Henri Droguet (1944 -) : Bout de monde
Bout de monde
D’abord le vent, que je dis
livrant d’ahan provisoire bataille
et puis l’algue-mourir
Le roc qui fut là, installé
définitif
et puis l’ajonc de la grand-mer, que je dis
la salée, la quelquefois charmante
ses berceuses à matraquer les falaises accores,
un chahut de navires
faisant route delà toutes voies
et mémoires
et d’abord j’aurais dit
le vent
puis il y aura l’histoire
la mue l’errance des nuages
et des chants pulvérisés
la jambe brisée du malheur. Un soir de paille
l’amour invulnérable.
16 février 1972
*
Rien que d’eau, d’arbre et de glaise
nuit de cocagne, ma trop-claire
rien que pays d’intermittences
ainsi :
sexe détumescent d’un noir cheval hirsute
et la ruinée maison à se couvrir d’arbres
d’un coup un pivert tricolore et premier
les débutantes claires
renoncules et primevères,
le tressaillis du rat
la brouille qui persiste non pas dans les entours
mais bien mitan d’une écorçure
d’arbres à pommes
rien que la nuit, les épis noirs
du rêve
la terre commencée qui me tape
dans l’œil
Toi, du début
jusqu’à ma séquence dernière.
2 mars 1972
*
Ca s’appellera
PETITE PLUIE ABAT GRAND VENT
Les vents ternirent,
en effet,
le ciel touffu noircissait
la pluie fut paresseuse
et la terre douce à plus que dire
Les herbes fléchissaient
les oiseaux se taisaient chantaient
se turent
Je crus en Dieu ¼ d’heure
de plus.
20 mai 1972
*
C’est de la mer, et puis
son vague à l’âme / tumulte
le soc des brumes aigres
la puanteur énorme des varechs
l’aller-retour d’une hirondelle
noire à refaire les printemps
la rumeur permanente des cascades lointaines
l’ahan plus ou moins vif du vent
comme la paix rassoupie des sépulcres.
Langrune.
29 juin 1972
Chant rapace
In, Revue « Cahier de poésie, 3 »
Editions Gallimard, 1980
Du même auteur :
Sans paroles (12/03/2019)
Salut (12/03/2020)
Pour l’exemple (12/03/2022)
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