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Le bar à poèmes
8 mars 2019

Gaston Chaissac (1910 – 1964) : Au pays de la calotte vinassouse

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Au pays de la calotte vinassouse

 

          « La bombe atomique est une appellation assez contrôlée mais Religion est un bien     

          grand mot pour désigner la calotte vinassouse. »

                                                                                             Gaston CHAISSAC

 

Avez- vous vu danser la calotte vinassouse

         Les bras nus et les pieds sur la pelouse

Tandis que les aéroplanes

Zigzaguent au-dessus des platanes et que les ramasseuses de bois mort

la sautaient en pleurant comme une madeleine et en mettant la voile en

direction de la fontaine avec leur seau percé qu’on suit à la trace en vue

de la fermière qui brasse la crème pour le beurre à graisser la charlotte.

     Des histoires grivoises restées dans l’armoire à la lumière de l’alcôve

se briseront les ailes.

 

 

J’ai aperçu les maillots

         De la calotte footballouse

A travers mille ballots

Massés sur la pelouse

Tandis que la calotte picolouse

Etait au cabaret

Dont une beauté andalouse

Venait de se barrer.

J’avoue préférer la footballouse

A la vinassouse

Et je la salue du haut du clocher

Où j’ai grimpé pour voir d’un peu loin

Mais pas sans m’essoufler.

 

 

C’est un roumi de la calotte vinassouse

         Qui vous l’a dit un soir sur la pelouse

Que j’étais un homme drôle qu’il fallait se méfier

De ma pomme dont on ignore le rôle et de ne pas m’approcher

Mais au bal comment s’y prendre pour danser

Sans faire plus de mal que s’en aller pisser

Contre les murs du jardin à Sylvestre

Qui peut être sûr d’avoir une belle veste

S’il se présente aux prochaines élections

Malgré ses rentes et puissantes protections

 

 

Eugénie n’écrit donc plus

         Dans le bulletin de la calotte vinassouse

Depuis qu’il a tant plu

Sur le cœur de la pelouse

Au grand malheur des petits oiseaux

Qui si gentiment

Picoraient près des roseaux

Sans grands tourments.

Mais le temps se rétablit

Et tout ira mieux

Si Nini reprend sur l’établi

Sa plume pour tenir des propos pieux

Et si les noisetiers promettent

Une bonne récolte

Comme le prévoit Colette

Qui a de la jugeotte.

 

 

Nous ne sommes pas des roumis

         De la calotte vinassouse

Mais d’humbles fourmis

Terrées sous la pelouse

Et nous avons rencontré

A l’heure du crépuscule

Des gens de la contrée

Lisant des opuscules

Pour leur monter la tête

Leur pauvre caboche

Les lendemains de fête

Au beau milieu des loches.

 

 

Ce n’est pas l’école laïque

         qui l’aurait empêché d’aller grossir

la calotte vinassouse et les briques

restées à moisir sur la pelouse

restent entassées à la diable

depuis bien des lunes

qui ne virent le sable

s’envoler de la dune.

L’empereur du mal

disait fort grand bien

de la salade

frisée d’Amiens

et le grand eunuque

dans le beau sérail

souffrait de la nuque

comme train qui déraille.

 

 

Par devant la calotte vinassouse

         Et par derrière Clochemerle

Qu’on finit bien par lire un jour

J’atteste que les marrons d’inde du presbytère

En pleine jeunesse

Tombent par terre

Ah ! quelle finesse.

 

 

Fils et chapelain de la calotte vinassouse

         Regarde les poulains échappés sur la pelouse

Comme ils gambadent bien sous le soleil de plomb

Sans rien du vaurien ni perdre leur aplomb

Dans le décor paisible veuf de satanique

De fragment de bible sur papier hygiénique

Et le très impossible pour une bourrique

C’est d’atteindre la cible avec une arme atomique

Ou le jardin d’un sous-préfet qu’ombrage tout simplement

Un tout petit sifflet sentant le liniment.

 

 

Le roi de la calotte vinassouse

         forgeait un soc de charrue

pour défoncer la pelouse

voisine de la grande rue

où la place du village tiendrait à l’aise

avec une piscine pour la nage

et un couvent pour Pascal Blaise.

Mais son feu semblait s’éteindre

et il dut souffler dessus

au lieu de se mettre à geindre

ou de rire comme un bossu

puis il se remit à l’enclume

comme le dieu Vulcain

 tandis que sa reine retirait l’écume

du pot-au-feu avec l’écumoire d’étain.

