Jacques Roubaud (1932 - 2024) : ∈ (2.1 – 2.1.2)
∈
(2.1 – 2.1.2)
2.1
2.1.1 Dénué
émulsion du...
De moins en moins ...ou reclus
horloge des textes Dénué, gravissant... Projets Douleur
je suis revenu... il s’éveilla...
un jour
Dénué, gravissant... . [GO 20]
Dénué gravissant chargé d’août
dans la surdité mais les carillons
de coqs verts de cailloux de grenades
je remontais le sentier redou
té le lin de la chaleur ludion
inverse bouteille d’azur rade
Le sentier conduisait à ce chaume
de miel pâle de poivres d’anis
lit des couleuvres et des silices
ton bain m’éblouissait sous le dôme
soleil hélice
De moins en moins o [GO 16]
c’étaient des années rondes de répit
l’avenir n’accusait plus reculant
entre les brousses râpeuses mal an
bon an la terre battait ses habits
et les arbres violoncelles suivis
des chiens ou des ogres broyaient du blanc
ensuite l’eau carrée restait silen
cieuse sous les alouettes de fil
c’étaient des années jamais retenues
qui glissaient sur le sable des beaux jours
avec le vif de la sève à la joue
toi dans leurs poussières ne voyait plus
le tunnel d’efforts oui d’élans : ta voie
les années jaunissaient entre tes doigts
émulsion du... . [GO 80]
émulsion du temps
paniers de moments à rubans noirs
versant dans vos herbes
versant dans votre vie sombre serve
bouillonnante loire
au près de votre vie l’inondant
c’est bien ainsi : et fête et désastre
retenue en rien
nuit du noir et rien
temps qui jusqu’au bout s’entasse ne
laisse rien
... ou reclus o
je vis sans pluies sans bois prêt au chiffon des rues
...............................................................................
douleur . [GO 34]
Ce n’était pas une douleur aux branches bien dessinées
avec les cris torrides gouttes insoutenables trilles
d’élancement une douleur acérée comme une grille
avènement électrique ou fourmillement incliné
vers le tertre de votre être vous commenciez des journées
de petites heures roulaient come un chute de billes
labeur de plante on s’ébroue après-midis à la godille
le soir alors limace au ciel faïence pâle cornée
ce n’était pas l’alcool lyrique le bond de la douleur
non les mêmes creux poussiéreux quoi les mêmes chiffons de suie
sur le visage de vos jours le temps trempé qui s’essuie
et le plaisir ponctuel mûrissant aussi sa couleur
ellipse du monde oasis ? enfin les arbres fermaient
venait la nuit votre nuit moite innommable et désarmé...
il s’éveilla... o
il s’éveilla sans paupières dénudé de la nuit déjà il n’était pas
travée des arbres il n’était pas d’amiante vert
la lumière grouillante le vrilla dans sa gloriole
sèche lumière d’épieu
On imagine qu’il hurla quand la lumière même perça sa main
venue au secours masse soudaine transparente
on l’imagine
et pourtant vous -mêmes le matin où l’espoir est devenu ce
qu’il est
un jour . [GO 34]
Maintenant rouille dans ton coin
on te vit assez éperdu
avec ton cœur de plâtras du
côté de la fille de foin
maintenant oui tu peux l’éteindre
ranger le cuir et la galoche
être le copeau de l’encoche
être humus faïence sans feindre
Objet maintenant objet bas
comme un passage familier
Objet de douleur hésitante
comme clos de simple bourgade
où les familles vont bâiller
où deux lionnes de fer s’étendent
je suis revenu... o
je suis revenu de la poussière orange des déserts
...............................................................................
Projets .
le temps bien en main dans l’ordinaire de la vie l’allant (rigole
des habitudes ira grossir la mer) un effort minutieux sur des
années (chiffres) énorme
le bleu de l’œil de verre devant les désespoirs
la nuque aux jeux comme l’officier prussien dans la boutique
aux soieries violines
solitude comme rançon comme câpres
autour des arbres souliers dans la terre molle
l’eau du puits que la chaine grince !
dans la cuiller des vagues
feux à la savane : croyances souvenirs rires (Palissy des
minutes froides)
sur la langue la pastille des vocables : tout le palpable syntaxique
tout le concevable musical (meubles) d’écho en écho
bien vu la mort : éblouissante rose dentée
le compte à rebours de la mort un peu de mort dans le sang un
peu plus lentement ses portes ni noire ni blanche
décidable
2.1.2 Refuges
néréides toison ennemie
ainsi . deux coeurs roses... bris sonores... nothing (grille)
je vais bienveillamment... le boulevard... jonas était...
provinces
Néréides o [GO 9]
On démasque le talus violet
on charbonne la rose sanguine
loin des hivers de styx et de guigne
ah qu’on pressente aussi la saulaie
sirénique mais des envolées
de nymphes laiteuses ni des signes
de leurs reins de pollen sous les vignes
jointes vierges qui saurait parler ?
l’eau glousse dans son poing noir et même
là chardonnerettes incessantes
sont les prairies si propres : des Suisses !
on avalanche le bleu domaine
des myrtilles les filles des sentes
ne craignent plus frelons à leurs cuisses
Toison .
