Jean Le Mauve (1939 – 2001) : Bétracq
Bétracq
C’est en plein été vers midi
que je foulai pour la première fois
la terre jaune des ancêtres,
que je descendis d’un pas sûr la colline
vers les maisons rouges encore jamais vues,
une fleur de vesce aux lèvres,
impudique, impatient,
comme on revient chez soi,
tandis que de mon cœur et des haies
surgissaient des couple de grives.
Je revenais après cent ans d’absence
espérant déterrer
l’os assez blanc pour m’éclairer
questionnant les chiens, les femmes, les ruines.
Alors le village si longtemps rêvé s’ouvrit ;
verte fut sa réponse.
Oui, c’était ma vie que je venais surprendre
dans ces maison cuivrées.
J’étais l’enfant songeur perché sur le muret
J’étais l’homme rutilant qui engrangeait la paille.
Et le vieillard dernier du nom
le vin couleur maïs
l’horloge scellée au mur ;
c’était moi.
L’herbe géante couvrait les tombes.
De chaque geste,
de chaque pierre les lézards fusaient
comme un essaim de flammes vertes.
Homme,
j’étais partout comme la feuille sur l’arbre.
Terre, terre, comme il fait bon s’étendre à travers toi.
L’Arbre, 02470 Danmard, 1972
Du même auteur :
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Poème d’un instant (31/05/2022)
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