Nourredine Aba (1921 – 1966) : « On dit que vos porteurs d’encensoir... »
On dit que vos porteurs d’encensoir plient l’échine
quand par hasard vous leur adressez la parole,
Monsieur le haut dignitaire du parti ?
On dit aussi que certains de vos courtisans
Vous font la révérence et vous appellent sire ?
Pourquoi pas Votre Majesté ? On vous le doit.
Ces gueux étaient la veille de pauvres palefreniers,
comme vous, qui n’étiez qu’un garçon d’écurie !
Mais vous voilà hissé jusqu’aux balcons du ciel.
C’est de là que vous décidez, que vous ordonnez.
Le peuple a la voix rauque de crier sa faim,
Le peuple devient exsangue de perdre son sang.
Mais vous jouez parfois dit-on à la belote
avec un escroc de vieilles relations
qui depuis s’est fait un nom dans le vampirisme
- il paraît qu’il égorge et boit le sang des morts –
De quoi donc parlez-vous quand vous êtes ensemble ?
De ce que vous ferez quand vous serez
au pouvoir à bâiller comme des alligators,
à vous gaver de repas pantagruéliques,
de femmes nues à fouetter pour le plaisir ?
Mais dites-moi, vous arrive-t-il une fois de vous souvenir
qu’on a promis au peuple algérien, un jour de liesse,
qu’on fusillera à bout portant le mépris
qu’on fusillera à bout portant l’intolérance
qu’on chassera à coup de bâton la misère
qu’on jurera enfin par Dieu, par le Koran
le droit à la dignité, au bonheur pour tous ?
Ecrits d’Algérie
Editions Autre Temps (Marseille), 1996
Du même auteur :
« Je suis comme un enfant… » (20/10/2015)
« De radeau en radeau... » (09/11/2020)