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Le bar à poèmes
7 septembre 2022

Lorand Gaspar (1925 – 2019) : Sefar

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Sefar

 

     Le massif du Sefar est un des hauts lieux, au Sahara central,

de la civilisation dite bovidienne. Les chasseurs-éleveurs pasteurs

qui vivaient en ces lieux - aujourd’hui déserts – entourés de paysages

verdoyants et de rivières sont les auteurs des admirables peintures

rupestres du Tassili.

 

 

Halte du soir, langue durcie –

 

et tu peux battre ta mémoire

dans l’aire d’un si grand mutisme –

fraîcheur d’un visage défait

au théâtre nu de l’histoire

pages brûlées où s’accrochent

des odeurs de bétail et d’herbe

les ocres jaunes et les verts –

 

j’entends les bêtes qui ruminent

quelque part dans l’obscurité –

 

 

 

 

ocres levées dans la brume

du matin et le soleil brille

déjà sur la lyre des cornes

rend veloutée la peau sombre

des femmes aux seins pointus –

 

 

 

 

un homme sourit aux figures

écloses au bout de ses doigts –

de tout le mouvoir de son corps

c’est lui la danse des archers

et ses yeux caressent précis

la ligne tendue des membres

il ressent la douceur d’un mufle

son haleine humide à l’épaule

un pied réveille dans un creux

les pétales d’un jour précoce –

 

 

 

 

que de rumeur jamais perçue

dans le souffle offert à l’image

ou quand soudain s’envole un trait –

 

 

puis la rafale du galop

les chars le vol pur des chevaux

trempés de sueur et de mort.

 

 

 

 

Dans les grottes dort la mémoire

de l’eau, des barques et des danses

d’un chuchotement de verdure

ombrant la hâte du ruisseau,

de l’âme par le fer marquée –

 

 

 

 

je parle à un homme qui n’a

jamais vu d’herbe, de ruisseau

ne me souviens plus de ses mots

seulement du vert de ses yeux

regardant les braises et la flamme

du feu bâti dans la fraîcheur –

 

je m’endors et rêve qu’autour

c’est déjà la rougeur de l’aube

grappes de voix claires qui roulent

par les collines en sommeil

et sortent les bœufs, leurs naseaux

ornés des vapeurs de leur souffle –

 

 

 

 

C’est peu d’une nuit pour refaire son regard

toute une aube à séparer le pain de la flamme –

 

à quoi bon une barque à présent au désert

mais la joie en nous de ces vies qui revivent !

 

 

les yeux étonnés du poreux des pierres

bourdonnement de lampes minuscules

et toute la nuit mes rêves remuent

la paille brisée du rayonnement –

 

Patmos et autres poèmes

Gallimard éditeur, 2001

Du même auteur :

La maison près de la mer, II (29/03/2016)

Patmos (29/03/2017)

Nuits (29/03/2018)

La maison près de la mer, I (29/03/2019)

Amandiers (29/03/2020)

Sidi-Bou-Saïd / Raouad / Linaria (29/03/2021)

Genèse (29/03/2022)

Nuits et neiges (29/03/2023)

Poèmes d’été à Sidi-Bou-Saïd 07/09/2023)

Fantaisie chromatique (29/03/2024)

Poussière de Judée (29/03/2025)

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