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Le bar à poèmes
1 juin 2021

Robert Marteau (1925 – 2011) : Là-bas

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Là-bas

 

L’horloge sur des tas de coquilles décalque

Le temps. Le foin bleuit. Nous allons vers la mer

Et soudain il n’y a plus d’arbres mais des bœufs

Qui tirent des chariots de varech sur le sable.

 

Une bande d’étourneaux s’égrène dans les vignes.

Un cri comme une noix ! Des touffes de méduses

(Leur ventre violet éclate sous le fer)

A la crête du flux font d’énormes rosées

 

De pleurs et de poisons. La carcasse d’un chien

(Les crabes ont mangé la viande), cage d’os

Ensablée, oscille au rythme de la marée.

 

O pays de tristesse où la tourbe mûrit,

Tu saignes lentement comme un faisceau d’entrailles,

Ou bien comme un oiseau que le vent a cassé.

 

 

La lune des marées se lève sur nos cœurs,

Lèche les peupliers. C’est l’ouest, là-bas, dans l’herbe

Que le vent couche ; et voilà que l’osier en gerbe

Rougit, et le frelon s’enfonce dans la fleur

Du tournesol. On a mis à l’abri les herses.

Le roulage du fumier change la couleur

Des chaumes. Les corbeaux s’emparent des hauteurs.

La dernière alouette encore se renverse

En haut du ciel – (en vain). Les blés deviennent bleus

Dans la pelle du vitrioleur. On voit des feux

De bergères. Flocons, qui ne sont de neige,

Mais bourre le gibier, tortils que désagrège

L’eau, pendent aux buissons. Les feuilles de maïs

Se courbent vers le sol, s’enroulent et pourrissent.

 

Travaux sur la terre

Editions du Seuil, 1966

Du même auteur :

 « Ne fais pas de ta vie un désert… » (27/08/2014)

« C’est ce que j’aime… » (27/08/2015)

« Un arbre éperdument… » (27/08/2016)

Brindilles au ciel (24/01/2018)

« Quelque chose au ras de l’eau... » (01/06/2019)

« J’aime au linge... »  (01/06/2020)

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