Cesare Pavese (1908 – 1950) : La mort viendra et elle aura tes yeux / Verrà la morte e avrà i tuoi occhi
La mort viendra et elle aura tes yeux
11 mars – 10 avril 1950
TO C. FROM C.
Toi,
sourire diapré
sur la glace des neiges –
vent de mars,
branches en cortège
jaillies sur la neige,
ardente et plaintive
dans tous tes manèges –
daine aux membres blancs,
gracieuse,
puissé-je connaître
encore
la grâce ondoyante
de tous les jours,
la dentelle d’écume
de tous tes tours –
la plaine là-bas
demain sera glacée –
toi, sourire diapré
toi, rire étincelant.
11 mars 1950
IN THE MORNING YOU ALWAYS COME BACK
Le soupirail de l’aube
respire par ta bouche
au fond des rues désertes.
Lumière grise de tes yeux,
douces gouttes de l’aube
sur des collines sombres.
Ton pas et ton haleine
comme le vent de l’aube
submergent les maisons.
La ville frissonne,
les pierres embaument –
tu es la vie, tu es l’éveil.
Etoile perdue,
dans la lumière de l’aube,
grincement de la brise,
tiédeur et haleine –
la nuit est finie.
Tu es la lumière et le matin
20 mars 1950
Tu as un sang, une haleine.
Tu es faite de chair
de cheveux de regards
toi aussi. Terre et arbres,
ciel de mars et lumière,
vibrent et te ressemblent –
ton rire et ta démarche
sont des eaux qui tressaillent –
la ride entre tes yeux
des nuages amassés –
ton tendre corps rappelle
un coteau au soleil.
Tu as un sang, une haleine.
Tu vis sur cette terre.
Tu en connais les saveurs
les saisons, les éveils,
tu as joué au soleil,
tu as parlé avec nous.
Rejetons du printemps,
eau transparente, terre,
silence qui bourgeonne,
tu as joué enfant
sous un ciel différent,
dans tes yeux il y a son silence,
un nuage qui jaillit
comme du fond la source.
Maintenant tu tressailles
et ris sur ce silence.
Tendre fruit qui vis
sous le ciel transparent,
qui respires et qui vis
notre saison commune,
dans ton secret silence
est ta force. Comme l’herbe
qui s’anime sous le vent,
tu frissonnes et tu ris,
mais toi, tu es terre.
Tu es racine féroce.
Tu es la terre qui attend.
21 mars 1950
La mort viendra et elle aura tes yeux –
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
Ainsi les vois-tu le matin
quand sur toi seule tu te penches
au miroir. O chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie et que tu es le néant.
La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir resurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.
Nous descendrons dans le gouffre muets.
22 mars 1950
LA MAISON
L’homme seul écoute la voix calme
et ses yeux sont mi-clos, comme si une haleine
effleurait son visage, une haleine amicale
qui remonte, incroyable, depuis le temps passé.
L’homme seul écoute l’antique voix
que ses pères ont entendue jadis, limpide
et recueillie, une voix qui pareille aux tons verts
des étangs et des coteaux, devient sombre le soir.
L’homme seul connaît une voix d’ombre,
caressante, qui jaillit calmement modulée
telle une source secrète : attentif il la boit,
les yeux clos, mais on ne dirait pas qu’elle est tout près de lui.
C’est la voix, qui un jour a arrêté le père
de son père, et tous ceux du sang mort.
C’est une voix de femme qui résonne secrète
au seuil de la maison, quand vient l’obscurité.
YOU, WIND OF MARCH
Tu es la vie et la mort.
Tu es venue en mars
sur la terre nue –
et ton frisson dure.
- anémone ou nuage –
ton pas léger
a violé la terre.
La douleur recommence.
Ton pas léger
a rouvert la douleur.
La terre était froide
sous un pauvre ciel,
immobile et fermée
dans la torpeur d’un rêve,
comme après la souffrance.
Et la glace était douce
dans le cœur profond.
Entre vie et mort
l’espoir se taisait.
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l’espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d’aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d’un ancien tremblement.
Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s’est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses –
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l’attente de toi.
C’est le matin, l’aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.
L’espérance se tord,
et t’attend et t’appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger.
25 mars 1950.
JE PASSERAI PAR LA PLACE D’ESPAGNE
Le ciel sera limpide.
