Jacques Baron (1905 – 1986) : Trois poèmes
Trois poèmes
I
Le temps O vie étrange très lointain camarade
Fil d’Ariane par mon amour charmé
Le temps passé demande au temps les autres voix plus fermes
Un souvenir de vos cheveux qui s’appellera le présent
et le présent n’est plus qu’un souvenir étrange
Route de la révolte Amour et long poème
J’apprendrai dans tes mains les plus beaux rêves d’or
Une route lumineuse
Chemin qui s’étend à l’infini
Jusqu’au grave souci de ne pas être un homme
Ce monde qui est si loin
De tout ce qui est derrière ou devant moi
Barbares aux couteaux étoilés
Barbares nous avons la tête dans les cieux
Il ne peut-être question
de cette vie commune
Car il n’y pas en nous autre chose que la lumière
II
Le soleil et la lumière
apparemment réels ô formes de la vie
Femmes de la vie toute entière
Les oiseaux chanteurs ne se tairont plus jusqu’à présent
Jusqu’à présent tambours bénissez la souffrance
des femmes par milliers
enchantées et ravies
suivront cheveux en feu ces femmes éternelles
La tombe de Rosa Luxembourg est fermée
O tombe où le printemps bouleversant de nos âmes
déverse ses amours et sa réalité
Une tombe est fermée et tant d’autres s’entrouvrent
Des colombes enchantées iront porter les armes
à des mains magnifiques et parfaitement libres
Traces lumineuses de vos pas femme parfaite
Nous vous suivrons toujours
Merveille de la foi
III
Au-dessus de mon front il y a un soleil
Un soleil aussi sec qu’un hareng saur
Il y a des fontaines taries
Toutes les fontaines sont taries
Tous les mondes sont perdus en mer
et toutes les étoiles sont inimitables
Monde vaillant
réveille-toi dans tes os
Dans les prairies si hautes la mort est pareille à la vie
et la vie doit t’appartenir
Monde vivant Monde extrême
isolé dans la nature comme une route inconnue des états sous-marins
Une seule goutte d’eau née derrière tant de paupières
faisant germer des hommes au cœur étincelant
dans le monde vivant
et dans le monde à venir
une seule goutte de rêve fait venir la tempête
Balayeurs aux beaux yeux dispersez les nuages
In, Revue « La Révolution surréaliste, N°8, Ier Décembre 1926 »
Du même auteur : Campagne (13/01/2025)