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Le bar à poèmes
11 octobre 2021

Leanne O’Sullivan (1983 -) : Naissance / Birth

Leanne-O-Sullivan[1]

Naissance

 

Voici que vient novembre,

moment de ma naissance, et les blanches nervures de la marée

déracinent le silence de la baie.

 

Aujourd’hui, je quitte la pierre pour le sable,

orpheline, ma mère une pierre

au soubassement de la terre, me voyant en rêve.

 

Sortant d’un sommeil profond, je m’étire comme un escargot,

rassemblant la chaleur de mes étoffes charnelles

et me déliant de cette coquille utérine.

 

J’écoute le mouvement de la mer, l’imite,

tends l’oreille au frottement des coquillages,

mon premier cri jaillissant du sel même.

 

Je lève les yeux tandis que le jour

prend forme, car on y verse

la lumière, une légère ondée effleurant

 

mes paumes doublées de mousse. Je pénètre

cette éclatante détrempe,

marais, dans l’air une plénitude de fuchsia.

 

Voici le squelette et le sang de ma mère,

draps d’algues et d’herbe – sur sa peau rougeoyante

je repose, mains et genoux.

 

Sentant doucement venir la soif

j’approche la bouche de la chute d’eau

pour goûter sur une feuille les fraîches gouttes d’abondance.

 

D’une secousse, je fais dégoutter les branches, mes membres

et mes lèvres se mouvant avec aisance, à la façon dont la gorge déployée

apprend à se mouvoir pour recevoir sa première nourriture.

 

 

Traduit de l’anglais par Anne Mounic

In, Revue « Temporel, N°9, 26 Avril 2010

Revue en ligne publiée par l’Atelier GuyAnne

77144 Chalifert

 

Naissance

 

C’est maintenant novembre,

le temps de ma naissance et les lames blanches de la marée

déracinent le silence de la baie.

 

Aujourd’hui je quitte la pierre pour le sable,

ma mère est absente, ma mère est une pierre

qui recouvre la terre et rêve à mon image.

 

Je m’étire comme un escargot qui peine à s’éveiller,

ma chair rassemble ses tissus tièdes

et dénoue les fils qui me lient à l’utérus.

 

J’écoute et j’imite la grande marée,

j’ouvre mes oreilles au crissement des coquillages

cristaux de sels qui jaillissent mon premier cri.

 

Mes yeux s’ouvrent avec le jour qui commence

et se forme, la lumière s’y déverse

en une douce averse qui caresse

 

mes paumes couvertes de mousse. J’avance

dans l’éclat détrempé,

tourbière, air gorgé de fuchsia.

 

C’est là l’os et le sang de ma mère,

plaques d’herbe et de roseaux – sur sa peau qui rougit

je m’appuie, sur les mains, sur les genoux.

 

Sentant la soif qui doucement me gagne

j’approche ma bouche de l’eau qui coule

d’une feuille et tente les gouttes fraîches et abondantes.

 

Je secoue les branches et récolte l’ondée, mes membres

et mes lèvres remuent spontanément, comme une bouche

apprend à avaler sa première gorgée.

 

Traduit de l’anglais par Isabelle Génin

In, Revue « Temporel, N°9, 26 Avril 2010

Revue en ligne publiée par l’Atelier GuyAnne

77144 Chalifert

 

 

De la même autrice :

Enfants du Cillínach / Children of the Cillínach (11/10/2020)

Moineau / Sparrow (08/10/2022)

 

 Birth

 

Now comes November,

my birth time, and white ribs of tide

uproot the silence of the bay.

 

Today I break from stone onto sand,

motherless, my mother a stone

bedding the earth and dreaming my image.

 

I stretch like a snail from a deep sleep,

my flesh gathering its warm fabrics

and unknitting me from this womb.

 

I listen and mimic the flood-tide,

open my ears to the haul of shells,

sheer salts erupting my birth-cry.

 

My eyes lift as the day begins

to shape itself, light being emptied

into it as a soft fall of rain sweeps

 

my moss-lined palms. I tread

into this soaked brightness,

bogland and the air full of fuchsia.

 

This is the blood and bone of my mother,

sheets of grass and weed - all her flushing skins

I lean on with my hands and knees.

 

Feeling a thirst gently pull

I bring my mouth to the fall of water

from a leaf to taste the cool, plentiful drops.

 

I shake the drench from branches, my limbs

and lips moving fluently, the way a full throat

learns to move for its earliest swallowing. 

 

Poème précédent en anglais :

Richard Brautigan : Poème d’amour / Love poem (27/09/2021)

Poème suivant en anglais :

Allen Ginsberg : L’automobile verte / The green automobile (25/10/2021)

 

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