Nourredine Aba (1921 – 1966) : « De radeau en radeau... »
De radeau en radeau
Et d’errance en errance
L’énorme coulée de sable
Qui vous soupçonnait
De vivre, d’exister ?
Ce chien famélique
Qui n’attendait plus rien de vous ?
L’oiseau que n’effrayait même plus
Votre apparence d’homme ?
Perdu, mes frères, perdu
Le sourire de l’enfant
Découvrant son premier coquillage
Perdues, mes frères, perdues
Les premières écailles
Sur le jonc de l’adolescente
Egarée par sa première tendresse,
Perdus, mes frères, perdus
L’ivresse des mains d’amis qui se serrent,
Le visage dans le vent,
L’attente des longues nuits
A mordre sur d’autres lèvres,
Perdus, la bouche de jasmin,
Les cheveux teints au henné,
L’ombre du khôl veillant sur le mystère des yeux,
Perdu, mes frères, perdu
Le bonheur d’ignorer la liberté quand on l’a.
De radeau en radeau
Et d’errance en errance,
Jusqu’à ce jour de Novembre
Surgit à l’horizon
Comme un peuple d’oiseau
Happés par une île aimantée...
La Toussaint des énigmes
Editions Présence africaine, 1963
Du même auteur :
« Je suis comme un enfant… » (20/10/2015)
« On dit que vos porteurs d’encensoir... » (09/11/2019)