Avale-bleu toi dissous dans les gouaches
et gâchant les marines aux confins
toi mareyeur gris-criant les dauphins
dans ce port de terrines et de bâches
matin plat de murènes écaillées
front lilas dès que guêpes s’assoupissent
que fut la nuit aux brûlures d’éclisse
ô matin des petites baies caillées
quel coqs t’interrogeaient inépuisés ?
matin de rue méditerranéenne
sur les murs fondus doux coraux usés
toison sombre en haut des jambes de laine
ma nocturne dormait sous tes yeux jaunes
déjà tes yeux gonflés de soleil faune
ennemie o [GO 73]
Au vert remué où tendent tes bas rouges
résine des chairs et pavot touffu et sexe
ennemie tu m’emportes ennemie rieuse
au vert qui siffle (dos rond arrosée d’yeuses
odeur de rosée de la seule aube fixe)
tu caches lavandes sorbes dans ta bouche
ennemie me ruines rêvant de me fondre
au creux boucles de ton palais abyssant
pareil aux roses d’ausone qui me font
cesser le monde pour / (seigneur de rencontre
en épées jaillissant)
[GO 11 - 73]
. [GO 71]
Pierre retombée entre les herbes qui s’allument
dort (le monde des vivants !)
Cires s’étendent sur le cartulaire de l’âme
(chasses de menthe) quelqu’un
pressa le temps lui hésitait : géhenne ou thélème ?
elle ensuite (bonnes mains)
sûres ! ) préfère un peu le hasard le cœur sa dîme
sous le satin douche frais
Ils montaient d’aventure quand le frelon des lignes
s’exaspère à la chambre de fuite (chien et loup)
mica du noir) le temps vigne
agrippe un court été elle nue comme cailloux
est la main-chaude là ! (bras noirs bas) quelqu’un écoute
toute la rouille des roues !
Deux cœurs roses... o [GO 87]
Deux cœurs roses dans un losange signifiaient
l’aventure par la flèche gauchie du sort
ou la légende d’ « Amour plus Fort que la Mort »
nous admirions les visages savonnés niais
« Que n’avons nous amour verni comme un rectangle
creux à cache de pétales dans l’épaisseur
ou dans un losange d’écorce la candeur
( ton initiale lierrée qui la mienne étrangle)
disais tu
un printemps
aux arbres frais-feuillus de la fête foraine
bris sonore !... [GO 109]
bris sonore ! fragments mésange !
que du Nord pourpoint œillet d’iode
nous viennent ces violons candi
depuis l’humide qu’un visa ge
soupçonnant le sel taise un autre
le mil les menthes dans la bouche
(toit de la terre et que c’est douc e
demeure de cris) que de l’eau
remue contre le limon cil
au pouls de la pente que tourne
la respirante lande mûr e
rien n’est et nous perdrons sous l’inc l
émence du temps étranger
l’espoir des arbres retourner
n
0
*
*
t
h
*
*
i
n
*
*
g
*
je vais bienveillamment... . [GO 19]
je vais bienveillamment entre les blancs silos
d’une campagne saoule et rose un peu marelle
je suis une roue elle-même sur vélo
je vais les vignes repenties sous de la grêle
je vais les ruisseaux le peupliers leurs kyrielles
musique de mon pays paysage avec halos
ces blé bottés ! ce sont sept lieues d’un vallon clos
je vais cadastrement par mes contrées agnelles
bon ciel émulsion de plumes de chaux de mèches
mon enseigne mon nœud de nuages niant
les tourbillons de pierres poudres et de moelles
mon ciel gros dos où jutent trois nuages pêches
laisse-moi m’étendre sous tes yeux oscillants
maintenant mon bon ciel brasier laiteux Noêl
le boulevard... o [GO 63]
le boulevard est plein de fille perlières
- une blonde mangue sur la chaise bleue -
- une loutre aux yeux de plomb aux yeux violets -
et plus loin la haute douceur dentellière
de vingt ans en jabot blanc où le creux
des seins durs ah ce port obtus de mulet !
boulevard serein des filles sémaphores
havre des hasards des jambes et des rires
toute l’attirance du long jour encore
et ce ciel menhir
qui noircit des bouches sanglantes fort
Jonas... . [GO 19]
Jonas était sur le point de sortir de la
baleine le remorqueur d’horizon entrait
dans les eaux territoriales et d’un geyser
salué d’une crosse d’eau verte voila !
comme une loutre vernie (parapluie doré
du soleil) (coins glauques) la baleine réserv
ée mais souriante ventriloquant lui disait
prenez soin de vos yeux mon bon Jonas
dans le ventre de la voûte bleue azurez
vous mais ne m’oubliez pas ! refrain noir hélas
hélas cœur épuisé !
Provinces o [GO 99]
Un commerce de noix de neiges
la pérennité des comptines
une jupe de cochenille
moi pionnier des nues villageoises
mais la technique a ses mécomptes
dans son catalogue de tringles
la boutiquière est comme un cube
lors que dehors girent les mouches
vieux croyants orteils blancs défunts
testament j’ai fait de gruau
j’ai périmétré mon rectangle
les uns aboient par degrés vieux
je me hisse jusqu’aux lucarnes
du mas dans le grand froid aviaire
∈ ,
Editions Gallimard, 1967
Du même auteur :
« Lettre à Maria Gisborne » (05/12/2015)
∈ (1.0 – 1.2) (05/12/2016)
Un jour de juin (05/12/2017)
∈ (1.3 – 1.4) (05/12/2018)
Tombeaux de Pétrarque (05/12/2020)
∈ (2.1.3 – 2.1.4) (05/12/2021)
Poème commençant : « l’Arbre le temps... (05/12/2022)