Friedrich Hölderlin (1770 - 1843) : Patmos
Patmos
Au Landgrave de Hombourg
Proche
et dur à saisir, le dieu.
Mais aux lieux du danger, la
délivrance croît aussi.
Dans l’obscur séjournent
les aigles et les fils des Alpes
s’en vont sans crainte par-dessus
l’abîme sur des ponts
légèrement bâtis.
Aussi, comme sont amassées alentour
Les cimes du temps et que les bien-aimés
ont séjour proche, languissant
sur les monts au plus loin séparés,
donne une eau innocente,
ô donne-nous des ailes, pour traverser
d’un cœur constant, et revenir.
Ainsi parlai-je, que me ravit,
plus vite que je ne l’eusse supposé
et si loin que jamais je n’eusse
pensé arrivé, un génie
de mon propre foyer. Brillaient, crépusculaires,
dans la lumière double, comme j’allais
la forêt ombragée
et les ruisseaux nostalgiques
de la patrie ; inconnus me devinrent les pays ;
mais bientôt me fleurit, éclatante de fraîcheur,
mystérieuse
dans la fumée d’or,
subitement dressée,
aux marches du soleil,
odorante de ses mille cimes,
l’Asie, et je cherchai, ébloui
un être que je connusse, car je n’avais pas
coutume de ces larges allées, d’où
descend du Tmolus
le Pactole orné d’or
et se dresse le Taurus et le Messogis,
et pleins de fleurs, les jardins,
- un feu tranquille, mais dans la lumière
fleurit très haut la neige argentée,
en signe de vie éternelle,
aux inaccessibles parois,
ancestral croit le lierre, et supportés
de colonnes vivantes, de cèdres et de lauriers
sont les majestueux palais
construits par les dieux
Bruissent cependant autour des portes de l’Asie,
étirées ci et là
sur la plaine incertaine de la mer
assez de routes sans ombre,
mais du marin les îles sont connues.
Et comme j’appris
que parmi les plus proches l’une
était Patmos,
un désir, très fort me saisit
de m’y rendre et d’y
approcher la grotte obscure.
Car non pas comme Chypre,
la riche en sources, ou
telles des autres,
splendide, ne séjourne Patmos
hospitalière cependant,
dans la maison plus pauvre
est-elle toutefois
et lorsqu’à la suite d’un naufrage ou pleurant
la patrie ou l’ami disparu
un étranger
s’approche d’elle, elle l’entend volontiers, et ses enfants,
la voix du fourré sacré,
et, là où tombe le sable et se ravine
la surface du champ, les voix,
elle l’entendent, et avec bienveillance elle
résonne des plaintes de cet homme. Ainsi portait-
elle jadis réconfort à l’aimé du dieu,
au Voyant, qui en bienheureuse jeunesse était
allé avec
le fils du Très-Haut, inséparable, car
le Porteur d’orages aimait l’innocence
du disciple et l’homme déférent
vit le visage du dieu avec précision,
comme au mystère du cep, ils étaient
assis ensemble, à l’heure de la Cène,
et dans son âme vaste, tranquille
prescience, le Seigneur proféra la mort
et l’amour ultime, car jamais,
n’avait-il, de la bonté, dit assez
de paroles, en ce temps-là, ni fini de rasséréner, comme
il la voyait, la fureur du monde.
Car tout est bien. Sur quoi il mourut. De cela
maintes choses seraient à dire. Et le virent encore – comme triomphant il
regardait, lui, le plus joyeux – ses amis, une dernière fois,
Mais ils s’emplirent de deuil, le soir
étant venu, frappés de stupeur,
car l’âme de ces hommes s’était
affermie de résolutions profondes,
mais ils aimaient la vie
sous le soleil et ne voulaient pas
s’éloigner du visage du Seigneur
ni de leur pays. Pénétrés,
tel le feu dans l’acier, étaient-ils de cela et l’ombre de l’Aimé
allait avec eux.
Aussi leur envoya-t-il
l’esprit et, certes, la
maison trembla et les orages de Dieu roulèrent,
grondant au loin, sur les
têtes pressantes, comme, pleins de tristesse,
les héros de mort étaient rassemblés,
maintenant que se séparant d’eux
il apparut une dernière fois.
