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Le bar à poèmes
29 mars 2024

Lorand Gaspar (1925 – 2019) : Fantaisie chromatique

 

Fantaisie chromatique

(Ecriture minérale et écriture organique)

 

Cordons de dunes à l’ouest du Grand Erg que brisent les rafales de cailloux des

     regs,

Réseaux de fibres en treillis enlaçants d’un lobule hépatique,

Plissements et surrections de l’orogénèse, chairs de roches labourées, hersées

     depuis le carbonifère, crêtes basses bardées de khenegs

La large ligne claire, réfringente, festonnée dans l’épiderme, rompu çà et là par

     l’hélice d’un canal excréteur de glande sudoripare,

Hamadas du Tadmaïd brûlant leur chaux au fond de la mer crétacée,

Glandes séreuses en grappe, composées, lobulaires ; cytoplasme spumeux

     rempli de vacuoles de cellules mucipares,

Le grand sillon intratassilien à schistes et à grapholites entre deux pentes

     gréseuses, tourmentées du primaire,

Organes de tact, là où le cylindraxe nu s’engage dans le tissu de soutien,

Plateaux creusés de ravins étroits, sinueux, labyrinthe de mémoire qui court

     dans la massive épaisseur inconnue,

Architecture lobulée, lamellée des couches grises et granuleuses du cervelet ;

     arbres dendritiques et cellules nerveuses en panache,

Fleuves de basalte de l’Eg’éré de noire luisance,

Villosités lamelleuses en crête enserrant des cryptes glandulaires,

Croupes et mamelles granitiques, pitons volcaniques perçant les schistes

     Cristallins d’Oul, d’Assa et d’Aguiène,

Voyage de haute cinèse dans les failles de la couche glandulaire de la

     muqueuse du grêle,

La virgation formidable, comme une tentative d’envol dansant d’une masse de

     gneiss dans l’Aleksed,

Grandes villosités jéjunales et amphores sises dans la double muraille

     musculaire,

Nervures suggariennes que soulignent les chaînes outragées de quartzites,

Architecture musicale des portées neuronales de la rétine,

Faisceaux de crêtes acérées des dykes de quartz et de diorite du plateau de

     Tamanrasset,

Bouquets fibrillaires des terminaisons nerveuses à fibres nues de la peau,

Archipels et taupinières de l’Adrar des Iforas,

Capillaires en flocules du rein, pelotons libres et corbeilles nerveuses des

     ramures papillaires,

La houle longue des tanezroufts et ténérés,

Pages évidées, rouleau immense d’oraison de la vacuité.

 

In, Revue « polyphonies, N°13 (Eté - Automne 1991)

 

Du même auteur :

La maison près de la mer, II (29/03/2016)

Patmos (29/03/2017)

Nuits (29/03/2018)

La maison près de la mer, I (29/03/2019)

Amandiers (29/03/2020)

Sidi-Bou-Saïd / Raouad / Linaria (29/03/2021)

Genèse (29/03/2022)

Sefar (07/09/2022)

Nuits et neiges (29/03/2023)

Poèmes d’été à Sidi-Bou-Saïd (07/09/2023)

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