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Le bar à poèmes
6 février 2024

Friedrich Hölderlin (1770 - 1843) : Patmos

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Patmos

Au Landgrave de Hombourg

 

Proche

et dur à saisir, le dieu.

Mais aux lieux du danger, la

délivrance croît aussi.

Dans l’obscur séjournent

les aigles et les fils des Alpes

s’en vont sans crainte par-dessus

l’abîme sur des ponts

légèrement bâtis.

Aussi, comme sont amassées alentour

Les cimes du temps et que les bien-aimés

ont séjour proche, languissant

sur les monts au plus loin séparés,

donne une eau innocente,

ô donne-nous des ailes, pour traverser

d’un cœur constant, et revenir.

 

Ainsi parlai-je, que me ravit,

plus vite que je ne l’eusse supposé

et si loin que jamais je n’eusse

pensé arrivé, un génie

de mon propre foyer. Brillaient, crépusculaires,

dans la lumière double, comme j’allais

la forêt ombragée

et les ruisseaux nostalgiques

de la patrie ; inconnus me devinrent les pays ;

mais bientôt me fleurit, éclatante de fraîcheur,

mystérieuse

dans la fumée d’or,

subitement dressée,

aux marches du soleil,

odorante de ses mille cimes,

 

l’Asie, et je cherchai, ébloui

un être que je connusse, car je n’avais pas

coutume de ces larges allées, d’où

descend du Tmolus

le Pactole orné d’or

et se dresse le Taurus et le Messogis,

et pleins de fleurs, les jardins,

- un feu tranquille, mais dans la lumière

fleurit très haut la neige argentée,

en signe de vie éternelle,

aux inaccessibles parois,

ancestral croit le lierre, et supportés

de colonnes vivantes, de cèdres et de lauriers

sont les majestueux palais

construits par les dieux

 

Bruissent cependant autour des portes de l’Asie,

étirées ci et là

sur la plaine incertaine de la mer

assez de routes sans ombre,

mais du marin les îles sont connues.

Et comme j’appris

que parmi les plus proches l’une

était Patmos,

un désir, très fort me saisit

de m’y rendre et d’y

approcher la grotte obscure.

Car non pas comme Chypre,

la riche en sources, ou

telles des autres,

splendide, ne séjourne Patmos

 

hospitalière cependant,

dans la maison plus pauvre

est-elle toutefois

et lorsqu’à la suite d’un naufrage ou pleurant

la patrie ou l’ami disparu

un étranger

s’approche d’elle, elle l’entend volontiers, et ses enfants,

la voix du fourré sacré,

et, là où tombe le sable et se ravine

la surface du champ, les voix,

elle l’entendent, et avec bienveillance elle

résonne des plaintes de cet homme. Ainsi portait-

elle jadis réconfort à l’aimé du dieu,

au Voyant, qui en bienheureuse jeunesse était

 

allé avec

le fils du Très-Haut, inséparable, car

le Porteur d’orages aimait l’innocence

du disciple et l’homme déférent

vit le visage du dieu avec précision,

comme au mystère du cep, ils étaient

assis ensemble, à l’heure de la Cène,

et dans son âme vaste, tranquille

prescience, le Seigneur proféra la mort

et l’amour ultime, car jamais,

n’avait-il, de la bonté, dit assez

de paroles, en ce temps-là, ni fini de rasséréner, comme

il la voyait, la fureur du monde.

Car tout est bien. Sur quoi il mourut. De cela

maintes choses seraient à dire. Et le virent encore – comme triomphant il

regardait, lui, le plus joyeux – ses amis, une dernière fois,

 

Mais ils s’emplirent de deuil, le soir

étant venu, frappés de stupeur,

car l’âme de ces hommes s’était

affermie de résolutions profondes,

mais ils aimaient la vie

sous le soleil et ne voulaient pas

s’éloigner du visage du Seigneur

ni de leur pays. Pénétrés,

tel le feu dans l’acier, étaient-ils de cela et l’ombre de l’Aimé

 

allait avec eux.

