Rutebeuf (1230 – 1285) : Le dit des ribauds de grève / le diz des ribaux de greive
Le dit des ribauds de Grève (1)
Ribauds, vous êtes bien à l’aise
les arbres dépouillent leurs branches
et vous n’avez aucun habit,
vous en aurez froid à vos hanches.
Qu’ils vous serviraient, les pourpoints
et les surcots fourrés à manche !
Vous allez en été si vifs
et en hiver si engourdis !
Vos souliers n’ont besoin de graisse :
vos talons, ce sont vos semelles.
Vous ont piqués, les noires mouches ;
maintenant piqueront les blanches (2).
(1) : C’est sur la place de Grève, aujourd’hui place de l’Hôtel de Ville, que l’on déchargeait les bateaux.
Les ouvriers y venaient chercher de l’embauche.
(2) : Les flocons de neige
Traduit du vieux français par Serge Wellens
in, Revue « Poésie 1, N°7 »
Librairie Saint-Germain-des-Prés, éditeur, 1969
Le dit des ribauds de grève
Ribauds, vous voilà mal en point :
Chaque arbre a dépouillé ses branches
Et vous de robe n’avez-point :
Le froid va vous mordre les hanches.
Il vous faudrait de bons pourpoints,
De bons surcots fourrés à manches !
L’été, vous gambadez si bien
Mais l’hiver le jarret vous flanche.
Cirer vos souliers, nul besoin :
Vos talons sont durs comme planches.
Les mouches noires vous ont points
Et bientôt vous poindront les blanches ;
Traduction de Françoise Morvan
In, Rutebeuf : « Le dit de la grièche d’hiver
et autres poèmes de l’infortune »
Editions Mesures, 2023
Du même auteur :
La grièche d’hiver (08/04/20)
La grièche d’été / La griesche d'este (08/04/2021)
La pauvreté Rutebeuf / La povreté Rutebeuf (08/04/2022)
Le mariage Rutebeuf f (08/04/2023)
La complainte Rutebeuf (1et 2) (08/04/2024)
Le diz des ribaux de greive
Ribaut, or estes-vos à point :
Li aubre despoillent lor branches
Et vos n’aveiz de robe point ;
Si en avreiz froit à voz hanches,
Queil vos fussent or li porpoint
Et li seurquot forrei à manches !
Vos aleiz en estei si joint,
Et en yver aleiz si cranche !
Vostre soleir n’ont mestier d’oint :
Vos faites de vos talons planches.
Les noires mouches vos ont point,
Or vos repoinderont les blanches