Car maintenant le jour du soleil s’éteignit,
le royal, et brisa,
qui rayonnait droit,
le sceptre, douleur divine, de lui-même,
car en temps prescrits cela
devait-il revenir. N’eussent pas été
favorables, plus tard, mais une rupture abrupte, infidèle,
les œuvres humaines et ce fut une joie
dès lors,
de vivre dans la nuit aimante et de maintenir
dans des yeux candides, sans en départir,
des abîmes de sagesse. Et, aux flancs profonds
des montagnes, des images vivantes verdissent aussi,
mais terrible est-ce comme Dieu
infiniment ici et là disperse le vivant.
Car déjà de quitter le visage
des amis bien-aimés,
et d’aller au loin par-dessus les montagnes,
seul, ou deux fois
reconnu, unanime,
était l’esprit céleste ; et cela n’était pas annoncé, mais
saisissait les boucles, présentement,
lorsque se hâtant
de loin le dieu soudain
retourné les regarda, et eux, le conjurant
de faire halte et de nommer, tel noué
à des cordes d’or désormais,
le mal, ils se tendirent les mains –
mais lorsque meurt alors
celui qu’au plus haut
revêtait la beauté, dont merveille
était la figure et que les Célestes
se désignaient et lorsque, lui-même
devenant pour eux une énigme sans fin, ils ne peuvent l’un
l’autre se saisir, eux, qui vivaient ensemble
dans la mémoire et que non seulement le sable
ou les prairies sont emportés et saisis
les temples, lorsque s’efface
la gloire du demi-dieu et des siens
et que le Très-Haut même détourne
son visage de cela, et que nulle part
ne soit plus visible un Immortel au ciel
ou sur la terre verdoyante, qu’est ceci ?
C’est le jeu du semeur lorsqu’il saisit
le froment de sa pelle
et le jette sur l’aire vers le jour.
La balle lui tombe aux pieds, mais
à la fin mûrit le blé
et ce n’est pas un mal si
s’en perd une partie et de la parole
s’estompe le son vivant,
car l’œuvre céleste aussi ressemble à la nôtre,
et le Très-Haut ne veut pas tout à la fois.
Car la mine porte du fer
et l’Etna de la lave en feu,
ainsi aurais-je richesse
pour former une image et le voir,
tel qu’il fut, le Christ,
mais si un être s’éperonnait de lui-même,
et, discourant tristement, en chemin, me trouvant sans défense,
m’assaillît, que j’en fusse frappé de stupeur et qu’un serf
voulût imiter l’image du dieu –
manifeste dans la fureur vis-je une fois
le Seigneur du ciel, non que je dusse être quelque chose, mais
pour apprendre. Bienveillants sont-ils, mais leur plus grand objet de haine
tant qu’ils règnent, est l’imposture et
l’humain n’a plus cours alors parmi les hommes.
Car ceux-ci, non, ne gouvernent pas, mais gouverne
le destin des Immortels et d’elle-même
leur œuvre s’étend et se hâte vers sa fin.
Lorsqu’au plus haut se porte le chant
du triomphe divin, est nommé, à l’égal du soleil,
par les vaillants, le fils exultant du Très-Haut,
une devise, et voici la baguette
du chant qui fait signe vers le bas,
car rien n’est commun. Il réveille
les morts qui de l’inculte ne sont pas
encore prisonniers. Mais
nombre d’yeux timides attendent de
voir la lumière. Qui ne veulent
fleurir au tranchant du rayon,
bien que la bride d‘or retienne le courage.
Lorsque toutefois, telle
de sourcils abondants,
oublieuse du monde
une force luisant en silence tombe de l’esprit sacré ils peuvent
réjouis de la grâce,
s’exercer au calme regard.
Et si, maintenant, les Célestes
m’aiment comme je le crois,
combien plus t’aiment-ils encore toi,
car je sais ceci,
que pour toi prévaut
du Père éternel le vouloir. Silencieux, son signe
au ciel tonnant. Et l’Un se dresse en-dessous,
sa vie durant. Car encore vit le Christ.
Et les héros, ses fils,
sont tous venus et de lui les Ecritures
saintes et les exploits de la terre
élucident l’éclair jusqu’ici,
un concours sans halte. Lui cependant y assiste. Car ses œuvres
lui sont connues de toujours.
Depuis trop, trop longtemps déjà
la gloire des Célestes est-elle invisible.
Car c’est par les doigts, presque, qu’ils doivent
nous mener et honteusement
une puissance nous arrache le cœur.