Aussi leur envoya-t-il

l’esprit et, certes, la

maison trembla et les orages de Dieu roulèrent,

grondant au loin, sur les

têtes pressantes, comme, pleins de tristesse,

les héros de mort étaient rassemblés,

 

maintenant que se séparant d’eux

il apparut une dernière fois.

Car maintenant le jour du soleil s’éteignit,

le royal, et  brisa,

qui rayonnait droit,

le sceptre, douleur divine, de lui-même,

car en temps prescrits cela

devait-il revenir. N’eussent pas été

favorables, plus tard, mais une rupture abrupte, infidèle,

les œuvres humaines et ce fut une joie

dès lors,

de vivre dans la nuit aimante et de maintenir

dans des yeux candides, sans en départir,

des abîmes de sagesse. Et, aux flancs profonds

des montagnes, des images vivantes verdissent aussi,

 

mais terrible est-ce comme Dieu

infiniment ici et là disperse le vivant.

Car déjà de quitter le visage

des amis bien-aimés,

et d’aller au loin par-dessus les montagnes,

seul, ou deux fois

reconnu, unanime,

était l’esprit céleste ; et cela n’était pas annoncé, mais

saisissait les boucles, présentement,

lorsque se hâtant

de loin le dieu soudain

retourné les regarda, et eux, le conjurant

de faire halte et de nommer, tel noué

à des cordes d’or désormais,

le mal, ils se tendirent les mains –

 

mais lorsque meurt alors

celui qu’au plus haut

revêtait la beauté, dont merveille

était la figure et que les Célestes

se désignaient et lorsque, lui-même

devenant pour eux une énigme sans fin, ils ne peuvent l’un

l’autre se saisir, eux, qui vivaient ensemble

dans la mémoire et que non seulement le sable

ou les prairies sont emportés et saisis

les temples, lorsque s’efface

la gloire du demi-dieu et des siens

et que le Très-Haut même détourne

son visage de cela, et que nulle part

ne soit plus visible un Immortel au ciel

ou sur la terre verdoyante, qu’est ceci ?

 

C’est le jeu du semeur lorsqu’il saisit

le froment de sa pelle

et le jette sur l’aire vers le jour.

La balle lui tombe aux pieds, mais

à la fin mûrit le blé

et ce n’est pas un mal si

s’en perd une partie et de la parole

s’estompe le son vivant,

car l’œuvre céleste aussi ressemble à la nôtre,

et le Très-Haut ne veut pas tout à la fois.

Car la mine porte du fer

et l’Etna de la lave en feu,

ainsi aurais-je richesse

pour former une image et le voir,

tel qu’il fut, le Christ,

 

mais si un être s’éperonnait de lui-même, 

et, discourant tristement, en chemin, me trouvant sans défense,

m’assaillît, que j’en fusse frappé de stupeur et qu’un serf

voulût imiter l’image du dieu –

manifeste dans la fureur vis-je une fois

le Seigneur du ciel, non que je dusse être quelque chose, mais

pour apprendre. Bienveillants sont-ils, mais leur plus grand objet de haine

tant qu’ils règnent, est l’imposture et

l’humain n’a plus cours alors parmi les hommes.

Car ceux-ci, non, ne gouvernent pas, mais gouverne

le destin des Immortels et d’elle-même

leur œuvre s’étend et se hâte vers sa fin.

Lorsqu’au plus haut se porte le chant

du triomphe divin, est nommé, à l’égal du soleil,

par les vaillants, le fils exultant du Très-Haut,

 

une devise, et voici la baguette

du chant qui fait signe vers le bas,

car rien n’est commun. Il réveille

les morts qui de l’inculte ne sont pas

encore prisonniers. Mais

nombre d’yeux timides attendent de

voir la lumière. Qui ne veulent

fleurir au tranchant du rayon,

bien que la bride d‘or retienne le courage.

