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Le bar à poèmes
12 mars 2023

Henri Droguet (1944 -) : Gwerz / Amen

Droguet[1]

 

GWERZ

 

Dans le milieu de l’homme il y a

la banlieue craquante de la mer

comme un volet qui cogne

dans une nuit

il y a le cœur on dirait

une gare

                  dans le milieu

de l’homme il y a

le nord et des collines

 

Autour de lui remuent des vents épais

par les travers d’orage des chardons

et simplement pour les chants de passage

des oiseaux du dimanche

 

Aux fonds de l’homme-moi

se tient déjà la mort

comme la lie des rêves noirs

dans le creux tordu de la terre.

                                                             5 aout et 26 octobre 1977

 

AMEN

Ce livre je serai, noir

ouvert dans le silence

on poussera l’auvent dans une ferme

proche et craquante

les granges sentiront

 

je passerai vers les enclos

(le vent entre nuque et talons)

troublement je te dirai l’histoire

des lunaisons

je te dirai le chant-nuage

on fermera – pas bien loin – les pianos

pour les musiques obliques

                                             et la mémoire

et l’on jouira de la violence immobile des eaux    

 

ta main je la tiendrai

dans l’aube cognante

le cri de lisière des chiens

et la rumeur timonière du bois

à l’heure fauchante

 

l’œil crevé du Dieu

on l’aura tôt jeté au puits

ou dans la haie compacte claire

la pluie émerveillante marchera drue

(ses bras frais innombrables lécheront doucement nos visages)

l’oiseau gercera le marais, criant

 

on lèvera le loquet du royaume

l’enfant dira : dans la banlieue le monde épais

                       et lourd

                       va blanchir.

 

Ainsi la nuit sera passée.

                                                                  26-27 février 1978

 

I

Jamais

jamais je n’entendrai les aveugles

je ne vois pas les sourds

je regarde dans l’heure de remémoire

                 les eaux et les arbres carrés

 

Tranquillement un nuage s’efface

les geais filent bas dans l’ortie bleue

un cheval rit près d’une pompe

dans la rivière les fagots sont jetés

Nous avons devant nous mille ans.

 

II

Déjà

déjà je me souviens de l’avenir

je me souviens d’autre chose

du tricot cassé de la mer

du gîte très aimé des vents planants

et chantant dur

de ce qui ronge l’os noir du vrai pays.

 

III

La nuit

la nuit je sue sous les étoiles

je dis des mots sans importance

et je remets au lendemain

puis au lendemain

du lendemain

je rêve beau

les enfants dorment.

Les vieux attendent leur dû

dans le parfum du tilleul et des menthes.

                                               Saint-Julien- d’Olargues (Les Horts), juillet 1978

                                                      Bédoin (La Grande-Garrigue), 30 août 1978

 

 

Chant rapace

In, Revue « Cahier de poésie, 3 »

Editions Gallimard, 1980

Du même auteur :

Sans paroles (12/03/2019)

Salut (12/03/2020)

Bout de monde (12/03/2021)

Pour l’exemple (12/03/2022)

Scopie 1 / « ...Indéfiniment ma joie... » (11/03/2024)

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