Car chaque être céleste exige sacrifice,
et lorsque l’un deux est oublié,
jamais cela n’a mené à bien.
Nous avons servi la Terre Mère
et avons, voici peu, servi la lumière du soleil,
ignorants, mais le Père aime,
qui règne sur tout,
au plus haut , que soir servie
la lettre ferme et ce qui demeure
interprété sûrement. Ainsi va le chant allemand.
Traduit de l’allemand par John E. Jackson
in, « Hölderlin » ( Les Cahiers de l’Herne)
Editions de l’Herne, 1989
Patmos
Au Landgrave de Hombourg
Tout proche
Et difficile à saisir, le dieu !
Mais aux lieux du péril croît
Aussi ce qui sauve.
Dans la ténèbre
Nichent les aigles et sans frémir
Les fils des Alpes sur des ponts légers
Passent l’abîme.
Ainsi, puisque autour de nous s’amoncellent, dressées
Les montagnes du Temps,
Et que les bien-aimés vivent là tous proches, languissant
De solitude sur les cimes séparées,
Ouvre-nous l’étendue des eaux vierges,
Ah ! fais-nous don des ailes, que nous passions là-bas, cœurs
Fidèles, et fassions ici retour !
Ainsi-priais-je ; un Génie alors
Rapide au-delà de mon attente
Et de si loin que jamais je n’eusse
Rêvé même d’y parvenir, hors de ma demeure
M’emporta. Dans le crépuscule
D’aube, sous notre vol,
Naissaient les forêts chargées d’ombre
Et les nostalgiques rivières
De ma patrie ; puis vinrent les terres inconnues.
Mais bientôt, éclatante et fraîche,
Mystérieuse
Dans une buée d’or, à chaque
Pas du soleil plus immense, dans le parfum
De mille cimes embaumées,
Tu t’ouvris à moi comme une fleur.
Asie !
Et les yeux éblouis, je cherchai
Un lieu que je connusse, car ces larges avenues
M’étaient chose nouvelle, par où descend
Du Tmolus le Pactole tout paré d’or,
Où se dressent le Taurus et le Messogis,
Où gorgé de fleurs le jardin flamboie,
Un calme feu ! Mais là-haut dans la lumière
Fleurit la neige d’argent
Et, témoin d’une immortelle vie,
Un lierre sans âge aux parois des rocs
Inaccessibles rampe, et sur les
Cèdres et les lauriers, vivantes colonnes,
Les palais triomphants reposent
Que les dieux mêmes ont bâtis.
Et bruissante autour des portes de l’Asie
S’allonge et se disperse
Dans l’incertaine plaine marine
La profusion des routes sans ombre.
Mais le marin sait les îles.
Et quand j’eus nouvelle
Que l’une parmi les proches
Etait Patmos,
Le désir me saisit
D’y descendre et de tenter là-bas
L’approche de la grotte obscure.
Car Patmos n’habite point, comme Chypre
La riche en sources ou quelqu’une
Des autres îles,
La mer avec faste,
Mais dans une demeure
Plus pauvre, elle est pourtant
Pleine d’accueil.
Et quand, jeté d’un naufrage ou pleurant
Sa terre natale ou
L’étreinte d’un ami perdu,
Quelque étranger l’aborde, elle se fait
Pitoyable à sa plainte ; et ses enfants,
Les voix dans le brûlant bocage,
Et dans les lieux où choit le sable, où se fend
L’écorce des terres, les sons
Lui font audience, et tout un tendre
Echo répond au désespoir de l’homme. Telle
Jadis elle prit soin de l’aimé du dieu,
Du voyant dont la jeunesse bienheureuse
Avait suivi, compagne
Inséparable, le Fils du Très-Haut, car
Le Porteur d’orages aimait la simplesse
Du disciple, et les prunelles attentives de l’homme
Contemplèrent, tout proche, le visage du dieu,
Quand s’accomplit le mystère du cep, et tous ensemble
Ils étaient assis à l’heure de la Cène,
Et le Seigneur, sa grande âme pleine d’une calme prescience,
Leur dit sa mort et son suprême amour,
Car jamais ses lèvres n’étaient lasses
De miséricordieuses paroles, et il n’avait cesse
De ramener à la joie le monde sous ses yeux saisi par la fureur,
Car tout est bien. Puis il mourut. Que de choses là-dessus
Seraient à dire ! Et ses amis le virent encore, des cimes
De la joie, leur jeter le regard suprême d’un vainqueur.