Lorsque toutefois, telle

de sourcils abondants,

oublieuse du monde

une force luisant en silence tombe de l’esprit sacré ils peuvent

réjouis de la grâce,

s’exercer au calme regard.

 

Et si, maintenant, les Célestes

m’aiment comme je le crois,

combien plus t’aiment-ils encore toi,

car je sais ceci,

que pour toi prévaut

du Père éternel le vouloir. Silencieux, son signe

au ciel tonnant. Et l’Un se dresse en-dessous,

sa vie durant. Car encore vit le Christ.

Et les héros, ses fils,

sont tous venus et de lui les Ecritures

saintes et les exploits de la terre

élucident l’éclair jusqu’ici,

un concours sans halte. Lui cependant y assiste. Car ses œuvres

lui sont connues de toujours.

 

Depuis trop, trop longtemps déjà

la gloire des Célestes est-elle invisible.

Car c’est par les doigts, presque, qu’ils doivent

nous mener et honteusement

une puissance nous arrache le cœur.

Car chaque être céleste exige sacrifice,

et lorsque l’un deux est oublié,

jamais cela n’a mené à bien.

Nous avons servi la Terre Mère

et avons, voici peu, servi la lumière du soleil,

ignorants, mais le Père aime,

qui règne sur tout,

au plus haut , que soir servie

la lettre ferme et ce qui demeure

interprété sûrement. Ainsi va le chant allemand.

 

Traduit de l’allemand par John E. Jackson

in, « Hölderlin » ( Les Cahiers de l’Herne)

Editions de l’Herne, 1989

 

Patmos

Au Landgrave de Hombourg

 

Tout proche

Et difficile à saisir, le dieu !

Mais aux lieux du péril croît

Aussi ce qui sauve.

Dans la ténèbre

Nichent les aigles et sans frémir

Les fils des Alpes sur des ponts légers

Passent l’abîme.

Ainsi, puisque autour de nous s’amoncellent, dressées

Les montagnes du Temps,

Et que les bien-aimés vivent là tous proches, languissant

De solitude sur les cimes séparées,

Ouvre-nous l’étendue des eaux vierges,

Ah ! fais-nous don des ailes, que nous passions là-bas, cœurs

Fidèles, et fassions ici retour !

 

Ainsi-priais-je ; un Génie alors

Rapide au-delà de mon attente

Et de si loin que jamais je n’eusse

Rêvé même d’y parvenir, hors de ma demeure

M’emporta. Dans le crépuscule

D’aube, sous notre vol,

Naissaient les forêts chargées d’ombre

Et les nostalgiques rivières

De ma patrie ; puis vinrent les terres inconnues.

Mais bientôt, éclatante et fraîche,

Mystérieuse

Dans une buée d’or, à chaque

Pas du soleil plus immense, dans le parfum

De mille cimes embaumées,

Tu t’ouvris à moi comme une fleur.

 

Asie !

Et les yeux éblouis, je cherchai

Un lieu que je connusse, car ces larges avenues

M’étaient chose nouvelle, par où descend

Du Tmolus le Pactole tout paré d’or,

Où se dressent le Taurus et le Messogis,

Où gorgé de fleurs le jardin flamboie,

Un calme feu ! Mais là-haut dans la lumière

Fleurit la neige d’argent

Et, témoin d’une immortelle vie,

Un lierre sans âge aux parois des rocs

Inaccessibles rampe, et sur les

Cèdres et les lauriers, vivantes colonnes,

Les palais triomphants reposent

Que les dieux mêmes ont bâtis.

 

Et bruissante autour des portes de l’Asie

S’allonge et se disperse

Dans l’incertaine plaine marine

La profusion des routes sans ombre.

Mais le marin sait les îles.

