Luis Mizón (1942 - 2022) : Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (III,9 - 13)
Photo de Michel Lunardelli
Le songe du figuier en flammes
III
9
Une spirale de semences
vole d’île en île.
La mer peint en bleu mon visage.
Un grand miroir retentit
de mots blessés
et de lumière à l’abandon.
Sur la terrasse et dans la brume.
Sut la table,
la pendule et la mouche.
Dans les pleurs sans chagrin des ports
et dans leur tempête de larmes.
Je reconnais mes traces :
Mon chardon sec et à jamais en fleur.
10
La vague a modelé mes clavicules
de fer.
Mes mains sont des îlots
de carton-pâte
et mes yeux
des nids d’oiseaux,
des plages que la vague couvre
d’un lait lumineux
et de pierres multicolores.
11
Le réel
dessine
des voies excentriques.
Le retour exige des caresses.
De blanches voiles gonflées de vent.
L’étoile double du cœur
Et sa racine tranchée.
Une calligraphie violente et fine
de mains tisseuses
et de mouettes.
12
L’urine solaire décrit sa courbe
sur le bateau, la maison, le naufrage.
Méridien jaune
sur la coquille d’une planète desséchée.
13
L’histoire c’est l’hésitation de l’âme.
Une écriture involontaire.
Des pas peignant leurs traces
jusqu’à friser l’abîme
et parfois, le geste et le dessin
d’un ange
qui saute, bras ouverts,
et tombe dans un puits de haute mer.
Jambes et bras de caoutchouc,
ailes de carton
et une frimousse noire qui flotte
sur la crête écumeuse de la vague.
Et peut-être à peine cela, et pourtant.
Semblable au bateau qui touche le fond
sous un ciel en forme de pupille.
Je suis un athlète de la grande amnésie
et allongé pour finir sur la plage
je croise bras et jambes
et me repose en pleine lumière.
Je suis cela et rien de plus :
du chèvrefeuille.
Des mots qui brillent.
Une fleur envahisseuse
sur les humbles murs des hauteurs.
Traduit de l’espagnol par Claude Couffon
In, Luis Mizon : « Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas »
Editions Folle Avoine, 35137 Bédée, 1999
Du même auteur :
Prisons / Prisiones (05/08/2014)
L’arbre / El árbol (05/08/2015)
Terre prochaine / Tierra próxima (05/08/2016)
Vent du Sud / Viento Sur (05/08/2017)
Retour / Retorno (05/08/2018)
Fantôme / Fantasmas (05/08/2020)
La mer des Sargasses (extraits) (05/08/2021)
Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (I) (05/08/2022)
Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (II) (05/08/2023)
Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (III, 1-8) (05/08/2024)
El sueño de la higuera en llamas
III
9
Una espiral de semilla
vuela de isla en isla.
El mar me pinta la cara con azul.
Un gran espejo resuena
de palabras heridas
y luz abandonada.
En la terraza y la neblina.
En la mesa,
el reloj y la mosca.
En el llano sin pena de los puertos
y en su tempestad de lágrimas.
Reconozco mis huellas :
Mi cardo seco y para siempre en flor.
10
La ola modeló mis clavículas
de hierro.
Mis manos son islotes
de cartón piedra
y mis ojos,
nidos de pájaros,
playas que la ola cubre
de leche luminosa
y piedras multicolores.
11
Lo real
Dibuja
caminos excéntricos.
El regreso exige caricias.
Blancas velas infladas.
La estrella doble del corazón
y sur raíz cortada.
Una caligrafía violenta y fina
de manos tejedoras
y gaviotas.
12
La orina solar describe su curba
sobre el barco, la casa y el naufragio.
Meridiano amarillo
en la concha de un planeta reseco.
13
La historia es vacilación del alma.
Escritura involuntaria.
Pasos pintados
hasta llegar al borde del abismo
y a veces, gesto y dibujo
de un ángel
que salta con los brazos abiertos
y cae en un pozo de altamar.
Piernas y brazos de goma,
alas de cartón
y una cabecita negra que flota
en la cresta espumosa de la ola.
Y quizás ni siquiera tanto, pero.
Semejante al barco que toca fondo
bajo un cielo con forma de pupila.
Soy un atleta de la gran amnesia
y al fin recostado en la playa
cruzo mis brazos y mis piernas
y descanso en luz.
Soy eso y nada más :
Madreselva.
Palabras que brillan.
Una flor invasora
en los muros humildes de los cerros.
Poème précédent en espagnol :
Luis Mizón : Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (III, 1-8) (05/08/2024)
Poème suivant en espagnol :
Francisco de Quevedo y Villegas: « Du dernier jour déjà le glas résonne... » / « Ya formidable y espantoso suena... (19/09/2024)