Les rues s’ouvriront
sur la colline de pins et de pierre.
Le tumulte des rues
ne changera pas cet air immobile.
Les fleurs éclaboussées
de couleurs aux fontaines
feront des clins d’œil
comme des femmes gaies.
Escaliers et terrasses
et les hirondelles
chanteront au soleil.
Cette rue s’ouvrira,
les pierres chanteront,
le cœur en tressaillant battra,
comme l’eau des fontaines.
Ce sera cette voix
qui montera chez toi.
Les fenêtres sauront
le parfum de la pierre
et de l’air du matin.
Une porte s’ouvrira.
Le tumulte des rues
sera le tumulte du cœur
dans la lumière hagarde.
Tu seras là – immobile et limpide.
28mars 1950
Les matins passent clairs
et déserts. C’est ainsi que tes yeux
naguère s’ouvraient. Le matin
s’écoulait lentement, gouffre
de lumière immobile. En silence.
Tu vivais en silence ; les choses
vivaient sous tes yeux
(sans peine et sans ombre)
comme une mer au matin, claire.
Le matin est partout où, lumière, tu es.
Tu étais les choses et la vie.
En toi éveillés nous respirions
sous le ciel qui est encore en nous.
Sans peine sans fièvre en ce temps,
sans cette ombre pesante du jour
foisonnant et étrange. O lumière,
ô lointaine clarté, haleine
angoissée, tourne vers nous tes yeux
immobiles et clairs.
Sombre est le matin qui passe
sans la lumière de tes yeux.
30 mars 1950
THE NIGHT YOU SLEPT
La nuit aussi te ressemble.
nuit lointaine qui pleure
muette, dans le cœur profond,
et mornes les étoiles passent.
Une joue effleure une joue –
c’est un frisson glacé, quelqu’un
se débat et s’implore, seul
perdu en toi, dans ta fièvre.
La nuit souffre et aspire vers l’aube,
pauvre cœur qui tressailles.
O visage fermé, sombre angoisse,
fièvre qui attristes les étoiles,
certains attendent l’aube comme toi
épiant ton visage en silence.
Tu reposes sous la nuit
comme un horizon mort et fermé.
Pauvre cœur qui tressailles,
un jour lointain tu étais l’aube.
4 avril 1950
THE CATS WILL KNOW
La pluie tombera encore
sur tes doux pavés,
une pluie légère
comme un souffle ou un pas.
La brise et l’aube légères
fleuriront encore
comme sous ton pas,
quand tu rentreras.
Entre fleurs et balcons
les chats le sauront.
Il y aura d’autres jours,
il y aura d’autres voix.
Tu souriras toute seule.
Les chats le sauront.
Et tu entendras
des mots très anciens,
des mots las et vains
comme les vieux habits
des fêtes d’hier.
Toi aussi, tu auras des gestes.
Tu diras des mots –
visage de printemps,
toi aussi tu auras des gestes.
Les chats le sauront,
visage de printemps ;
et la pluie légère,
l’aube de jacinthe,
qui déchirent le cœur
quand on ne t’espère plus,
sont le triste sourire
que, seule, tu souris.
Il y aura d’autres jours,
d’autres voix, d’autres éveils.
Nous souffrirons dans l’aube,
visage de printemps.
10 avril 1950
LAST BLUES, TO BE READ SOME DAY
Ce n’était qu’un jeu
tu le savais bien –
quelqu’un fut blessé
il y a très longtemps.
Mais rien n’a changé
le temps est pressé –
un jour tu es venue
un jour tu mourras.
Et quelqu’un est mort
il y a très longtemps –
quelqu’un qui voulait
mais ne savait pas.
11 avril 1950
Traduit de l’italien par Gilles de Van
In, Cesare Pavese : « Travailler fatigue. La mort viendra
et elle aura tes yeux ».
Editions Gallimard, 1969
.........................................................................
Tu as un sang, un souffle.
Tu es faite de chair
de cheveux, de regards
toi aussi. Terre et plantes,
ciel de Mars, lumière,
vibrent et te ressemblent ;
ton rire, tes pas
cascadent comme l’eau ;
la ride entre tes yeux
est amas de nuages ;
ton jeune corps, touffe dans le soleil
Tu as un sang, un souffle.
Tu vis sur cette terre.
Tu en connais les saveurs,
les saisons, les réveils ;
tu as joué dans le soleil,
tu as parlé avec nous.