Et quand j’eus nouvelle

Que l’une parmi les proches

Etait Patmos,

Le désir me saisit

D’y descendre et de tenter là-bas

L’approche de la grotte obscure.

Car Patmos n’habite point, comme Chypre

La riche en sources ou quelqu’une

Des autres îles,

La mer avec faste,

 

Mais dans une demeure

Plus pauvre, elle est pourtant

Pleine d’accueil.

Et quand, jeté d’un naufrage ou pleurant

Sa terre natale ou

L’étreinte d’un ami perdu,

Quelque étranger l’aborde, elle se fait

Pitoyable à sa plainte ; et ses enfants,

Les voix dans le brûlant bocage,

Et dans les lieux où choit le sable, où se fend

L’écorce des terres, les sons

Lui font audience, et tout un tendre

Echo répond au désespoir de l’homme. Telle

Jadis elle prit soin de l’aimé du dieu,

Du voyant dont la jeunesse bienheureuse

 

Avait suivi, compagne

Inséparable, le Fils du Très-Haut, car

Le Porteur d’orages aimait la simplesse

Du disciple, et les prunelles attentives de l’homme

Contemplèrent, tout proche, le visage du dieu,

Quand s’accomplit le mystère du cep, et tous ensemble

Ils étaient assis à l’heure de la Cène,

Et le Seigneur, sa grande âme pleine d’une calme prescience,

Leur dit sa mort et son suprême amour,

Car jamais ses lèvres n’étaient lasses

De miséricordieuses paroles, et il n’avait cesse

De ramener à la joie le monde sous ses yeux saisi par la fureur,

Car tout est bien. Puis il mourut. Que de choses là-dessus

Seraient à dire ! Et ses amis le virent encore, des cimes

De la joie, leur jeter le regard suprême d’un vainqueur.

 

Ils sentirent pourtant descendre, le soir

Etant venu, la tristesse en eux et le trouble,

Car ces hommes portaient le poids en leur âme

D’un grand Avènement, mais la vie sous le soleil

Leur était douce ; ils ne voulaient points quitter

Le visage du Seigneur

Ni leur patrie. Cet amour jusqu’à leur être même,

Tel le feu dans le fer, s’était fait voie

Et l’ombre de l’Ami marchait à leur côté.

Alors il fit sur eux descendre

L’esprit, et la demeure en vérité

Fut ébranlée et les orages de Dieu grondèrent,

Tonnerres au loin sur

Les têtes pressentantes, à l’heure où les héros de la mort

Se tenaient là tous ensemble, le cœur lourd,

 

A cette heure où leur disant adieu

Il leur apparut une fois encore.

Alors le jour du soleil devint ténèbres, le Jour

Royal, et saisi

D’une douleur divine,

De lui-même il brisa son sceptre

Aux rigides rayons de flamme, pour qu’au temps

Propice, tout fît retour. Car la vie ne fut point demeurée

Bonne et dans l’infidélité l’œuvre des hommes brusquement

Se fut rompue. Et c’était comme une joie

Désormais

D’habiter la douce nuit aimante

Et de maintenir au miroir naïf des regards purs,

Introublés, les abîmes de la sagesse. Et de vivantes

Images verdoient aussi aux pentes profondes des montagnes.

 

Mais c’est chose terrible, cette manière qu’à Dieu sans trêve

De disperser au loin ceux qui reçurent le vivant amour.

