y a ne brossillon * buisson
Qui n’eût, ce dit-il sans mentir,
Un lambeau de son cotillon,
Quand de ce monde vout partir.
Il est ainsi et tellement,
Quand mourut n’avoit qu’un haillon ;
Qui plus, en mourant, malement
L’époignoit d’Amour l’aiguillon ;
Plus aigu que le ranguillon* * ardillon (pointe d’une boucle de ceinture)
D’un baudrier lui faisoit sentir
(C’est de quoi nous émerveillon)
Quand de ce monde vout partir.
Prince, gent comme émerillon*, * petit oiseau de proie, très vif
Sachez qu’il fit au départir :
Un trait but de vin morillon*, * vin rouge foncé
Quand de ce monde vout partir.
Poésies complètes
Edition établie, présentée et annotée par Robert Guiette
Editions Gallimard et Librairie Générale Française, 1964
Du même auteur :
Ballade des pendus (18/10/2015)
Le testament (I à XLI) (18/10/2016)
Le débat du cœur et du corps de Villon (18/10/2017)
Ballade des Dames du temps jadis (18/10/2018)
Les regrets de la belle heaumière (18/10/2019)
Ballade du concours de Blois (18/10/2020)
Epitre à mes amis (18/10/2021)
Ballade de la belle heaumière aux filles de joie (18/10/2022)
Ballade de la grosse Margot (18/10/2023)