Ils sentirent pourtant descendre, le soir
Etant venu, la tristesse en eux et le trouble,
Car ces hommes portaient le poids en leur âme
D’un grand Avènement, mais la vie sous le soleil
Leur était douce ; ils ne voulaient points quitter
Le visage du Seigneur
Ni leur patrie. Cet amour jusqu’à leur être même,
Tel le feu dans le fer, s’était fait voie
Et l’ombre de l’Ami marchait à leur côté.
Alors il fit sur eux descendre
L’esprit, et la demeure en vérité
Fut ébranlée et les orages de Dieu grondèrent,
Tonnerres au loin sur
Les têtes pressentantes, à l’heure où les héros de la mort
Se tenaient là tous ensemble, le cœur lourd,
A cette heure où leur disant adieu
Il leur apparut une fois encore.
Alors le jour du soleil devint ténèbres, le Jour
Royal, et saisi
D’une douleur divine,
De lui-même il brisa son sceptre
Aux rigides rayons de flamme, pour qu’au temps
Propice, tout fît retour. Car la vie ne fut point demeurée
Bonne et dans l’infidélité l’œuvre des hommes brusquement
Se fut rompue. Et c’était comme une joie
Désormais
D’habiter la douce nuit aimante
Et de maintenir au miroir naïf des regards purs,
Introublés, les abîmes de la sagesse. Et de vivantes
Images verdoient aussi aux pentes profondes des montagnes.
Mais c’est chose terrible, cette manière qu’à Dieu sans trêve
De disperser au loin ceux qui reçurent le vivant amour.
Oui, quitter déjà le visage
Des amis bien-aimés,
Et par-delà les lointaines montagnes
S’en aller solitaire où les disciples par deux fois
Et d’un seul cœur avaient reconnu la venue
De l’Esprit divin ; et nulle prophétie n’en avait fait annonce,
Mais une brusque présence les
Saisit aux boucles, quand le dieu qui s’éloignait, rapide,
Se retournant soudain, les regarda,
Et que, nommant le mal, nouant
La chaîne de leurs mains tendues, ils le conjurèrent
De le tenir lié pour toujours, comme
Par des cordages d’or –
Mais quand la mort
Saisit l’être en qui la Beauté suprême
Avait élu demeure jusqu’à faire de son corps
Cette merveille par le doigt même des dieux
Désignée, et quand, énigmes désormais les uns aux autres,
Ceux qui vivaient ensemble dans le souvenir ne peuvent plus
Se saisir, et que ce ne sont point
Les sables seulement ou les saules que le Temps
Emporte, ni les temples seuls
Qu’il assaille ; quand la gloire
Du demi-dieu et des siens
S’efface, quand le Très-haut lui-même
Détourne son visage
Et que le regard en vain
Dans les cieux cherche un Immortel ou sur
La terre verdoyante, ah ! qu’est-ce donc ?
C’est le geste du semeur, quand il puise
Avec la pelle le froment
Et le lance et l’épure au battement du van sur l’aire.
La balle en pluie à ses pieds tombe, mais au terme
De sa peine, voici le grain.
Et ce n’est point chose grave, si quelque part
S’en perd et si de la Parole expire
Peu à peu le vivant écho.
Car l’oeuvre divine est à la semblance de la nôtre :
Tout à la fois, - telle n’est point l’exigence du Très-Haut.
La mine au profond de ses puits recèle
Le fer, et l’Etna son épaisse poix brûlante,
Oui, et de cette richesse en moi j’aurais pouvoir
De nourrir du Christ une image
Fidèle et de le contempler tel qu’il fût.
Mais si quelqu’un, créant lui-même sa ferveur,
Me parlait en chemin d’une voix triste, et me sachant
Sans défense, me dépouillait soudain par surprise,
Et que cette image de Dieu put être imitée par un valet –
Au fort de leur fureur jadis m’apparurent
Les Seigneurs du ciel, non que je dusse être rien, mais
Leçon. Ils sont cléments, mais une chose par-dessus tout, tant qu’ils règnent
Leur fait horreur : ce factice par quoi l’humain
Va perdant toute valeur parmi les hommes.
Ils ne gouvernent plus alors ; la Destinée
Des immortels détient l’empire et leur œuvre d’elle-même
Change de voie et se précipite vers sa fin.
