François Pétrarque / Francesco Petrarca (1304 - 1374) : « Le premier jour que trépassa la belle... / « Li angeli elleti, e l'anime beata... »
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Pétrarque et Laure de Noves, Ecole vénitienne, vers 1510
Sonnet 346
Le premier jour que trépassa la belle,
Les purs esprits, les anges précieux,
Saintes et saints, citoyens des hauts cieux,
Tous ébahis vinrent à l'entour d'elle.
Quelle clarté, quelle beauté nouvelle
(Ce disaient-ils) apparaît à nos yeux ?
Nous n'avons vu du monde vicieux
Monter ça-haut encor une âme telle.
Elle, contente avoir changé demeure,
Se parangonne aux anges d'heure à heure,
Puis coup à coup derrière soi regarde
Si je la suis : il semble qu'elle attend,
Dont mon désir ailleurs qu'au ciel ne tend,
Car je l'ouis bien crier que trop je tarde.
Traduit de l’italien par Clément Marot
in, « Six sonnets de Pétrarque sur la mort de sa dame Laure »
Au Palais en la bouticque de Gilles Corrozet,1539,
Orthographe modernisée par Françoise Morvan
in, « Clair soleil des esprits. Amour et mort à l’âge baroque »
Editions Mesures, 2025
Les anges glorieux et les âmes heureuses
Qui habitent au ciel vinrent le premier jour
Où ma dame passa, alentour se presser,
Remplis de piété et d’émerveillement.
« Quelle est cette clarté, cette beauté nouvelle ?
Répétaient-iles entre eux. Nulle âme ainsi parée,
Du monde de l’erreur jusqu’à ce haut séjour,
Jamais ne s’éleva au cours de tout cet âge. »
Se réjouissant d’être en cette haute demeure,
Celle-ci va se comparant aux plus parfaits
Et dans le même temps se retourne sans cesse
Pour voir si je la suis, et elle semble attendre :
J’élève alors au ciel mes désirs, mes pensées,
Car je l’entends prier toujours de me hâter.
Traduit de l’italien par Danièle Boillet
In, « Anthologie bilingue de la poésie italienne »
Editions Gallimard (Pléiade), 1994
Les anges élus et les âmes bienheureuses, habitantes du ciel, le premier jour
que Madame fut trépassée, se rassemblèrent autour d’elle, remplis d’étonnement
et d’un pieux respect.
Quelle lumière est celle-ci, et quelle est cette beauté nouvelle, disaient-ils
entre eux, car jamais on ne vit, dans toute la durée des âges, une si noble créature
s’élever du monde de l’erreur à ce séjour sublime.
Elle, contente d’avoir changé d’habitation, se réunit alors aux plus parfaits,
et cependant, de temps en temps, se retourne en arrière,
Regardant si je la suis, et il semble qu’elle attende ; c’est pourquoi je dresse
vers le ciel tous mes désirs et mes pensées ; car je l’entends prier que je me hâte.
Traduit de l’italien par le comte Ferdinand Léopold de Gramont
In, Pétrarque : « Canzoniere »
Editions Gallimard (Poésie), 1983
Du même auteur :
« Quand parfois, au milieu d’autres dames… / « Quando fra l'altre donne ad ora ad ora… » (30/08/2017)
« La vie fuit... » / « La vita fugge... » (21/02/2019)
« A chaque pas je me tourne en arrière... » / « Io mi rivolgo indietro a ciascun passo... » (19/10/2021)
De mon visage il pleut larmes amères... » / « Piovonmi amare lagrime dal viso... » (19/10/2022)
« La douceur des coteaux... » / « Je dolci colli... » (19/10/2023)
« Comme un pauvre vieillard... / Movesi il vecchierel... » (19/10/2024)
Sonnet CCCXLVI
Li angeli elleti, e l'anime beata
cittadine del cielo, il primo giorno
che madonna passo, le fur intorno,
piene di meraviglia e di pietate.
- Che luce è questa, e qual nova beltate ? -
- dicean tra lor - perch'abito si adorno
dal mondo errante a quest'alto soggiorno
non sali mai in tutta questa etate. -
Ella, contenta aver cangiato albergo,
si paragona pur coi piu perfetti,
e parte ad or ad or si volge a tergo,
mirando s'io la seguo, e par ch'aspetti :
ond'io voglie e pensier' tutti al ciel ergo,
perch'i l'odo pregar pur ch'i m'affretti.
Canzoniere
Poème précédent en italien :
Galeazzo di Tarsia : « J’ai naguère franchi les Alpes..» / « Già corsi l'Alpi... » (26/09/25)
Poème suivant en italien :
Alda Merini : « Les plus beaux poèmes... » / « Le più belle poesie... » (07/11/2025)