Heinrich Von Morungen (1150 - 1222) : « Las !... » /« Owê,.. »
12.VI
Las !
ne verrai-je plus jamais
dans la nuit l’éclat
plus blanc que neige
de son corps si bien fait.
Mes yeux abusés
croyaient que c’était la lueur de la lune –
et vint l’aube.
« Las !
ne passera-t-il jamais plus ici
la matinée ?
Puisse la nuit s’écouler pour nous
sans que nous ayons à nous lamenter :
« Las ! il fait jour à présent »
C’est ce qu’il s’écria plaintivement
la dernière fois qu’à mes côtés il reposa –
et vint l’aube. »
Las !
Que de baisers elle me donna
dans mon sommeil !
Ses larmes ruisselaient
le long de ses joues.
Mais moi je la consolai
si bien qu’elle cessa de pleurer
et m’enlaça étroitement –
et vint l’aube.
« Las !
combien de fois
il s’es repu de ma vue.
Lorsqu’il m’eut découverte,
il voulut sans vêtement
voir mes bras nus.
C’est grande merveille
qu’il ne s’en soit jamais lassé –
et vint l’aube. »
Traduit du moyen-haut allemand par
Danielle Buschinger, Marie-Renée Diot
Et Wolfgang Spiewok
In, « Poésie d’amour du Moyen Age allemand »
Union Générale d’Editions (10/18), 1993
Ah,
verrai-je plus jamais
luire, au milieu de la nuit,
plus blanc qu’une neige
son corps si bien tourné ?
Lui qui trompait mes yeux
au point que je croyais
voir briller la lune claire.
Puis ce fut l’aube.
- Ah,
passera-t-il plus jamais
la matinée près de moi ?
Puisse la nuit s’écouler
sans que devions lamenter :
« Las, il fait jour à présent,
comme il dit plaintivement
quand il gisait près de moi.
Puis ce fut l’aube.
- Ah,
que de fois elle me baisa
pendant mon sommeil !
Ses larmes ruisselaient
le long de son visage.
Mais je la consolai tant,
qu’elle laissa là ses pleurs
et m’enlaça toutement.
Puis ce fut l’aube.
- Ah,
que de fois il put ainsi
se repaître de me voir !
Lorsqu’il m’avait découverte,
il voulait sans aucun vêtement
contempler mes bras nus.
C’est une grande merveille
que jamais il n’en fut las.
Puis ce fut l’aube.
Traduit de l’allemand par Danielle Buschinger et Jean-Pierre Lefebvre
In « Anthologie bilingue de la poésie allemande »
Editions Gallimard (Pléiade), 1995
Du même auteur :
« Des regards douloureux... » / « Leitlîche blicke... » (11/04/2018)
« Jamais, saisi d’une telle allégresse... » / « In sô hôher swebender wunne ... » (11/04/2019)
« Il arrive qu’un homme... » / « Von del elben wirt entsehen... » (11/04/2020)
« Je crois qu’il n’y a personne... » / « Ich waene, nieman lebe... » (11/04/2022)
« Quelqu’un vit-il la noble dame... » / « Sach ieman die vrouwen... » (11/07/2024)
12.VI
Owê, -
Sol aber mir iemer mê
geliuhten dur die naht
noch wîzer danne ein snê
ir lîp wil wol geslaht ?
Der trouc diu ougen mîn.
ich wânde, ez solde sîn
des liehten mânen schîn.
Dô tagte ez.
« Owê, -
Sol aber er iemer mê
den morgen hie begaten ?
als uns diu naht engê,
daz wir niht durfen klagen :
« Owé, nu ist ez tac, »
als er mit klage pflac,
dô er júngest bî mir lac.
Dô tagte ez »
« Owê, -
Si kustè âne zal
in dem slâfe mich.
dô vielen hin ze tal
ir trehene nider sich.
Iedoch getrôste ich sie,
daz sî ir weinen lie
und mich al umbevie.
Dô tagte ez.
« Owê, -
Daz er sô dicke sich
bî mir ersehen hât !
als er endahte mich,
sô wolt er sunder wât
Mîn arme schouwen blôz.
ez was ein wunder grôz,
daz in des nie verdrôz.
Dô tagte ez »
Des Minnesangs Frühling.I
Nouvelle édition revue par H.Moser et H. Tervooren.
37ème édition, Stuggart, 1982
Poème précédent en moyen haut-allemand :
Walther von DerVogelweide : -« Une attente pleine de joie... » / « Mich hât ein wünneclîcher wân... » (15/09/2020)
Poème suivant en moyen haut-allemand :
Walther von Der Vogelweide: « Sous le tilleul... » / « Under der linden... » (15/09/21)