Oui, quitter déjà le visage

Des amis bien-aimés,

Et par-delà les lointaines montagnes

S’en aller solitaire où les disciples par deux fois

Et d’un seul cœur avaient reconnu la venue

De l’Esprit divin ; et nulle prophétie n’en avait fait annonce,

Mais une brusque présence les

Saisit aux boucles, quand le dieu qui s’éloignait, rapide,

Se retournant soudain, les regarda,

Et que, nommant le mal, nouant

La chaîne de leurs mains tendues, ils le conjurèrent

De le tenir lié pour toujours, comme

Par des cordages d’or –

 

Mais quand la mort

Saisit l’être en qui la Beauté suprême

Avait élu demeure jusqu’à faire de son corps

Cette merveille par le doigt même des dieux

Désignée, et quand, énigmes désormais les uns aux autres,

Ceux qui vivaient ensemble dans le souvenir ne peuvent plus

Se saisir, et que ce ne sont point

Les sables seulement ou les saules que le Temps

Emporte, ni les temples seuls

Qu’il assaille ; quand la gloire

Du demi-dieu et des siens

S’efface, quand le Très-haut lui-même

Détourne son visage

Et que le regard en vain

Dans les cieux cherche un Immortel ou sur

La terre verdoyante, ah ! qu’est-ce donc ?

 

C’est le geste du semeur, quand il puise

Avec la pelle le froment

Et le lance et l’épure au battement du van sur l’aire.

La balle en pluie à ses pieds tombe, mais au terme

De sa peine, voici le grain.

Et ce n’est point chose grave, si quelque part

S’en perd et si de la Parole expire

Peu à peu le vivant écho.

Car l’oeuvre divine est à la semblance de la nôtre :

Tout à la fois, - telle n’est point l’exigence du Très-Haut.

La mine au profond de ses puits recèle

Le fer, et l’Etna son épaisse poix brûlante,

Oui, et de cette richesse en moi j’aurais pouvoir

De nourrir du Christ une image

Fidèle et de le contempler tel qu’il fût.

 

Mais si quelqu’un, créant lui-même sa ferveur,

Me parlait en chemin d’une voix triste, et me sachant

Sans défense, me dépouillait soudain par surprise,

Et que cette image de Dieu put être imitée par un valet –

Au fort de leur fureur jadis m’apparurent

Les Seigneurs du ciel, non que je dusse être rien, mais

Leçon. Ils sont cléments, mais une chose par-dessus tout, tant qu’ils règnent

Leur fait horreur : ce factice par quoi l’humain

Va perdant toute valeur parmi les hommes.

Ils ne gouvernent plus alors ; la Destinée

Des immortels détient l’empire et leur œuvre d’elle-même

Change de voie et se précipite vers sa fin.

Et voici, quand monte la marche triomphale

Et divine, les vaillants nomment

A l’égal du soleil l’exultant Fils du Très-Haut.

 

Un signal qui rassemble ! – et la baguette ici retombe

Avec le chant, car rien ne peut être

Divulgué. Ceux d’entre les morts

Que l’informe ne saisit point encore, il les

Eveille. Mais il est nombre d’yeux

Attendant de contempler, timides,

La lumière. Et nul désir ne les presse

De fleurir au vif d’un rayon

Bien que le trait d’or tienne haut leur courage.

Mais lorsque dans l’oubli du monde, et comme issue

D’une ferveur de sourcils froncés,

La clarté silencieuse d’une force

Tombe de l’Ecriture sacrée, ils peuvent

Dans l’allégresse de la Grâce

Exercer leur calme regard.

 

Et si les Maîtres du ciel à cette heure

M’aiment ainsi que je le crois, combien plus encore

Ne te chérissent-ils point !

Car il y a ceci que je sais :

Le gré du Père

Eternel est pour toi chose

Du plus grand prix. Silencieux au tonnant ciel d’orage

Brille son signe. Et Quelqu’un sous le ciel est là debout

Pour tout son temps de vie. Car le Christ vit encore.

Mais les héros, les fils du Père sont tous

Apparus, et les Saintes Ecritures

En témoignage ; et la suite jusqu’aujourd’hui

Des actes sur la terre en leur course rivale irrépressible

Traduit l’éclair. Mais le Christ est là. Car les œuvres du Père

Depuis l’aube des temps lui sont connues.

 

Ah ! depuis trop longtemps déjà la gloire

Des dieux n’apparaît plus !

