Jacques Roubaud (1932 - 2024) : Tombeaux de Pétrarque
Tombeaux de Pétrarque
cobla I
Ou le soleil mange les étoiles dans l’aube
ou dans la neige tes cheveux prendront rive
comme les vents aux fleuves liés de glace
si des écueils but amer de ma voile
une lumière de collines entre branches
m’écarte neuf j’aborde au cours d’un bois
contre la lune dans tes bois c’est le soir
pas une fleur que la trame de ces notes
poisse les nuits comme rimes à la mort
cobla II
Poisse des fleurs ou dans le style joyeux
si la forêt d’un seul jour sur la terre
s’éveille force de ces vers qui voient l’air
vibrer des yeux s’emplir d’années-laurier
qu’ainsi la pente (la nuit jette les eaux
à ces vallées soit de pluie soit de brume)
partout légère (c’est le prix de ce lieu
nommé le port mais sans navires) : la vie
la nôtre Temps du ciel gavé de feuilles
cobla III
Dans ces collines montre le temps aux feuilles
qui sont ses rimes ses pleurs je suis joyeux
d’avoir son but le port car toute vie
aussi d’étoiles en forêts de la terre
espère un cours et légère où son lieu
lavé de flammes prend sa force depuis l’air
criant les fleuves toutes vallées sont brume
où tes cheveux ont les yeux du laurier
il set les bois par la pente de ses eaux
cobla IV
Découpe la nuit là des soirs de la lune
devant le ciel là branches dans sa lumière
durant des années une rive sous la neige
si c’est son style mais de mort liées nuits
balaie de pluie ou glaces sifflant de vents
ou de navires crevés voiles sur écueils
dépêtre tes vers notes sonnant soient fleurs
vautrées au jour depuis l’aube couvre terre
qui seule a prix telle entrée en bois neuf
cobla V
Partout légère c’est le prix qu’ici neuf
paya la pente une nuit sous la lune
quand la forêt d’un vrai jour fit soleil
le notre temps borde ciel toi lumière
asservie force qui va vers gommes fleurs
compte tes yeux pour d’autres années la neige
l’évide port en navires ou d’écueils
s’effrite pleurs est(ce un style et les nuits
cédées vallées qui disent pluies les vents
cobla VI
Car la glace la broie brume en maint fleuve
que précoce bois sans lieu qui n’a plus cours
bâilleuse mort d’un poing joyeux sans rimes
retire au soir et les eaux restent bois
outrés de voile ma vie presque le but
interne l’aube fait que terre fait qu’étoiles
vues de la rive au laurier sans cheveux
ensablent branches feuilles de ces collines
ferrées de notes et l’air où elle rame
cobla VII
Entends mes vers ils ont note mais pas âme
comment la pluie gratte glace sur les fleuves
ou bien le ciel paît branches en des collines
et fait le prix d’un bois où n’a plus cours
après année la rive des verts cheveux
j’en fait mon style mort à moitié de rimes
je happe jour freine aube jusqu’en étoiles
frappant la nuit arrime soir des bois
de tes navires la voile qui n’a de but
cobla VIII
Brillons la vie et sans écueils au port
cumulons l’air et les fleurs dans la force
des longues eaux une lune suit la pente
pliant la bruine ni les vents aux vallées
pas plus la terre qu’un soleil prés forêt
signe de feuilles ni la lumière sans temps
ni moins joyeux pour ces nuits de cent fleurs
ton rare lieu rouvert neuf pour légère
t’entrer laurier frottée de neige sans yeux
cobla IX
Jamais la rive ni le laurier n’a d’yeux
que pour la voile reprenant vie au port
n’aura de bois en ce lieu que légère
table de notes en tuyaux d’air à force
d’être la mort la mort aux joyeux pleurs
coudra de soir muet d’eaux nues en pente
et si branches plongent feuilles de temps
sortent glace si la brume des vallées
tranche l’aube si la terre tremble forêts
X tornada
Si la terre bouclier d’étoiles de neige
mange tes yeux que la pluie que la glace
arme ma vie il y aura ce but
épais joyeux peut-être nuits tes rimes
d’ici la mort
Dors
Editions Gallimard, 1981
Du même auteur :
« Lettre à Maria Gisborne » (05/12/2015)
∈ (1.0 – 1.2) (05/12/2016)
Un jour de juin (05/12/2017)
∈ (1.3 – 1.4) (05/12/2018)
∈ (2.1 – 2.1.2) (05/12/2019)
∈ (2.1.3 – 2.1.4) (05/12/2021)
Poème commençant : « l’Arbre le temps... (05/12/2022)