Michel Leiris (1901 – 1990) : Les Aruspices
Les Aruspices
Faix du sommeil
tréteau d’étranges lambris
de cariatides aveugles
ton aube casse au fond de mon gosier
froid sortilège
Si les maisons n’étaient que des fenêtres
si le mobile que j’observe le long de cette courbe qui est moi-même
cessait enfin – point noir - de respirer
si les vagabonds du tonnerre avaient enfin fixé leur tente
sur quelque îlot perdu dans la mâchoire des nuages
le soleil s’éveillerait
Lingot d’astronomie
entre terre et ciel une comète se balance
sa chevelure est faite de dés
Les victuailles au palais riche en joies sacrilèges
fumaient. Les prêtres levèrent tous ensemble
une pierre en forme de météore
et marquèrent leur front du sang de la vengeance
Un poignard un collier de cristal une plaie
béante de fruits murs étendus sur sa claie
Que le ciel soit solide ou bien vague charmée
la vengeance est un astre étoile vendangée
Plus bas
juste sous la colombe
entre les quatre griffes qui engendrent chacune l’un des points cardinaux
une rivière se fige
Proie nourricières des flots qui en font leur pâture
des cailloux tendres roulent : ce sont les fils des pioches
Ils s’arrachent deux par deux des routes sans douceur
reines d’obscurs travaux battant comme des cloches
Mais la frayeur ?
Un délire souterrain l’annonce la frayeur
Les entrailles de la terre se groupent en forme de maison
un jet de sang descend sur le perron
et dresse en l’air ses cheveux rouges mouillés
pour voir d’où vient le vent
In, Revue « La Révolution surréaliste, N°8, Ier Décembre 1926 »
Du même auteur :
Liquidation (25/06/2014)
Les veilleurs de Londres (25/06/2015)
Léna (25/06/2016)
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Le fer et la rouille (08/07/2020)
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