Car force leur est presque de nous conduire

La main, et c‘est par la violence, ô honte,

Que notre coeur nous est ravi.

Car il n’en est point parmi eux qui n’exige

Son sacrifice, et l’oubli, fût-ce d’un seul,

Jamais n’eut suite heureuse.

Nous avons vénéré la Terre, notre mère,

Et, voici peu, la lumière du soleil,

Ne sachant point, mais le Père aime, le

Maître du monde, avant toute chose,

Que la lettre en sa fermeté soit maintenue

Avec soin ; que de ce qui perdure soit rendu visible

Le sens profond. Et le chant allemand lui obéit.

 

 

Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre

In, « Anthologie bilingue de la poésie allemande »

Editions Gallimard (La Pléiade), 1995

Du même auteur :

« Je connais quelque part un château-fort… » / « Das alte Schloss zu untergraben … » (14//02/2015)

Ainsi Ménon pleurait Diotima /Menons Klagen um diotima (14/02/2016)

Le Pays / Die Heimat (06/02/2017)

Chant du destin d’Hypérion / Hyperions Schickalslied (06/02/2018)

Fantaisie du soir / Abendphantasie (06/02/2019)

En bleu adorable / In lieblicher Bläue (06/02/2020)

 « Comme, lorsqu’au jour de fête... » / « Wie wenn am Feiertage... » (06/02/21)

Fête de la paix / Friedensfeier (01/08/2021)

La moitié de la vie / Hälfte des Lebens (06/02/2022)

Pain et vin / Brot und wein (06/02/2023)

 

Patmos

Dem Landgrafen von Homburg

 

Nah ist

Und schwer zu fassen der Gott.

Wo aber Gefahr ist, wächst

Das Rettende auch.

Im Finstern wohnen

Die Adler und furchtlos gehn

Die Söhne der Alpen über den Abgrund weg

Auf leichtgebaueten Brücken.

Drum, da gehäuft sind rings

Die Gipfel der Zeit, und die Liebsten

Nah wohnen, ermattend auf

Getrenntesten Bergen,

So gib unschuldig Wasser,

O Fittige gib uns, treuesten Sinns

Hinüberzugehn und wiederzukehren.

 

So sprach ich, da entführte

Mich schneller, denn ich vermutet,

Und weit, wohin ich nimmer

Zu kommen gedacht, ein Genius mich

Vom eigenen Haus. Es dämmerten

Im Zwielicht, da ich ging,

Der schattige Wald

Und die sehnsüchtigen Bäche

Der Heimat; nimmer kannt ich die Länder;

Doch bald, in frischem Glanze,

Geheimnisvoll

Im goldenen Rauche, blühte

Schnellaufgewachsen,

Mit Schritten der Sonne,

Mit tausend Gipfeln duftend,

 

Mir Asia auf, und geblendet sucht

Ich eines, das ich kennete, denn ungewohnt

War ich der breiten Gassen, wo herab

Vom Tmolus fährt

Der goldgeschmückte Paktol

Und Taurus stehet und Messogis,

Und voll von Blumen der Garten,

Ein stilles Feuer, aber im Lichte

Blüht hoch der silberne Schnee,

Und Zeug unsterblichen Lebens

An unzugangbaren Wänden

Uralt der Efeu wächst und getragen sind

Von lebenden Säulen, Zedern und Lorbeern,

Die feierlichen,

Die göttlichgebauten Paläste.

 

Es rauschen aber um Asias Tore

Hinziehend da und dort

In ungewisser Meeresebene

Der schattenlosen Straßen genug,

Doch kennt die Inseln der Schiffer.

Und da ich hörte,

Der nahegelegenen eine

Sei Patmos,

Verlangte mich sehr,

Dort einzukehren und dort

Der dunkeln Grotte zu nahn.

