Annie Salager (1965-) : Courants d’amour par temps de paix
Courants d’amour Courants de paix par
par temps de paix temps de guerre
Parfois une épée traverse la Non, il ne voulait plus de lui-
nuit depuis les étoiles, son même. Son corps était
trait éblouit le fond du ciel, obscur, trop de nuit
les tours dressées dans le l’habitait. Il marchait dans le
vide, les jardins de cendre. froid et la chaleur, aveuglé
Miracle sur la terre. par le désert, en remâchant
Autour des mégapoles, les une salive de cendre. Toute
dépôts d’ordure accroissent violence venait de le
leur force magnétique, le blé déserter. On appelait çà la
en herbe ondule aux collines guerre du Golfe, allait-il
de détritus. mourir, ce n’était plus une
La rose a beau répandre ses question.
pétales sur le sol, ses graines Pressé par une généalogie
maturent dans les boîtes de humiliée, il avait mené trop
conserve. de batailles avec son bâton
Miracle sur la terre. pèlerin ; quelques-unes
Un vent de choses par contre lui. Il les revoyait
chacun méconnues modifie maintenant, lentes, difficiles.
les patries, déplace les Lui avaient-elles mis un peu
chemins, les prisonniers de jour au cœur, comme un
désertent leurs prisons, leurs bol de lait de chamelle pour
voix se cassent puis chantent, la soif ?
reflets tremblés dans la Le ciel vibrait d’étoiles au-
chaleur. dessus de sa tête. Il chercha
Une épée traverse nuit. en grelottant une trace
La gazelle est au point d’eau, d’aurore, tout était sombre.
invisible à l’œil du chasseur, Il crut comprendre le Coran
dans les cultures qui vont pour la première fois. Et au
disparaître, dans les mots bout de jardins qui lui
anciens, elle appelle l’avenir. apparaissaient, des puits
l’appelaient. Il se désaltérait
à leur eau fraîche parcourue
de lumière
In, « Les plus beaux poèmes pour la Paix »
Le cherche midi éditeur, 2005