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Le bar à poèmes
4 septembre 2023

Iliazd / Ильязд (1894 – 1975) : « Je fus j’ai cessé d’être... »

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Je fus j’ai cessé d’être quel tourment

     m’infliges-tu d’être à nouveau compagne

     lorsque sans croire sans savoir comment

     mes mots n’apportent qu’un destin de bagne

     la peste frappe mon attouchement

 

Depuis l’enfance chaque jour m’écrase

     et le désir me ronge croc à croc

     le fond de l’’âme c’est un lit de vase

     je lutte pour souffrir d’être un héros

     invraisemblable de l’arrière-base

 

J’imaginais naïvement le bien

     m’ouvrant les grandes portes de la terre

     on me jetait je ne reprochais rien

     une monnaie de singe pour salaire

     le chien fidèle avait sa vie de chien

 

Que faire la jeunesse est sans famille

     seule pour le conseil et le souci

     le temps se perd dans un brouillard qui brille

     ni le rêveur n’a rien à faire ici

     alors que mes possibles s’éparpillent

 

J’ai vainement cherché la compassion

     et je croyais un peu en quelque chose

     j’ai vu les murs où nous nous fracassions

     et les cervelles grises de sclérose

     et les sourires ceux de location

 

Va donc eh dans la vie cherchant fortune

     et n’implorant plus loin que le repos

     hurlant dans l’insomnie contre la lune

     les hommes savent qu’on leur fait la peau

     la fosse bâille uniformément une

 

Et s’il arrive dans ce vain combat

     que nous trouvions quelqu’un qui bouleverse

     la vieille mort arrive et nous rabat

     et les chevaux des ombres nous renversent

     et gare alors hurler ne suffit pas

 

Pour m’épargner les tentations futiles

     parmi la foule qu’elle avait à voir

     elle arrivait chez moi gentille hostile

     et me soufflait d’abandonner l’espoir

     et sa tendresse n’était pas servile

 

A force de fatigue je l’ai crue

     et j’ai glissé vers l’ombre la plus nulle

     où nul ne cherche à être secouru

     je suis cadavre mais je déambule

     ta plainte ou ton reproche – des intrus

 

Pilier d’auberge suis-je dans l’allure

     l’indifférence m’a tendu la main

     mon existence vide prend figure

     et j’ai toujours banni de mon chemin

     le marchandage la littérature

 

C’est un délire absurde le passé

     mourir est une forme de conquête

     il faut se taire j’en ai dit assez

     que dorment sans murmure les défaites

     quand le victoires vaines sont cassées

 

                                                            2.2.1947

 

Traduit du russe par André Markowicz

in, Iliazd : « Œuvres poétiques »

Editions Mesures, 2020

Du même auteur :

« A l’automne... » / « Осенью... » (04/09/2021

« La guerre éructe » (04/09/2022)

Sentence sans paroles (04/09/2024)

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