Denn nicht, wie Cypros,

Die quellenreiche, oder

Der anderen eine

Wohnt herrlich Patmos,

 

Gastfreundlich aber ist

Im ärmeren Hause

Sie dennoch

Und wenn vom Schiffbruch oder klagend

Um die Heimat oder

Den abgeschiedenen Freund

Ihr nahet einer

Der Fremden, hört sie es gern, und ihre Kinder,

Die Stimmen des heißen Hains,

Und wo der Sand fällt, und sich spaltet

Des Feldes Fläche, die Laute,

Sie hören ihn und liebend tönt

Es wider von den Klagen des Manns. So pflegte

Sie einst des gottgeliebten,

Des Sehers, der in seliger Jugend war

 

Gegangen mit

Dem Sohne des Höchsten, unzertrennlich, denn

Es liebte der Gewittertragende die Einfalt

Des Jüngers und es sahe der achtsame Mann

Das Angesicht des Gottes genau,

Da, beim Geheimnisse des Weinstocks, sie

Zusammensaßen, zu der Stunde des Gastmahls,

Und in der großen Seele, ruhigahnend, den Tod

Aussprach der Herr und die letzte Liebe, denn nie genug

Hatt er von Güte zu sagen

Der Worte, damals, und zu erheitern, da

Ers sahe, das Zürnen der Welt.

Denn alles ist gut. Drauf starb er. Vieles wäre

Zu sagen davon. Und es sahn ihn, wie er siegend blickte,

Den Freudigsten die Freunde noch zuletzt,

 

Doch trauerten sie, da nun

Es Abend worden, erstaunt,

Denn Großentschiedenes hatten in der Seele

Die Männer, aber sie liebten unter der Sonne

Das Leben und lassen wollten sie nicht

Vom Angesichte des Herrn

Und der Heimat. Eingetrieben war,

Wie Feuer im Eisen, das, und ihnen ging

Zur Seite der Schatte des Lieben.

Drum sandt er ihnen

Den Geist, und freilich bebte

Das Haus und die Wetter Gottes rollten

Ferndonnernd über

Die ahnenden Häupter, da, schwersinnend,

Versammelt waren die Todeshelden,

 

Itzt, da er scheidend

Noch einmal ihnen erschien.

Denn itzt erlosch der Sonne Tag,

Der Königliche, und zerbrach

Den geradestrahlenden,

Den Zepter, göttlichleidend, von selbst,

Denn wiederkommen sollt es,

Zu rechter Zeit. Nicht wär es gut

Gewesen, später, und schroffabbrechend, untreu,

Der Menschen Werk, und Freude war es

Von nun an,

Zu wohnen in liebender Nacht, und bewahren

In einfältigen Augen, unverwandt

Abgründe der Weisheit. Und es grünen

Tief an den Bergen auch lebendige Bilder,

 

Doch furchtbar ist, wie da und dort

Unendlich hin zerstreut das Lebende Gott.

Denn schon das Angesicht

Der teuern Freunde zu lassen

Und fernhin über die Berge zu gehn

Allein, wo zweifach

Erkannt, einstimmig

War himmlischer Geist; und nicht geweissagt war es, sondern

Die Locken ergriff es, gegenwärtig,

Wenn ihnen plötzlich

Ferneilend zurück blickte

Der Gott und schwörend,

Damit er halte, wie an Seilen golden

Gebunden hinfort

Das Böse nennend, sie die Hände sich reichten –

 

Wenn aber stirbt alsdenn,

An dem am meisten

Die Schönheit hing, daß an der Gestalt

Ein Wunder war und die Himmlischen gedeutet

Auf ihn, und wenn, ein Rätsel ewig füreinander,

Sie sich nicht fassen können

Einander, die zusammenlebten

Im Gedächtnis, und nicht den Sand nur oder

Die Weiden es hinwegnimmt und die Tempel

Ergreift, wenn die Ehre

Des Halbgotts und der Seinen

Verweht und selber sein Angesicht

Der Höchste wendet

Darob, daß nirgend ein

Unsterbliches mehr am Himmel zu sehn ist oder

Auf grüner Erde, was ist dies?

