Luis Mizón (1942 - 2022) : Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (I)
Le songe du figuier en flammes
Pour Anne-Lise Bénard
et Claude Couffon
I
1
Humbles tisserandes,
les mouettes.
A l’abri de la tempête,
elles ravaudent des mots blessés.
Les crevasses que laissent les éclairs
sur le visage colossal des fiancés.
Les baisers de l’amour en danger
ornés de coquillages et de bateaux
2
J’oeuvre avec des nombres très beaux,
des caresses accessibles.
Aine.
Aube.
Aisselle délicate.
Je respire dans les photographies du ciel.
Le sourire lézardé de la fiancée.
L’arbre du jardin des naufrages.
Visage défiguré assoiffé d’eau pure.
Je recueille dans mes mains obscures
une poussière de mots desséchés
dont le son monte
du fond d’une jarre d’argile.
3
Rumeur de musique.
Lumière en bris.
Où dort la fiancée ?
Dans quel chai se montre-t-elle
à l’invention de ma parole ?
Un poulpe étoilé s’endort
et imprime ses ventouses
sur la cuisse d’une statue.
Lèchement d’argent du nombril.
Main aventurière et complice.
Visage qui sourit.
Hortensia sensuel.
La fiancée dort près du poulpe
ou peigne à la fenêtre son cri de feu.
Corps de rosée et lait suret.
Labyrinthe.
La lumière attend
à la porte de la soif.
4
Qui pince
la corde du silence ?
Une femme te regarde,
accroupie.
Mes yeux te regardent et se ferment.
Fiancée de personne.
Je nettoie ta robe des amours secs.
Aumônes de femme et d’arbre.
Et de la main d’un autre je caresse
tes genoux de lave.
5
Broussailles de toucher.
Le ciel est une coquille
usée par les vagues.
Mes mains s’égarent
dans le bleu le plus profond.
Ici point de cigales.
Rien que l’aube éventrée.
Un pêcheur et un poisson
accroché à une étoile de métal.
Ici il n’y a rien.
6
Ultime frontière
où le vent se peigne.
Balcon avec des tresses.
Femme du port.
Je ramasse des plumes d’anges démuni.
Du fumier d’éclair.
Des livres d’occasion.
Jeu de lumière
dans le miroir si réduit de mon ongle.
Je ne sais de qui je m’éloigne
ni de qui je me rapproche.
Ame en feu
et yeux fermés.
7
Glace aux fruits.
Hôtels, juke-boxes.
Pacotilles sur la plage déserte.
Harpons aérolithes et baleines.
Fétiches de livres et de naufrages.
J’accuse la mer
en pleurant de jalousie.
Je me contredis.
Est-ce ma fiancée qui pleure
à son balcon avec des tresses ?
La vague en mendiante déguisée
me lèche les mains
avec sa langue de loup et d’agneau.
8
Mon corps est une île.
Ma maison,
un incendie.
Une croix qui flotte
amarrée avec des algues.
Allongé parme les vagues
sous l’arbre qui brûle
et ses marches anciennes.
Je me découvre
une autre forme de silence et de naufrage.
9
La fiancée se fait photographier endimanchée
sur la place du port.
Toi, l’indiscret qui passes,
regarde-la sans crainte,
mais ne l’avoue jamais !
Laisse-la danser
avec son philosophe populaire
le cha-cha-cha du Vieux Gandin du Sud.
Une fleur de sang à la boutonnière
et à la main un mouchoir avec des baisers.
10
Mon corps garde ton souvenir,
fiancée à la bouche barbouillée.
Je suis ta maison secrète,
le théâtre de ton étreinte.
Fiancée à jamais éprise.
Echelle ou kaléidoscope,
ville ou désert.
Qui chante entre ses dents ?
Quand nous perdrons notre cœur
et nos os,
nous ne serons plus que des miettes
dans la haine cristalline
du ciel.
Etoile filante
qui émiette l’eau.
Caresse sans limite.
11
Laisse-moi te vêtir
de mots qui brillent,
fiancée qui brûle seule.
La mer est en automne verte et ocre.
Viens à cette côte amoureuse
et je te couvrirai de chèvrefeuille.
Viens, même incorporelle.
