Simonides de Kéos / Σιμωνίδης ὁ Κεῖος (556 – 467 avant J.C.) : Plaintes de Danaë
Plaintes de Danaë
Sur la nacelle façonnée
Souffle le vent,
Et la vague l’emporte et la tient balancée.
Pâle d’effroi est Danaë.
Les larmes sur ses joues sans cesse vont coulant,
Et de ses tendres mains elle entoure Persée,
Elle lui dit : « O mon enfant,
Que j’ai de peine !
Mais toi, tu dors, mais toi, calme et doux est ton cœur,
Sur cette barque de douleur
Rivetée par ses clous de bronze,
Dans la ténèbre noire et parmi la nuit sombre.
Ah ! de rien tu ne t’aperçois,
Quand sur tes beaux cheveux vient la vague profonde,
Quand le vent élève sa voix,
Mais dans la laine rouge, ah ! tu es en repos,
Mon petit visage si beau !
Si le danger pour toi était bien le danger,
A mes paroles tu tendrais
Tes oreilles charmantes.
Mais allons, mon petit, dors, je te le demande,
Et que dorme aussi l’Océan,
Et dorme l’immense disgrâce.
O Seigneur, montre-nous un destin plus clément,
Et si ces mots ont trop d’audace,
Et si toute justice ils passent,
Pardonne-les-moi cependant. »
Traduit du grec par Robert Brasillach
in, « Anthologie de la poésie grecque »
Editions Stock, 1950
... Danaé, seule en mer, de tous abandonnée,
Errant à la dérive avec son nouveau-né.
Elle couvre l’enfant d’un pli de son manteau,
Et dit : « Pauvre petit, notre frêle bateau
Craque, la mer mugit, j’entends les vents frémir.
Parmi tant de dangers tu peux encore dormir.
Ton beau sommeil d’enfant est innocent d’alarmes.
Tu ne sens ni le vent, ni l’embrun, ni mes larmes.
Que sommes-nous, petit, pour nous plaindre et gémir ?
Que le père, là-haut, nous entende et nous sauve,
Et qu’il calme d’un mot, s’il veut, l’océan fauve,
Et que tout soit en paix, notre cœur et les cieux...
Traduit du grec par Marguerite Yourcenar,
In, « La couronne et la lyre,
Anthologie de la poésie grecque ancienne »
Editions Gallimard, 1979
Du même auteur : Les morts des Thermopyles (25/03/2022)