Eau claire, rejeton
printanier, terre
silence à bourgeons,
tu as joué, fillette,
sous un autre ciel ;
tu en portes la paix en tes yeux,
un nuage qui jaillit
comme source des profondeurs.
Désormais tu ris et tu tressailles
par- dessus ce silence.
Doux fruit qui existes
sous le ciel lumineux,
qui respires et vis
cette saison nôtre,
ta force réside
au sceau de ton silence
Comme l’herbe vibre dans l’air
tu frémis, tu souris,
mais toi, tu es terre.
Tu es sauvages racines.
Tu es la terre en attente
La mort viendra et elle aura tes yeux,
cette mort qui nous accompagne
du matin au soir, vigilante,
sourde comme un vieux remords
ou un absurde vice. Tes yeux
seront alors expression vaine,
cri muet, silence.
Ainsi les vois-tu chaque matin
lorsque, devant ton miroir
sur toi seule tu te penches.
Oh, ma chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie, que tu es le néant.
Pour tous, la mort a un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme quitter un vice,
voir dans un miroir
émerger un visage mort,
écouter des lèvres closes.
Muets, nous descendrons dans le gouffre
......................................................................................................
JE PASSERAI PAR LA PLACE D’ESPAGNE
Le ciel sera limpide.
Les routes s’ouvriront
sur la colline de pins et de pierres.
Le tumulte des rues
ne changera pas cet air immobile.
Les fleurs jaspées
de mille teintes feront les doux yeux
en liesse. Les escaliers
les terrasses, les hirondelles
chanteront dans le soleil ;
Cette rue s’ouvrira,
les pierres chanteront,
mon cœur battra, bondissant
comme l’eau dans les fontaines ;
telle sera la voix
qui gravira tes escaliers.
Les fenêtres odoreront
la pierre et l’air matutinal.
Une porte s’ouvrira.
Le tumulte des rues
sera le tumulte de mon cœur
dans l’ivresse de la lumière
Toi, tu seras là, immobile et sereine.
Les matins s’enfuient limpides
et déserts. De même tes yeux
s’ouvraient autrefois. Le matin
passait lentement, gouffre
d’immobile lumière. Il se taisait.
Toi aussi de ton vivant ; les choses
vivaient sous tes yeux
(sans peine, sans fièvre, sans ombre)
comme une mer sereine au matin.
Où tu es, lumière, se lève le matin
Tu étais la vie et les choses.
En toi nous respirions éveillés
sous le ciel encore tout en nous.
Nulle peine, nulle fièvre alors,
ni cette ombre grave du jour
si comble, si divers. Oh, lumière,
clarté lointaine, souffle
haletant, reporte tes yeux
immobiles et limpides sur nous
le matin qui passe n’est que nuit
sans la lumière de tes yeux.
...................................................
THE CATS WILL KNOW
La pluie tombera encore
sur tes doux pavés,
une pluie légère
comme un pas, comme un souffle.
L’aube et la brise fleuriront
encore, aériennes
comme sous ton pas,
lorsque tu rentreras.
Sur le rebord de la fenêtre, parmi les fleurs,
les chats le sauront.
Ce seront d’autres jours,
ce seront d’autres voix.
Tu souriras à toi seule.
Les chats le sauront.
Tu entendras paroles de jadis,
paroles lasses, vaines
comme les costumes
de fêtes d’hier, maintenant déposés.
Continueront tes gestes
ainsi que tes paroles
visage de printemps,
continueront tes gestes.
Les chats le sauront,
visage de printemps ;
et la pluie légère,
et l’aube couleur de jacinthe,
qui déchirent le cœur
de ce qui plus ne t’espère,
forment le sourire triste
qu’à toi seule tu souris.
Il y aura d’autres jours,
d’autres voix et réveils.
Nous souffrirons à l’aube,
visage de printemps.
...................................................
Traduit de l’italien par Geneviève Burckhardt
In, « Italie poétique contemporaine »
Editions du Dauphin, 1968
Du même auteur :
Paysage, Paysage I, II, III, IV(18/04/2016)
La terre et la mort (18/04/2017)
Paysage VIII / Paesaggio VIII (18/04/2019)
Femmes passionnées / Donne appassionate (18/04/2020)
Eté – Eté 1 / Estate – Estate I (18/04/2021)
L’Etoile du matin / Lo steddazzu (05/10/2021)
Dépaysement / Gente Spaesata (18/04/2022)
Manie de solitude / Mania di solitudine (05/10/2022)
Le paradis sur les toits / Il paradiso sui tetti (18/04/2023)
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi
TO C FROM C.
