Giraut de Bornelh (1138 – 1215) : « Ai grand joie quand me souviens de l’amour... »
Ai grand joie quand me souviens de l’amour
Qui tient mon cœur ferme sous sa dépendance ;
L’autre jour, vins dans un verger, de fleurs
Tout couvert, de chants d’oiseaux résonnant,
Et quand je fus dedans ce beau jardin,
Lors m’apparut la belle fleur de lys,
Qui captiva mes yeux, saisit mon cœur,
Tant, que depuis ne peux reprendre ni sens
Ni esprit d’elle à qui me suis soumis.
C’est pour ell’ seule que je chante et pleure ;
Tant ai pour ell’ mon désir attisé,
Souvent soupire et supplie et me tourne
Devers où vis resplendir sa beauté ;
Fleur des dames, qu’on chérit et révère,
Ainsi que tant de gens m’avez conquis,
Douce et bonne, modeste, de haut parage,
D’aménité pleine êtes pour bonnes gens.
Bien serai riche, si j’osai la louer,
Tous les gens viendraient l’ouïr avec joie,
Mais grand peur ai que de faux louangeurs,
Félons et lâches, et surtout sans mesure,
Puissent m’entendre, et ai trop d’ennemis.
Il me plaît qu’on se fasse devin ;
Mais quand verrai un homme de son lignage,
La louerai tant que ma bouche se fende,
Tant d’amour porte à son beau corps si gent...
Adaptée de l’occitan par France Igly
In, « Troubadours et trouvères »
Pierre Seghers, 1960
Du même auteur : « Roi glorieux... » / « Reis glorios.. » (31/10/2024 (31/10/2024)