Et voici, quand monte la marche triomphale
Et divine, les vaillants nomment
A l’égal du soleil l’exultant Fils du Très-Haut.
Un signal qui rassemble ! – et la baguette ici retombe
Avec le chant, car rien ne peut être
Divulgué. Ceux d’entre les morts
Que l’informe ne saisit point encore, il les
Eveille. Mais il est nombre d’yeux
Attendant de contempler, timides,
La lumière. Et nul désir ne les presse
De fleurir au vif d’un rayon
Bien que le trait d’or tienne haut leur courage.
Mais lorsque dans l’oubli du monde, et comme issue
D’une ferveur de sourcils froncés,
La clarté silencieuse d’une force
Tombe de l’Ecriture sacrée, ils peuvent
Dans l’allégresse de la Grâce
Exercer leur calme regard.
Et si les Maîtres du ciel à cette heure
M’aiment ainsi que je le crois, combien plus encore
Ne te chérissent-ils point !
Car il y a ceci que je sais :
Le gré du Père
Eternel est pour toi chose
Du plus grand prix. Silencieux au tonnant ciel d’orage
Brille son signe. Et Quelqu’un sous le ciel est là debout
Pour tout son temps de vie. Car le Christ vit encore.
Mais les héros, les fils du Père sont tous
Apparus, et les Saintes Ecritures
En témoignage ; et la suite jusqu’aujourd’hui
Des actes sur la terre en leur course rivale irrépressible
Traduit l’éclair. Mais le Christ est là. Car les œuvres du Père
Depuis l’aube des temps lui sont connues.
Ah ! depuis trop longtemps déjà la gloire
Des dieux n’apparaît plus !
Car force leur est presque de nous conduire
La main, et c‘est par la violence, ô honte,
Que notre coeur nous est ravi.
Car il n’en est point parmi eux qui n’exige
Son sacrifice, et l’oubli, fût-ce d’un seul,
Jamais n’eut suite heureuse.
Nous avons vénéré la Terre, notre mère,
Et, voici peu, la lumière du soleil,
Ne sachant point, mais le Père aime, le
Maître du monde, avant toute chose,
Que la lettre en sa fermeté soit maintenue
Avec soin ; que de ce qui perdure soit rendu visible
Le sens profond. Et le chant allemand lui obéit.
Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre
In, « Anthologie bilingue de la poésie allemande »
Editions Gallimard (La Pléiade), 1995
Du même auteur :
« Je connais quelque part un château-fort… » / « Das alte Schloss zu untergraben … » (14//02/2015)
Ainsi Ménon pleurait Diotima /Menons Klagen um diotima (14/02/2016)
Le Pays / Die Heimat (06/02/2017)
Chant du destin d’Hypérion / Hyperions Schickalslied (06/02/2018)
Fantaisie du soir / Abendphantasie (06/02/2019)
En bleu adorable / In lieblicher Bläue (06/02/2020)
« Comme, lorsqu’au jour de fête... » / « Wie wenn am Feiertage... » (06/02/21)
Fête de la paix / Friedensfeier (01/08/2021)
La moitié de la vie / Hälfte des Lebens (06/02/2022)
Pain et vin / Brot und wein (06/02/2023)
Patmos
Dem Landgrafen von Homburg
Nah ist
Und schwer zu fassen der Gott.
Wo aber Gefahr ist, wächst
Das Rettende auch.
Im Finstern wohnen
Die Adler und furchtlos gehn
Die Söhne der Alpen über den Abgrund weg
Auf leichtgebaueten Brücken.
Drum, da gehäuft sind rings
Die Gipfel der Zeit, und die Liebsten
Nah wohnen, ermattend auf
Getrenntesten Bergen,
So gib unschuldig Wasser,
O Fittige gib uns, treuesten Sinns
Hinüberzugehn und wiederzukehren.
