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Le bar à poèmes
5 octobre 2021

Cesare Pavese (1908 – 1950) : L’Etoile du matin / Lo steddazzu

5274322_cesare_005[1]Portrait de Cesare Pavese par Nurdan Kasali (2011)

 

L’étoile du matin

 

La mer est encore sombre, les étoiles vacillent

quand l’homme seul se lève. Une tiédeur d’haleine

s’élève de la rive, où la mer a son lit,

et apaise le souffle. C’est l’heure maintenant

où rien ne peut arriver. La pipe elle-même pend

entre les dents, éteinte. L’eau murmure tranquille, nocturne.

L’homme seul a déjà allumé un grand feu de branchages

et regarde le sol qui rougeoie. Bientôt la mer sera

elle aussi comme le feu, flamboyante.

 

Il n’est chose plus amère que l’aube d’un jour

où rien n’arrivera. Il n’est chose plus amère

que l’inutilité. Lasse dans le ciel, pend

une étoile verdâtre que l’aube a surprise.

Elle voit la mer sombre et la tache de feu

et près d’elle, pour faire quelque chose, l’homme qui se réchauffe ;

elle voit, puis tombe de sommeil entre les monts obscurs

où est un lit de neige. L’heure qui passe lente

est sans pitié pour ceux qui n’attendent plus rien.

 

Est-ce la peine que le soleil surgisse de la mer

et que commence la longue journée ? Demain

viendra l’aube tiède, la lumière diaphane,

et ce sera comme hier, jamais plus rien n’arrivera.

L’homme seul ne voudrait que dormir.

Quand la dernière étoile s’est éteinte dans le ciel,

lentement l’homme bourre sa pipe et l’allume.

 

 

Traduit de l’italien par Gilles de Van

In, Cesare Pavese : « Travailler fatigue. La mort viendra

et elle aura tes yeux ».

Editions Gallimard, 1969

 

L’étoile du matin

La mer est sombre encor, vacillent les étoiles,

Lorsque se lève l’homme solitaire... Il monte

Du rivage où la mer a son lit, une haleine

Tiède dont s’adoucit la respiration.

C’est vraiment l’heure où rien ne s’aurait arriver.

Même sa pipe pend entre les dents, éteinte.

Et le ressac à mi-voix de nuit s’enveloppe.

L’home solitaire a déjà fait flamber

Un grand feu de branchage et le sol en rougeoie.

Il regarde ce feu. Bientôt même la mer

Sera comme ce feu un énorme brasier.

Rien de plus amer que l’aube d’une journée

Où rien n’arrivera. Rien de plus amer que

L’inutilité. L’aube vient de surprendre

Au ciel une étoile verdâtre qui pend,

Lasse. Il voit la mer encore sombre, cet homme

Qui se réchauffe au feu pour faire quelque chose ;

Il voit, et il tombe de sommeil au milieu

Des montagnes noires où la neige étend un lit.

Pour qui n’attend plus rien l’heure lente est sans pitié.

A quoi bon que de la mer le soleil se lève

Et que commence une longue journée ? Demain

Viendront l’aube tiède et la lumière diaphane.

Ce sera comme hier et il n’arrivera

Jamais rien. Il ne voudrait que dormir, l’homme

Solitaire. Et quand s’éteint la dernière étoile,

L’homme doucement bourre sa pipe et l’allume.

 

Traduit de l’italien par Sicca Vernier

in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »

Editions de la Table Ronde, 1999

Du même auteur :

Paysage (18/04/2016)

La terre et la mort (18/04/2017)

 La mort viendra et elle aura tes yeux / Verrà la morte e avrà i tuoi occhi (18/04/2018)

Paysage VIII / Paesaggio VIII (18/04/2019)

Femmes passionnées / Donne appassionate (18/04/2020)

Eté – Eté 1 / Estate – Estate I (18/04/2021)

Dépaysement / Gente Spaesata (18/04/2022)

Manie de solitude / Mania di solitudine (05/10/2022)

Le paradis sur les toits / Il paradiso sui tetti (18/04/2023)

Marc en septembre / Grappa a settembre (18/04/2024)

 

Lo steddazzu (*)

 

 

L'uomo solo si leva che il mare e ancor buio

e le stelle vacillano. Un tepore di fiato

sale su dalla riva, dov'è il letto del mare,

e addolcisce il respiro. Quest'è l'ora in cui nulla

può accadere. Perfino la pipa tra i denti

pende spenta. Notturno è il sommesso sciacquio.

L'uomo solo ha già acceso un gran fuoco di rami

e lo guarda arrossare il terreno. Anche il mare

tra non molto sarà come il fuoco, avvampante.

Non c'è cosa più amara che l'alba di un giorno

in cui nulla accadrà. Non c'è cosa più amara

che l'inutilità. Pende stanca nel cielo

una stella verdognola, sorpresa dall'alba.

Vede il mare ancor buio e la macchia di fuoco

a cui l'uomo, per fare qualcosa, si scalda;

vede, e cade dal sonno tra le fosche montagne

dov'è un letto di neve. La lentezza dell'ora

è spietata, per chi non aspetta più nulla.

Val la pena che il sole si levi dal mare

e la lunga giornata cominci? Domani

tornerà l'alba tiepida con la diafana luce

e sarà come ieri e mai nulla accadrà.

L'uomo solo vorrebbe soltanto dormire.

Quando l'ultima stella si spegne nel cielo,

l'uomo adagio prepara la pipa e l'accende.

 

* L’étoile du matin, en dialecte calabrais

 

 

Poème précédent en italien :

Antonella Anedda : « Pour la nuit qui tombe trop tard... » / « Per la notte che cade troppo tardi... » (30/08/2021)

Poème suivant en italien :

François Pétrarque / Francesco Petrarca  : « A chaque pas je me tourne en arrière... » / «  Io mi rivolgo indietro a ciascun passo... » (19/10/2021)

 

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