 

 

Lorsque je traverse le pays en deuil, je ne manque jamais de jeter un

         aimable coup d’œil sur les adorables petits roumis de la calotte

vinassouse qui deviendront les commis du propriétaire de la pelouse  

où les locataires les plus prolétaires sont venus se mettre au vert l’année

dernière en passant par derrière où l’escalier de service leur est ouvert

grand bénéfice et les loups dans les bois ont tout ce qu’il faut sous les

yeux aux abois de ceux qu’on voudrait en défaut.

 

 

Cet imbécile de grand homme nom

         d’une pomme

avait la parole facile

et combien je voudrais pouvoir lui faire

la pige pour dire que je préfère

les macarons de la pâtissière Dumontsionneau

aux filets des mythes ancestraux

sauce chapelain calotte vinassouse

c’est plus tangible

et le soir sur la pelouse

en blouse du matin

au tir à la cible

 avec ratintin

qui est tout rajeuni

du retour de l’herbe tendre

ayant pris la place du gazon jauni

après la triste fête des cendres.

Et l’on dansa la chaloupée

au son des hautbois

dans une odeur de jeux de cartes coupés

et du vin que l’on boit.

 

 

La calotte vinassouse

         avait son pont arrière

en panne route de Mulhouse

mais au petit matin

le vieux laitier pieux passa

à fon de train

coupé d’eau de bénitier

et tout rentra dans l’ordre

des pieds à la tête

si bien que s’en mordre

les doigts

serait bien bête.

 

 

Vous avez une florissante calotte vinassouse

         dans le bocage     

qui se noircit sur l’émeraude pelouse

avec rage

et les petits oiseaux dans leur chant matinal

commentent le dernier journal,

les faits divers, les bitures,

qui font travailler de la toiture

et le repasseur de ciseaux

est à son poste prou tôt.

Que tout cela mon Dieu

est passionnant

Lorsqu’on est vieux et qu’on a mal aux dents.

 

 

Votre hérédité alcoolique

         de fils de la calotte vinassouse

n’a rien de la bucolique

et merveilleusement verte pelouse

qui fut macadamisée

de par la volonté du seigneur

et que voilà intronisée.

et qui est ouverte au saigneur

de porc et grand dépendeur

d’andouilles blanchi sous le harnois

et dont le détendeur

dans la flotte parfois se noie.

 

De la Tranchère au Puy Bernaud

          En passant par le Bois Bernier

C’est un détour pour s’amuser

Et Valentine à mes côtés

Chantonne sans se lasser :

« La calotte vinassouse s’étire

et puis se roule, mais voilà

Son droit de cité

Qui manque d’authenticité. »

Puis on pousse jusqu’au buisson

Ardent, rappelant le message

Divin qui immortalisa Moïse

Pour trouver à sa base

Le rond de carton d’un pâtissier

De Chantonnay venu là

Par voie routière y subissant

Sa destinée bien sûr.

 

 

Thérèse c’est la coqueluche

         Des gars de la calotte

Vinassouse et les bûches

Des joueurs de belote

Sur leurs vélomoteurs

Ne deviennent pas rares

Sur les routes des hauteurs

Où l’on en a marre de la solitude

Au point de descendre

De ces altitudes

Et le chemin à prendre

Est souvent en lacet

Et l’on y rencontre

Des amoureux enlacés

Qui ne sont pas contre

La candidature de M. le curé

Aux élections futures

Pour le pain beurré.

 

 

J’ai rêvé du pays de la calotte moins

         vinassouse

J’ai rêvé aussi des jolies andalouses

Et me voici l’âme très meurtrie

Sur le chemin où abonde l’ortie.

Mais les javelles si bien façonnées

Enrichissent la splendide maisonnée

Où les femmes ne sont jamais saoules

Et où nul n’eut encore besoin qu’on lui pose des ventouses

Voilà pourquoi je réclame au milieu de mes larmes

En l’attente d’une infernale alarme

La protection de St-Laurent pour me préserver du mal de dent

Et je dis à Dieu que je prie de mon mieux

Pour la dentition dont m’ont doté les cieux

Peu après l’année des comètes, et je ne crie pas à St-Laurent

« Le diable te brûle !» mais lui murmure en ce moment

« Vous devez connaître ma tante qui reste à Marans

Rue du bateau sous un ciel d’ouest

Et jouit toujours de forts beaux restes ».

         Mais voilà

que je sens qu’avec la protection de la population

Je deviendrai un roi qui sait s’exprimer

sans essoufflement et avec foi.

 

 

Ces messieurs de la calotte vinassouse

         m’avaient mitré d’un bonnet d’âne

un beau soir sur la pelouse

en prenant un air crâne.

Et dans le ciel les nuages

faisaient diligence

sans trop avoir l’air à la page

en passant dessus cette engeance

et les cabots ont aboyé

en me voyant ainsi coiffé

pour rentrer dans mes foyers

où la cafetière filtrait du café.

