Abd al-ʿAziz al-Maqālih (1937 - 2022) / المقالح, عبد العزيز : « La nuit prisonnière ...»
La nuit prisonnière s’étendait sur le lit de la terre
Buvant les nuages de la saison pluvieuse.
Feu au sein des étoiles de l’Orient éteint,
Le soleil était comme une femme prisonnière
Voilée de ténèbres derrière l’horizon.
S’était brisée le vert visage de la joie
Nulle paupière lavée par le sommeil
Sommeil sans sommeil,
Les arbres, les hommes, les rochers, la mer – sans sommeil.
La rivière – sans rivière...
Le pont émigré au désert
Les yeux s’usent à scruter l’obscurité
Et se ferment effrayés.
Sur son visage de pierre, des milliers de regards assoiffés...
Aiguillons, épines, questions :
Où est l’eau, où est la rivière ?
O pont dans le désert
Les palmiers de sa joie ont séché,
Les oiseaux de notre ville ont péri dans le sable
Meurent les cavaliers du soleil levant...
Quand reverdira le soleil,
Quand les nuées seront-elles grosses de pluie ?
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Sommeil sans sommeil,
Rivière sans rivière
Ivre de détours...
Au sein de la terre s’enfonce le pont
S’enfoncent ses assises de pierre
Le flanc de la terre jaune
Est blessé par le noir ennui de la pierre
Le mal ronge au cœur le rocher,
suine au visage de la nuit
du sang
une tombe
une litière de mort
***
L’absence d’eau est un cri
Et la nuit une femme lascive
Qui s’étire sur le lit de la terre, enceinte et frivole
Le soleil tarde au rendez-vous
Qui le réveillera ?
Qui le sortira de sa couche, ?
Pour la nuit muette, notre voyage a trop duré
Pour nous, pas de soleil... pas de nourriture...
Pas de rivière... pas d’espace...
Le pont s’enfonce
s’enfonce
s’enfonce
Des regards altérés percent le visage des pierres
Et les pierres les écrasent de leur silence
La nuit s’étend comme une fumée
Cherchant un autre feu
Cherchant un cœur dans un autre lit...
L’aube va-t-elle enfin venir ?
Ici, la terre est une jeune femme qui attend l’aurore,
Enceinte...
Elle allaite la glaise rouge et verte
Elle allaite les arbres et les roses rouges
Pour que viennent les oiseaux du jour
Qui construisent des villes chaleureuses,
Des ponts pour l’amour, et des rivières pour l’eau.
Traduit de l’arabe par un collectif
In, « Poèmes de la révolution yéménite »
Editions Encres vives,31770, Colomiers, 1979
Du même auteur :
Télégrammes de désir à Sanaâ (11/06/2019)
Un billet pour elle (27/12/2023)