Tu seras l’euphorie secrète de la roche.
Le délire du mollusque.
12
Je dessine une île et un désert.
Un chemin phosphorescent
et une maison faite avec du bois d’épaves.
Un coq bleu me guide.
Un poulain d’ombre.
Le songe du figuier en flammes.
Je t’enlèverai endormie,
je t’arracherai à ta peine
et je t’emmènerai dans ma maison
que les vagues font trembler.
Et nous tremblerons réunis,
dessins, argiles et livres.
13
Quoi que tu dises.
Quoi que tu fasses.
Nous serons étreinte et parole.
Saveur de labyrinthe acide
ou seulement à peine amer.
Odeur de contrebande d’océan
et de cheval.
Caresses
sur la peau douce
des lamantins.
Chroniques d’amour.
Sexe et haillons du cœur
ou tendre haine murmurée
à l’oreille de la lune.
Trocs incompréhensibles.
Au-dehors les portiers boivent du vin.
Leurre des mains froides.
14
Amis exilés et oubliés.
Dieu de nacre et d’os.
Sur la plage je leur laisse
ma cicatrice de craie.
Ma fleur anéantie.
Mon amour fané.
Tronc fendu de l’olivier.
Simple matière tordue par la mer.
Trouée par l’aube.
Amarrée à la dure transparence
d’un miroir
aux mille bras symétriques.
Matière ébranlée.
15
Argiles et livres.
Bibliothèques bleues en feu.
Les chevaux marins tombent
du fond poussiéreux du ciel.
Corps de mousse polie.
Lèvres du vent sur des lèvres de vent
brûlées par la même haleine
et réfléchies par le même miroir
de pierre noire.
Dans le songe du figuier en flammes.
Dans le puits et dans le chemin
où le temps est oublié.
Je te baignerai nue
pour que tu ressuscites dans ma voix.
Traduit de l’espagnol par Claude Couffon
In, Luis Mizon : « Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas »
Editions Folle Avoine, 35137 Bédée, 1999
Du même auteur :
Prisons / Prisiones (05/08/2014)
L’arbre / El árbol (05/08/2015)
Terre prochaine / Tierra próxima (05/08/2016)
Vent du Sud / Viento Sur (05/08/2017)
Retour / Retorno (05/08/2018)
Fantôme / Fantasmas (05/08/2020)
La mer des Sargasses (extraits) (05/08/2021)
Le songe du figuier en flammes (II-III) / El sueño de la higuera en llamas (II) (05/08/2023)
Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (III) (05/08/2024)
El sueño de la higuera en llamas
I
1
Tejedoras humildes
las gaviotas.
Al resguardo de la tempestad
reparan palabras malheridas.
Las grietas que dejan los relámpagos
en el rostro gigante de los novios.
Los besos del amor en peligro
adornados de conchas y de barcos.
2
Trabajo con números bellíssimos.
Caricias accesibles.
Ingle.
Alba.
Axila delicada.
Respiro en las fotografías del cielo.
La sonrisa agrietada de la novia.
El árbol del jardín de los naufragios.
Rostro desfigurado sediento de agua pura.
Recojo en mis manos oscuras
un polvo de palabras secas
que resuenan
en el fondo de un jarro de greda.
3
Rumor de música.
Luz demolida.
¿ Dónde duerme la novia ?
¿ En qué bodega se asoma
a la invención de mis palabras ?
Un pulpo estrellado se duerme
y marca de ventosas
el muslo de una estatua.
Lamedura plateada del ombligo.
Mano aventurera y cómplice.
Cara que sonríe.
Hortensia sensual.
La novia duerme con su pulpo
o peina en la ventada su crin de fuego.
Cuerpo de rocío y leche agria.
Laberinto.
La luz espera
en la puerta de la sed.
4
¿ Quien pellizca
la cuerda del silencio ?
Una mujer te mira,
En cuclillas.
Los ojos se me cierran mirándote.
Novia de nadie.
Limpio tu falda de amores secos.
Limosnas de mujer y de árbol.
Y acaricio con una mano ajena
tus rodillas de lava.
5
Maleza y tacto.
El cielo es una concha
usada por las olas.
Mis manos se pierden
en el azul más hondo.
