Giacomo Leopardi (1798 – 1837) : A la lune / Alla luna
Giacomo Leopardi sur son lit de mort
A la lune
Ô favorable Lune, je me rappelle,
Sur ce col même – voilà, l’année revient -,
Je venais te mirer plein d’angoisse ;
Et tu pendais alors sur cette sylve,
L’éclairant toute, comme aujourd’hui.
Mais brumeux, incertain, par les pleurs
Qui montaient sous mes cils, à mes yeux,
Paraissait ton visage, car un supplice
Etait ma vie, ; et depuis rien n’a changé d’elle,
Bien-aimée Lune. Et cependant me plaît
La souvenance, et de compter les âges
De ma douleur. Ô comme est chère
Dans le temps juvénile, quand longue est l’espérance
Et brève la carrière du souvenir,
La remembrance des choses disparues,
Encore que tristes et que le tourment dure !
Traduit de l’italien par Michel Orcel
In, « Anthologie bilingue de la poésie italienne »
Editions Gallimard (La Pléiade), 1994
A la lune
Je me souviens, ô gracieuse lune,
Que, l’an passé, malgré mon désarroi
Sur ce coteau j’allais te contempler ;
Toi, tu planais alors comme aujourd’hui
Sur ce bocage où ta clarté s’épand.
Je te voyais, embuée et tremblante,
Puisque mes yeux de larmes étaient pleins.
Ma vie était vouée à la souffrance
- Rien depuis n’a changé -, lune chérie.
Ce souvenir ne laisse de me plaire,
J’aime compter le temps de ma douleur.
Quand l’on est jeune, on a des souvenirs
D’autant plus brefs que l’espérance est longue :
Aussi quel charme en nos jeunes années
Que d’évoquer le passé, fût-il triste,
Et encore que dure notre détresse !
Traduit de l’italien par Sicca Vernier
in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »
Editions de la Table Ronde, 1999
Du même auteur :
A Sylvia / A Silvia (30/12/2014)
Le coucher de la lune / Il tramonto della luna (20/12/2015)
Le soir du jour de fête /La sera del dì di festa (20/12/2016)
L’Infini / L’Infinito (20/12/2017)
A se stesso (20/12/2018)
Les souvenirs / Le ricordanze (20/12/2019)
Le dernier chant de Sappho / Ultimo canto di Saffo (20/12/2021)
Le passereau solitaire / Il passero solitario (20/12/2022)
Le calme après l’orage / La quiete dopo la tempesta (20/12/2023)
A Sylvia (2) (20/12/2024)
Alla luna
O graziosa luna, io mi rammento
Che, or volge l'anno, sovra questo colle
Io venia pien d'angoscia a rimirarti :
E tu pendevi allor su quella selva
Siccome or fai, che tutta la rischiari.
Ma nebuloso e tremulo dal pianto
Che mi sorgea sul ciglio, alle mie luci
Il tuo volto apparia, che travagliosa
Era mia vita : ed è, nè cangia stile,
O mia diletta luna. E pur mi giova
La ricordanza, e il noverar l'etate
Del mio dolore. Oh come grato occorre
Nel tempo giovanil, quando ancor lungo
La speme e breve ha la memoria il corso,
Il rimembrar delle passate cose,
Ancor che triste, e che l'affanno duri !
Canti
Felice Le Monnier editore, Firenze, 1845
Poème précédent en italien :
Giovanni Pascoli : Fides (08/12/2020)
Poème suivant en italien :
Dino Campana : L’espérance (sur le torrent nocturne) /La speranza (sul torrente notturno) (01/02/20201)