René Daumal (1908 – 1944) : Feu aux artifices
Feu aux artifices
Les manèges tournent
avec leurs carrosses de plâtre doré,
les sirènes aux cheveux jaunes soufflent
de leurs grandes poitrines creuses,
le malheur entre dans la ville,
parmi les palais bâtis par des fous,
le malheur entre dans les châteaux de cartes,
dans les carcasses de plâtre des maisons,
dans les manèges dorés.
Mettons le feu à la cité,
les sirènes du manège flambent,
les couleurs de leurs joues se rehaussent,
le malheur, main de fer, demeure,
parmi les rires de braises,
et l'odeur du carton verni
qui brûle rose.
La main de fer demeure
plus brûlante et plus sûre,
beau malheur luisant dans les cendres,
dernière certitude, que caches-tu dans ta paume ?
ouvre les doigts, main dure mais solide,
que je pose mon front brûlé
dans ta chair vive et ferme,
saignante de soleil tueur
In, "Les Poètes du Grand Jeu, Présentation et choix de Zéno Bianu"
Editions Gallimard (Poésie), 2003
Du même auteur :
Poème à Dieu et à l’homme (05/07/2014)
Nénie (05/07/2015)
Mémorables (05/07/2016)
La seule (04/07/2017)
Fièvre blanche (04/07/2018)
Le grand jour des morts (04/07/2019)
Le prophète (20/10/2021)
Civilisation (20/10/2023)
Entrée des larves (20/10/2024)