Bachir Hadj Ali (1920 – 1991) : Naissance
Naissance
A alif ا Armée du lire à l’impératif
L’épine vaccine l’abeille
Le livre des livres conte un rythme
Au fleuve résumé dans sa source
B ba’ ب Déroulez le tapis volant
Chargé d’amandes de noix indiennes
De citronnade de garçons de filles
Et voguez sur la prairie vague
T ta’ ت L’olivier verse l’huile aimée
Dans la gorge de la Carthaginoise
Eclaire la demeure de ces gens-là
Prédit l’électrification des campagnes
T thà ث Par les joies trois les étincelles trois
Par le corps féminin le cheval et le vin
Par le fusil fidèle privé de sommeil
Une femme a transpercé le ciel
g gim ج Voyageurs des mondes inexplorés
Hommes des sentiers véridiques
Paysannes semeuses de larmes
Le blé vous rendra les honneurs
h ha’ ح, Ce temps bref de cadavres ambulants
Ce temps bref des paroles moisies
Ce temps bref des limaces de grimaces
La terre et la mer le purifient
h kha’ خ Ce temps bref de la peste noire
Ce temps bref des proxénètes dévots
Ce temps bref des gnomes superficiels
Reflue chassé par l’égout
d dal د Et le cygne chantera la beauté
La neige effacera les rides
Les rires graviront des rues ombragées
En rangs serrés de perles blanches
d dhal ذ Miroiteront les eaux du fleuve
Dialogueront les feux des rives
Se promèneront les femmes du peuple
Se tairont les marchands repus
r ra’ ر Surgira l’épée de Tacfarinas
Se libèrera le premier escadron
Numide surpris par la puanteur
Des chameaux en demi-cercle entravés
z zin ز Se dresseront les murailles de lances
Brûlantes à l’ombre des assiégeants
Les sourcils en ordre de bataille
S’ouvriront les fenêtres sur la ville
s sin ﺱ Il est temps de secouer ce temps
Privé de sel privé de grâce
Temps en retard sur le jour
Vienne le temps qui marche avec son temps
s chin ﺵ Agonise le cierge funèbre
Les foyers s’éteignent doucement
Les fiertés se transforment en ruse
La galette a ce goût d’argile
s sad ص Tombent les feuilles à leur naissance
Se vérifient les paroles sur mesure
Se rebelle la nuit prolongée
Lumière Lumière Lumière
d dhad ض La terre fauche le blé
Le blé moud la farine
La farine cuit le pain
Le pain fuit la bouche
t ta’ ط Oncle Ho rappelle-moi l’épopée
Tu étais plus audacieux que l’idée
Plus tendre que le sens de ton regard
Tu étais l’avant-garde de la caravane
d dha’ ظ A midi s’installe l’absence
Le soir se parcellise la mémoire
Renaissent les vaines querelles
Il nous manque le temps d’aimer
e ’ayn ع Dialectale éternelle mobile
Littérale proche sumérienne
O mes nourrices inséparables
Je laboure l’iqta sur les deux versants
g ghayn غ Tu marches sur la fuite défaite
Le danger s’écarte à ton passage
Nous avançons sûrement
Vers les foules en clairières
f fa’ ف L’assafou de Toffaïl brille
Hay distille une solidarité pure
Dans l’île ininterrompue
Les jeunes d’Absal fêtent le jour
q qaf ﻖ Il peut arriver qu’un nuage gris
Demande la main d’une étoile
Les brises appelleront l’ouragan
Les cendres froides seront dispersées
k kaf كـ Reviens reviens voilier des flots
Approche approche faucon de Hamidou
Sans proie sans prise sans surprise
Par la mer des pierres tendres
l lam ل Et les bras s’ouvriront sur Mansourah
Engloberont les cascades
Et les bassins étagés
Et le verger des vergers
m mim م L’eau sale sera lavée
Se rassembleront les cœurs jumeaux
Les mimes animeront les places
Les regards seront droits
n nun ن On enlèvera du ciel
Les flèches laissées par l’éclair
Ainsi l’eau sera plus lisse
Pour le bain des aurores
h ha’ ه Trancher le nœud qui résiste aux doigts
Brûler les potences réserver la corde
Aux gerbes moissonnées
Par la respiration des orangers
w waw و Nous dessinerons des fleurs
En guise de mots d’ordre L’émeraude
Explosera en mille feux intérieurs
Etendard de Tachfin à Zallaqa
y ya ي O mes amis nos épouses seront aimées
O mes frères nous polirons le legs
Il s’enrichira de douceurs de labeur
Nous irons ensemble à la montagne
.... Que la joie demeure
Pierre Jean Oswald éditeur, 14600 Honfleur,1970
Du même auteur :
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Lettre à ma femme (09/06/2023)
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