François Pétrarque / Francesco Petrarca (1304 - 1374) : « La douceur des coteaux... » / « Je dolci colli... »
La douceur des coteaux que je hante toujours,
Même en quittant ces lieux que je ne puis quitter,
M’accompagne partout où je vais, emportant
Ce fardeau qui m’est cher et qu’Amour m’a livré.
Je m’étonne souvent, lorsqu’à part moi j’y songe
Que j’ai beau voyager, mais demeure soumis
A cet aimable joug vainement secoué :
Dès lors que j’en suis loin, je n’en suis que plus proche.
Je suis semblable au cerf que la flèche a blessé :
Il fuit, le trait mortel enfoncé dans son flanc ;
Sa course s’accélère et ses affres redoublent.
Moi de même en mon cœur j’emporte cette flèche
Qui tour à tour m’épuise et de plaisir me comble :
La souffrance me mine et la fuite me lasse.
Traduit de l’italien par Sicca Venier
in, « Poètes d’Italie. Anthologie. »
Editions de La Table Ronde, 1999
L’image me poursuit de ces douces collines où je me suis laissé moi-même,
quand j’ai quitté ces lieux que je ne puis jamais quitter ; et je sens à toute heure
sur mon dos le fardeau précieux qu’Amour m’a confié.
Souvent je m’émerveille avec moi de moi-même ; car je vais toujours, et
pourtant je n’ai pas encore échappé à ce beau joug que j’ai plusieurs fois et
inutilement secoué ; mais plus je m’en éloigne, et plus je m’en trouve
rapproché.
Et tel qu’un cerf, frappé d’une flèche, s’enfuit emportant dans son flanc
le fer envenimé, et souffre d’autant plus qu’il s’agite davantage.
Tel j’emporte au côté gauche ce trait qui me consume et me charme
pourtant ; et la douleur me fait périr et la fuite m’accable.
Traduit de l’italien par le comte Ferdinand Léopold de Gramont
In, Pétrarque : « Canzoniere »
Editions Gallimard (Poésie), 1983
Du même auteur :
« Quand parfois, au milieu d’autres dames… / « Quando fra l'altre donne ad ora ad ora… » (30/08/2017)
« La vie fuit... » / « La vita fugge... » (21/02/2019)
« A chaque pas je me tourne en arrière... » / « Io mi rivolgo indietro a ciascun passo... » (19/10/2021)
De mon visage il pleut larmes amères... » / « Piovonmi amare lagrime dal viso... » (19/10/2022)
« Comme un pauvre vieillard... / Movesi il vecchierel... » (19/10/2024)
Je dolci colli ov'io lasciai me stesso,
partendo onde già mai non posso,
mi vanno innanzi et émmi, ognor adosso
quel caro peso ch'Amor m'à commesso.
Meco di me mi meraviglio spesso,
ch'i' pur vo sempre, et non sonanchor mosso
dal bel giogo piú volte indarno scosso,
ma com piú me n'allungo, et piú m'appresso.
Et qual cervo ferito di saetta,
col ferro avelenato dentr'al fianco,
fugge, et piú duolsi quanto piú s'affretta,
tal io, avec celo stral dal lato manco,
che mi consuma, et parte mi diletta,
di duol mi struggo, et di fuggir mi stanco
Canzoniere
Poème précédent en italien :
Cino da Pistoia... : « Si jusqu’au sol le visage j’incline... » / « Se ’l viso mio alla terra s’inchina... » (14/10/2023)
Poème suivant en italien :
Giuseppe Ungaretti : Somnolence / Sonnolenza (01/11/2023)