Je leur ai tiré ma révérence

le plus vite possible

les laissant dans l’abondance

sans ombre de comestible.

Ils m’ont tiré la langue

d’un air tout empigé

dans de sales langes

et tout plein figé

puis ils m’ont montré le poing

d’un geste de menace

comme à un galopin

de la pire race

 

 

La suavité de l’écoeurante calotte vinassouse

         Est délicieusement odorante le soir sur la pelouse

Pour le bal de nuit au son de la musique

Loin des pires ennuis ; des chèvres, des dindes, des biques

Jusqu’aux corps aux pieds qui sont complètements oubliés

Sur l’affreux trépieds des Dieux auxquels on se fier

Et l’on gambade à perdre haleine

Dans la campagne où beaucoup l’on peine.

 

 

C’est un péché de danser

         Dans les bras de la calotte vinassouse

Mais on peut broder son chiffre enlacé

Pour orner de jolies blouses

Que les filles portent pour plaire

Aux garçons qui marchent droit

D’un pied sûr et sans manières

Et qui en plus de çà sont adroits

Et c’est faire ouvre pie

Que de bouder les garnements

Qui ont par trop la pépie

Même avant leur encasernement

Pour le maniement d’armes

Avec des instructeurs

Dans l’attente du tocsin d’alarme

Appelant même les instituteurs

Et les curés dans leurs soutanes

Tissés de laine noire

De courir rassurer Suzanne

Qui ne demande qu’à les croire.

 

 

L’instituteur roumi

         de la calotte vinassouse

compte des amis chez les vire-bouses

et si Don Quichotte avait passé

le détroit de Gibraltar

il se serait battu contre les nuages

de sauterelle en guise

de moulins à vent

et sans se faire condamner à l’abattoir

par les fellagas bons enfants.

A ! charmante Dulcinée

à qui je pense sans cesse

quelle bonne matinée

quand on cloue des caisses.

 

 

Il a plus souffert de son ulcère d’estomac

         que de la vulgarité de ses filles

mais le voilà qui mange du chocolat

et de délicieuses anguilles

qui sont son péché mignon.

Et ce sont là bonnes choses

meilleures que des trognons

qui rendent le pauvre morose.

Et dans ces temps d’après tam-tam

où l’école de la calotte

vinassouse ne tirera plus madame

le diable par la queue, le tram

sera pris d’assaut par des gens heureux

loin de la danse devant le buffet ayant

des monceaux à manger.

 

 

La calotte vinassouse sur son 31

         car c’est dimanche

Au sud de la Manche

A cheval sur le mur mitoyen

Les cloches sonnent, tous les carillons

Les grandes personnes des sillons

De la précieuse hostie

Surgie de la sacristie

Pour figurer dans l’eucharistie.

Dans le temple enguirlandé

En travers des magasins achalandés

Qu’on ferme en ce jour de fête

Tandis que broutent au pâturage les bêtes

sereines et grasses dans la fraîcheur

Matinale propice au féticheur.

 

 

Je suis le fils et le chapelain

         De la calotte vinassouse

Qui regarde les poulains

Gambader sur la pelouse

Et je fais sonner les cloches

Pour éloigner les fidèles

De ce qui est moche

Ainsi que des rebelles

Et ma fenêtre reste ouverte

Sur le vieux paganisme

Qui a encore la mine verte

Qu’on lui ait miné l’organisme.

 

 

L’hérédité alcoolique

         De la calotte vinassouse

Prenait le ton bucolique

Chez les vireurs des bouses

Et Valentine restait frisée comme un mouton

Mais sans être brisée blanchissait tout de même

et s’affaissait du menton.

Elle savait toujours ce qu’elle aime

Voir en se penchant à la fenêtre

Qui donne sur la verte campagne

Qui jadis la vit naître,

Elle y gambadait en pagne

En ses vertes années

Lorsque le foie de veau se vendait

Bon marché

 

 

Heureusement que la calotte vinassouse

         N’a pas dégobillé sur les tutus

Très bien cousus

Des gentilles petites péquenouses

Qui ont incarné les rats de l’opéra

Hier en grand tralala

Dans une chaleur chaleureuse

Où l’heure tourna si heureuse

Aux papas au cul terreux

Et aux mamans le cœur heureux

En ces moments inoubliables

Où même l’épine a l’air affable

Mais un grand vent vint rompre la concorde

Et chacun fort déçu rentra

Dans l’arène des mordus prêts à mordre

pour voir ce qui en restera.

 

Au pays de la calotte vinassouse

L’Arbre n° 19, Jean Le Mauve éditeur

Dammard (Aisne), 1979

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