François Pétrarque / Francesco Petrarca (1304 - 1374) : « De mon visage il pleut larmes amères... » / « Piovonmi amare lagrime d
XVII
De mon visage il pleut larmes amères,
Avec un vent tout d’angoisseux soupirs,
Quand il advient que je tourne les yeux
Vers vous, par qui m’est étranger le monde.
Doux et clément, il est vrai, le sourire
Vient apaiser de mes désirs l’ardeur
Et me soustraire au bûcher du martyre,
Tant que je vous regarde sans bouger.
Mais mes esprits se glacent quand je vois,
Lors du départ, vos mouvements suaves
Qui loin de moi entraînent mes étoiles.
Puis par les clés de l’amour libérée,
De mon cœur sort mon âme, et suit vos pas,
Dont c’est la douleur que de se détacher.
Traduit de l’italien par Jean-Yves Masson
in, revue « Europe, N° 902-903, juin-juillet 2004 »
Des larmes amères me pleuvent du visage, avec un vent douloureux de soupirs,
lorsqu’il advient que je tourne les yeux sur vous, par qui seule je suis séparé du
monde.
Il est vrai que le doux ris bienfaisant vient apaiser mes brûlants désirs, et qu’il
me soustrait aux flammes du martyre tant que je reste à vous contempler, attentif
et immobile :.
Mais de nouveau se glacent mes esprits, quand je vois au départ les suaves
mouvements détourner de moi mes fatales étoiles.
Elargie enfin avec les amoureuses clés, l’âme sort de mon cœur pour aller
à votre suite, d’où elle ne s’arrache qu’avec des soucis infinis.
Traduit de l’italien par le comte Ferdinand Léopold de Gramont
In, Pétrarque : « Canzoniere »
Editions Gallimard (Poésie), 1983
Du même auteur :
« Quand parfois, au milieu d’autres dames… / « Quando fra l'altre donne ad ora ad ora… » (30/08/2017)
« La vie fuit... » / « La vita fugge... » (21/02/2019)
« A chaque pas je me tourne en arrière... » / « Io mi rivolgo indietro a ciascun passo... » (19/10/2021)
« La douceur des coteaux... » / « Je dolci colli... » (19/10/2023)
« Comme un pauvre vieillard... / Movesi il vecchierel... » (19/10/2024)
Piovonmi amare lagrime dal viso
con un vento angoscioso di sospiri,
quando in voi adiven che gli occhi giri
per cui sola dal mondo i' son diviso.
Vero è che 'l dolce mansüeto riso
pur acqueta gli ardenti miei desiri,
et mi sottragge al foco de' martiri,
mentr'io son a mirarvi intento et fiso.
Ma gli spiriti miei s'aghiaccian poi
ch'i' veggio al departir gli atti soavi
torcer da me le mie fatali stelle.
Largata alfin co l'amorose chiavi
l'anima esce del cor per seguir voi ;
et con molto pensiero indi si svelle.
Canzoniere
Poème précédent en italien :
Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci. (06/10/2022)
Poème suivant en italien :
Giuseppe Ungaretti : Ironie / Ironia (01/11/2022)