Aquí no hay cigarras.
Sólo el alba destripada.
Un pescador y un pescado
Colgando de una estrella de metal.
Aquí no hay nada.
6
Última frontera
donde se peina el viento.
Balcón con trenzas.
Mujer del puerto.
Recojo plumas de ángel pobre
Estiécol de relámpago.
Libros de segunda mano.
Juego de luz
en ele espejo diminuto de mi uña
No sé de quién me alejo.
No sé a quién me acerco.
Con el alma encendida
Y los ojos cerrados.
7
Helados de fruta.
Hoteles, vitrolas.
Baraturas en la playa vacía.
Arpones aerolitos y ballenas.
Fetiches de libros y naufragios.
Acuso el mar,
lloro de celos.
Me contradigo.
¿ Es mi novia la que llora
En su balcón con trenzas?
La ola disfrazada de mendigo
me lame las manos
con su lengua de lobo y de cordero.
8
Mi cuerpo es una isla.
Mi casa
un incendio.
Una cruz que flota
Amarrada con huiros.
Tendido en las olas
bajo el árbol que arde
y su escalera antigua.
Me descubro
otra forma de silencio y naufragio.
9
La novia se retrata endomingada
en la plaza del puerto.
Indiscreto que pasa,
mírala sin medio,
pero ¡ nunca lo digas !
Déjala bailar
Con su filósofo popular
el cha cha cha del Caballero Del Sur.
En el ojal una flor de sangre
y en la mano un pañuelo con bezos
10
Mi cuerpo te recuerda.
novia de boca mal pintada.
Soy tu casa secreta,
el teatro de tu abrazo.
Novia para siempre enamorada.
Escala o caleidocopio,
ciudad o desierto.
¿ Quién canta entre dientes ?
Cuando se no pierda el corazón
y los huesos,
seremos sólo trizaduras
en el odio cristalino
del cielo
Estrella fugaz
que triza del agua.
Caricia sin límite
11
Déjame que te vista
con palabras que brillan,
novia que arde sola.
En otoño el mar es verde y ocre.
Ven a la costa enamorada
y te cubriré de madreselva.
Ven aunque no tengas cuerpo.
Serás la euforia secreta de la roca.
El delirio del caracol.
12
Dibujo una isla y un desierto.
Un camino fosforescente
y una casa hecha con madera náufraga.
Me guía un gallo azul.
Un potro de sombra.
El sueño de la higuera en llamas.
Te robaré dormida,
te quitaré la pena,
te llevaré a mi casa
que tiembla con las olas.
Y temblaremos juntos,
los dibujos, las gredas y los libros.
13
Digas lo que digas.
Hagas lo que hagas.
Seremos abrazo y palabra.
Sabor a laberinto ácido
o sólo apenas amargo.
Olor a contrabando de mar
y de caballo.
Caricias
en la piel suave
de las vacas marinas.
Crónicas de amor.
Sexo y harapos del corazón
o dulce odio murmurado
en el oído de la luna.
Trueques incomprensibles.
Afuera los porteros toman vino.
Engaño de las manos frías.
14
Amigos desterrados y olvidados.
Dioses de concha y hueso.
En la playa les dejo
mi cicatriz de tiza.
Mi flor aniquilada.
Mi amor seco.
Tronco rajado del olivo.
Simple materia torcida por el mar.
Agujereada por el alba.
Amarrada a la dura transparencia
de un espejo
de mil brazos simétricos.
Materia estremecida.
15
Gredas y libros.
Azules bibliotecas incendiadas.
Los caballos marinos se descuelgan
del fondo polvoriento del cielo.
Cuerpos de musgo pulido.
Labios de aire junto a labios de aire
quemados por el mismo soplo.
Reflejados por el mismo espejo
de pieda negra.
En el sueño de la higuera en llamas.
En el pozo y el camino
donde se olvida el tiempo
Te bañaré desnuda
para que revivas en mi voz.
Poème précédent en espagnol :
José Manuel Caballero Bonald : Transfiguration de la perte / Transfiguración de lo perdido (09/07/2022)
Poème suivant en espagnol :
Roberto A. Ortelli : Curiosidad (14/09/2022)