 

Es ist der Wurf des Säemanns, wenn er faßt

Mit der Schaufel den Weizen,

Und wirft, dem Klaren zu, ihn schwingend über die Tenne.

Ihm fällt die Schale vor den Füßen, aber

Ans Ende kommet das Korn,

Und nicht ein Übel ists, wenn einiges

Verloren gehet und von der Rede

Verhallet der lebendige Laut,

Denn göttliches Werk auch gleichet dem unsern,

Nicht alles will der Höchste zumal.

Zwar Eisen träget der Schacht,

Und glühende Harze der Aetna,

So hätt ich Reichtum,

Ein Bild zu bilden, und ähnlich

Zu schaun, wie er gewesen, den Christ,

 

Wenn aber einer spornte sich selbst,

Und traurig redend, unterweges, da ich wehrlos wäre,

Mich überfiele, daß ich staunt und von dem Gotte

Das Bild nachahmen möcht ein Knecht –

Im Zorne sichtbar sah ich einmal

Des Himmels Herrn, nicht, daß ich sein sollt etwas, sondern

Zu lernen. Gütig sind sie, ihr Verhaßtestes aber ist,

Solange sie herrschen, das Falsche, und es gilt

Dann Menschliches unter Menschen nicht mehr.

Denn sie nicht walten, es waltet aber

Unsterblicher Schicksal und es wandelt ihr Werk

Von selbst, und eilend geht es zu Ende.

Wenn nämlich höher gehet himmlischer

Triumphgang, wird genennet, der Sonne gleich,

Von Starken der frohlockende Sohn des Höchsten,

 

Ein Losungszeichen, und hier ist der Stab

Des Gesanges, niederwinkend,

Denn nichts ist gemein. Die Toten wecket

Er auf, die noch gefangen nicht

Vom Rohen sind. Es warten aber

Der scheuen Augen viele,

Zu schauen das Licht. Nicht wollen

Am scharfen Strahle sie blühn,

Wiewohl den Mut der goldene Zaum hält.

Wenn aber, als

Von schwellenden Augenbraunen,

Der Welt vergessen

Stilleuchtende Kraft aus heiliger Schrift fällt, mögen,

Der Gnade sich freuend, sie

Am stillen Blicke sich üben.

 

Und wenn die Himmlischen jetzt

So, wie ich glaube, mich lieben,

Wie viel mehr Dich,

Denn Eines weiß ich,

Daß nämlich der Wille

Des ewigen Vaters viel

Dir gilt. Still ist sein Zeichen

Am donnernden Himmel. Und Einer stehet darunter

Sein Leben lang. Denn noch lebt Christus.

Es sind aber die Helden, seine Söhne,

Gekommen all und heilige Schriften

Von ihm und den Blitz erklären

Die Taten der Erde bis itzt,

Ein Wettlauf unaufhaltsam. Er ist aber dabei. Denn seine Werke sind

Ihm alle bewußt von jeher.

 

Zu lang, zu lang schon ist

Die Ehre der Himmlischen unsichtbar.

Denn fast die Finger müssen sie

Uns führen und schmählich

Entreißt das Herz uns eine Gewalt.

Denn Opfer will der Himmlischen jedes,

Wenn aber eines versäumt ward,

Nie hat es Gutes gebracht.

Wir haben gedienet der Mutter Erd

Und haben jüngst dem Sonnenlichte gedient,

Unwissend, der Vater aber liebt,

Der über allen waltet,

Am meisten, daß gepfleget werde

Der feste Buchstab, und Bestehendes gut

Gedeutet. Dem folgt deutscher Gesang.

Poème précédent en allemand :

Friedrich Nietzche :Dans l’automne allemand / Im deutschen November (03/02/2024)

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