So sprach ich, da entführte
Mich schneller, denn ich vermutet,
Und weit, wohin ich nimmer
Zu kommen gedacht, ein Genius mich
Vom eigenen Haus. Es dämmerten
Im Zwielicht, da ich ging,
Der schattige Wald
Und die sehnsüchtigen Bäche
Der Heimat; nimmer kannt ich die Länder;
Doch bald, in frischem Glanze,
Geheimnisvoll
Im goldenen Rauche, blühte
Schnellaufgewachsen,
Mit Schritten der Sonne,
Mit tausend Gipfeln duftend,
Mir Asia auf, und geblendet sucht
Ich eines, das ich kennete, denn ungewohnt
War ich der breiten Gassen, wo herab
Vom Tmolus fährt
Der goldgeschmückte Paktol
Und Taurus stehet und Messogis,
Und voll von Blumen der Garten,
Ein stilles Feuer, aber im Lichte
Blüht hoch der silberne Schnee,
Und Zeug unsterblichen Lebens
An unzugangbaren Wänden
Uralt der Efeu wächst und getragen sind
Von lebenden Säulen, Zedern und Lorbeern,
Die feierlichen,
Die göttlichgebauten Paläste.
Es rauschen aber um Asias Tore
Hinziehend da und dort
In ungewisser Meeresebene
Der schattenlosen Straßen genug,
Doch kennt die Inseln der Schiffer.
Und da ich hörte,
Der nahegelegenen eine
Sei Patmos,
Verlangte mich sehr,
Dort einzukehren und dort
Der dunkeln Grotte zu nahn.
Denn nicht, wie Cypros,
Die quellenreiche, oder
Der anderen eine
Wohnt herrlich Patmos,
Gastfreundlich aber ist
Im ärmeren Hause
Sie dennoch
Und wenn vom Schiffbruch oder klagend
Um die Heimat oder
Den abgeschiedenen Freund
Ihr nahet einer
Der Fremden, hört sie es gern, und ihre Kinder,
Die Stimmen des heißen Hains,
Und wo der Sand fällt, und sich spaltet
Des Feldes Fläche, die Laute,
Sie hören ihn und liebend tönt
Es wider von den Klagen des Manns. So pflegte
Sie einst des gottgeliebten,
Des Sehers, der in seliger Jugend war
Gegangen mit
Dem Sohne des Höchsten, unzertrennlich, denn
Es liebte der Gewittertragende die Einfalt
Des Jüngers und es sahe der achtsame Mann
Das Angesicht des Gottes genau,
Da, beim Geheimnisse des Weinstocks, sie
Zusammensaßen, zu der Stunde des Gastmahls,
Und in der großen Seele, ruhigahnend, den Tod
Aussprach der Herr und die letzte Liebe, denn nie genug
Hatt er von Güte zu sagen
Der Worte, damals, und zu erheitern, da
Ers sahe, das Zürnen der Welt.
Denn alles ist gut. Drauf starb er. Vieles wäre
Zu sagen davon. Und es sahn ihn, wie er siegend blickte,
Den Freudigsten die Freunde noch zuletzt,
Doch trauerten sie, da nun
Es Abend worden, erstaunt,
Denn Großentschiedenes hatten in der Seele
Die Männer, aber sie liebten unter der Sonne
Das Leben und lassen wollten sie nicht
Vom Angesichte des Herrn
Und der Heimat. Eingetrieben war,
Wie Feuer im Eisen, das, und ihnen ging
Zur Seite der Schatte des Lieben.
Drum sandt er ihnen
Den Geist, und freilich bebte
Das Haus und die Wetter Gottes rollten
Ferndonnernd über
Die ahnenden Häupter, da, schwersinnend,
Versammelt waren die Todeshelden,
Itzt, da er scheidend
Noch einmal ihnen erschien.
Denn itzt erlosch der Sonne Tag,
Der Königliche, und zerbrach
Den geradestrahlenden,
Den Zepter, göttlichleidend, von selbst,
Denn wiederkommen sollt es,
Zu rechter Zeit. Nicht wär es gut
Gewesen, später, und schroffabbrechend, untreu,
Der Menschen Werk, und Freude war es
Von nun an,
Zu wohnen in liebender Nacht, und bewahren
In einfältigen Augen, unverwandt
Abgründe der Weisheit. Und es grünen
Tief an den Bergen auch lebendige Bilder,
Doch furchtbar ist, wie da und dort
Unendlich hin zerstreut das Lebende Gott.
