Heinrich Von Morungen (1150 – 1222) : « Quelqu’un vit-il la noble dame... » / « Sach ieman die vrouwen... »
Heinrich von Morungen représenté dans le Codex Manesse, début du xive siècle.
Quelqu’un vit-il la noble dame
qu’on peut là-bas contempler
à sa fenêtre debout ?
La tant belle femme
me délivre de tous
les soucis que j’ai.
Elle luit comme le soleil,
quand monte le clair matin.
Celui-ci était caché
et je n’avais que soucis,
lesquels je veux çà laisser.
Est-il ici qui encore
aura par soi conservé
son bon sens tout entier ?
Qu’il aille trouver la belle
qui d’ici s’en est allée
avec sa couronne.
Pour qu’avant que je ne meure
elle vienne me conforter.
La joie et puis la douleur
risquent fort, conjointement,
de m’emmener au tombeau.
On écrira en fines lettres
sur la pierre funéraire
qui fermera mon tombeau
comme chère elle me fut
et combien je lui fus peu
Que ceux qui m’iront dessus,
lisent la mienne misère
et qu’ils prennent connaissance
du très grand péché
qu’envers son ami
elle a commis.
Traduit de l’allemand par Danielle Buschinger et Jean-Pierre Lefebvre
In « Anthologie bilingue de la poésie allemande »
Editions Gallimard (Pléiade), 1995
Quelqu’un a-t-il aperçu la noble dame
qu’on peut voir
debout à la fenêtre?
Cette femme si belle
me délivre des soucis
que je peux avoir.
Elle rayonne comme le soleil,
quand monte le clair matin.
Jusque-là il était caché.
Avant j’avais des soucis,
Je vais les quitter.
Y a-t-il ici quelqu’un
qui ait encore conservé
son bon sens?
Qu’il aille trouver la belle dame,
qui avec sa couronne
s’en est allée.
.
Pour qu’elle vienne me réconforter
avant que je ne meure !
La joie et la peine
réunies, risquent
de me mettre au tombeau.
On écrira en fines lettres
sur la dalle
qui fermera mon tombeau
combien elle m’était chère
et combien je lui était indifférent.
Quiconque marchera sur moi
qu’il lise ce tourment,
et qu’il prenne connaissance
du très grand péché
qu’elle a commis
envers son ami.
Traduit du moyen-haut allemand par
Danielle Buschinger, Marie-Renée Diot
Et Wolfgang Spiewok
In, « Poésie d’amour du Moyen Age allemand »
Union Générale d’Editions (10/18), 1993
Du même auteur :
« Des regards douloureux... » / « Leitlîche blicke... » (11/04/2018)
« Jamais, saisi d’une telle allégresse... » / « In sô hôher swebender wunne ... » (11/04/2019)
« Il arrive qu’un homme... » / « Von del elben wirt entsehen... » (11/04/2020)
« Las !... » / « Owê,.. » (11/04/2021)
« Je crois qu’il n’y a personne... » / « Ich waene, nieman lebe... » (11/04/2022)
Sach ieman die vrouwen,
die man mac schouwen
in dem venster stân ?
diu vil wolgetâne
diu tuot mich âne
sorgen, die ich hân.
Si liuhthet sam der sunne tuot
gegen dem liehten morgen.
ê was si verborgen.
dô muost ich sorgen.
die wil ich nu lân.
Ist aber ieman hinne,
der sîne sinne
her behalten habe ?
der gê nach der schônen,
diu mit ir krônen
gie von hinnen abe ;
Daz si mir ze trôste kome,
ê daz ich verscheide.
diu liebe und diu leide
diu wellen mich beide
vürden hin ze grabe.
Wan sol schrîben kleine
reht ûf dem steine,
der mîn grap bevât,
wie liep sî mir waere
un ich ir unmaere ;
swer danne über mich gât,
Das der lese dise nôt
und ir gewinne künde,
der vil grôzen sünde,
die sî an ir vrûnde
her begangen hât.
Poème précédent en moyen haut-allemand :
Ulrich von Lichtenstein : « Je ne sais comment chanter... » / « Ich weiz wiech singe... » (22/05/2024)
Poème suivant en moyen haut-allemand :
Der von Kürenberg : « J’avais, plus d’une année... » / « Ich zôch mir einen valken (30/07/2024)