Denn schon das Angesicht
Der teuern Freunde zu lassen
Und fernhin über die Berge zu gehn
Allein, wo zweifach
Erkannt, einstimmig
War himmlischer Geist; und nicht geweissagt war es, sondern
Die Locken ergriff es, gegenwärtig,
Wenn ihnen plötzlich
Ferneilend zurück blickte
Der Gott und schwörend,
Damit er halte, wie an Seilen golden
Gebunden hinfort
Das Böse nennend, sie die Hände sich reichten –
Wenn aber stirbt alsdenn,
An dem am meisten
Die Schönheit hing, daß an der Gestalt
Ein Wunder war und die Himmlischen gedeutet
Auf ihn, und wenn, ein Rätsel ewig füreinander,
Sie sich nicht fassen können
Einander, die zusammenlebten
Im Gedächtnis, und nicht den Sand nur oder
Die Weiden es hinwegnimmt und die Tempel
Ergreift, wenn die Ehre
Des Halbgotts und der Seinen
Verweht und selber sein Angesicht
Der Höchste wendet
Darob, daß nirgend ein
Unsterbliches mehr am Himmel zu sehn ist oder
Auf grüner Erde, was ist dies?
Es ist der Wurf des Säemanns, wenn er faßt
Mit der Schaufel den Weizen,
Und wirft, dem Klaren zu, ihn schwingend über die Tenne.
Ihm fällt die Schale vor den Füßen, aber
Ans Ende kommet das Korn,
Und nicht ein Übel ists, wenn einiges
Verloren gehet und von der Rede
Verhallet der lebendige Laut,
Denn göttliches Werk auch gleichet dem unsern,
Nicht alles will der Höchste zumal.
Zwar Eisen träget der Schacht,
Und glühende Harze der Aetna,
So hätt ich Reichtum,
Ein Bild zu bilden, und ähnlich
Zu schaun, wie er gewesen, den Christ,
Wenn aber einer spornte sich selbst,
Und traurig redend, unterweges, da ich wehrlos wäre,
Mich überfiele, daß ich staunt und von dem Gotte
Das Bild nachahmen möcht ein Knecht –
Im Zorne sichtbar sah ich einmal
Des Himmels Herrn, nicht, daß ich sein sollt etwas, sondern
Zu lernen. Gütig sind sie, ihr Verhaßtestes aber ist,
Solange sie herrschen, das Falsche, und es gilt
Dann Menschliches unter Menschen nicht mehr.
Denn sie nicht walten, es waltet aber
Unsterblicher Schicksal und es wandelt ihr Werk
Von selbst, und eilend geht es zu Ende.
Wenn nämlich höher gehet himmlischer
Triumphgang, wird genennet, der Sonne gleich,
Von Starken der frohlockende Sohn des Höchsten,
Ein Losungszeichen, und hier ist der Stab
Des Gesanges, niederwinkend,
Denn nichts ist gemein. Die Toten wecket
Er auf, die noch gefangen nicht
Vom Rohen sind. Es warten aber
Der scheuen Augen viele,
Zu schauen das Licht. Nicht wollen
Am scharfen Strahle sie blühn,
Wiewohl den Mut der goldene Zaum hält.
Wenn aber, als
Von schwellenden Augenbraunen,
Der Welt vergessen
Stilleuchtende Kraft aus heiliger Schrift fällt, mögen,
Der Gnade sich freuend, sie
Am stillen Blicke sich üben.
Und wenn die Himmlischen jetzt
So, wie ich glaube, mich lieben,
Wie viel mehr Dich,
Denn Eines weiß ich,
Daß nämlich der Wille
Des ewigen Vaters viel
Dir gilt. Still ist sein Zeichen
Am donnernden Himmel. Und Einer stehet darunter
Sein Leben lang. Denn noch lebt Christus.
Es sind aber die Helden, seine Söhne,
Gekommen all und heilige Schriften
Von ihm und den Blitz erklären
Die Taten der Erde bis itzt,
Ein Wettlauf unaufhaltsam. Er ist aber dabei. Denn seine Werke sind
Ihm alle bewußt von jeher.
Zu lang, zu lang schon ist
Die Ehre der Himmlischen unsichtbar.
Denn fast die Finger müssen sie
Uns führen und schmählich
Entreißt das Herz uns eine Gewalt.
Denn Opfer will der Himmlischen jedes,
Wenn aber eines versäumt ward,
Nie hat es Gutes gebracht.
Wir haben gedienet der Mutter Erd
Und haben jüngst dem Sonnenlichte gedient,
Unwissend, der Vater aber liebt,
Der über allen waltet,
Am meisten, daß gepfleget werde
Der feste Buchstab, und Bestehendes gut
Gedeutet. Dem folgt deutscher Gesang.
Poème précédent en allemand :
Friedrich Nietzche :Dans l’automne allemand / Im deutschen November (03/02/2024)