You,
dappled smile
on frozen snows –
wind of March,
ballet of boughs
sprung on the snow,
moaning and glowing
your little “ohs”-
white-limbed doe,
gracious,
would I could know
yet
the gliding grace
of all your days,
the foam-like lace
of all your ways –
to-morrow is frozen
down on the plain
you, dappled smile,
you, glowing laughter
Tu,
screziato sorriso
su nevi gelate –
vento di Marzo,
balletto di rami
spuntati sulla neve,
gemendo e ardendo,
i tuoi piccoli “oh!” –
daina dalle membra bianche,
graziosa,
potessi io sapere
ancora
la grazia volteggiante
di tutti i tuoi giorni,
la trina di spuma
di tutte le tue vie –
domani è gelato
giù nella pianura –
tu, screziato sorriso,
tu, risata ardente.
11marzo 1950
Traduction d’Italo Calvino
IN THE MORNING YOU ALWAYS COME BACK
Lo spiraglio dell’alba
respira con la tua bocca
in fondo alle vie vuote.
Luce grigia i tuoi occhi,
dolci gocce dell’alba
sulle colline scure.
Il tuo passo e il tuo fiato
come il vento dell’alba
sommergono le case.
La città abbrividisce,
odorano le pietre ‒
sei la vita, il risveglio.
Stella sperduta
nella luce dell’alba,
cigolio della brezza,
tepore, respiro ‒
è finita la notte.
Sei la luce e il mattino.
20 marzo 1950
Hai un sangue, un respiro.
Sei fatta di carne
di capelli di sguardi
anche tu. Terra e piante,
cielo di marzo, luce,
vibrano e ti somigliano ‒
il tuo riso e il tuo passo
come acque che sussultano ‒
la tua ruga fra gli occhi
come nubi raccolte ‒
il tuo tenero corpo
una zolla nel sole.
Hai un sangue, un respiro.
Vivi su questa terra.
Ne conosci i sapori
le stagioni i risvegli,
hai giocato nel sole,
hai parlato con noi.
Acqua chiara, virgulto
primaverile, terra,
germogliante silenzio,
tu hai giocato bambina
sotto un cielo diverso,
ne hai negli occhi il silenzio,
una nube, che sgorga
come polla dal fondo.
Ora ridi e sussulti
sopra questo silenzio.
Dolce frutto che vivi
sotto il cielo chiaro,
che respiri e vivi
questa nostra stagione,
nel tuo chiuso silenzio
è la tua forza. Come
erba viva nell'aria
rabbrividisci e ridi,
ma tu, tu sei terra.
Sei radice feroce.
Sei la terra che aspetta.
21 marzo 1950
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi-
questa morte che ci accompagna
dal mattino alla sera, insonne,
sorda, come un vecchio rimorso
o un vizio assurdo. I tuoi occhi
saranno una vana parola,
un grido taciuto, un silenzio.
Così li vedi ogni mattina
quando su te sola ti pieghi
nello specchio. O cara speranza,
quel giorno sapremo anche noi
che sei la vita e sei il nulla
Per tutti la morte ha uno sguardo.
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.
Sarà come smettere un vizio,
come vedere nello specchio
riemergere un viso morto,
come ascoltare un labbro chiuso.
Scenderemo nel gorgo muti.
22 marzo 1950
LA CASA
L’uomo solo ascolta la voce calma
con lo sguardo socchiuso, quasi un respiro
gli alitasse sul volto, un respiro amico
che risale, incredibile, dal tempo andato.
L’uomo solo ascolta la voce antica
che i suoi padri, nei tempi, hanno udito, chiara
e raccolta, una voce che come il verde
degli stagni e dei colli incupisce a sera.
L’uomo solo conosce una voce d’ombra,
carezzante, che sgorga nei toni calmi
di una polla segreta: la beve intento,
occhi chiusi, e non pare che l’abbia accanto.
E’ la voce che un giorno ha fermato il padre
di suo padre, e ciascuno del sangue morto.
Una voce di donna che suona segreta
sulla soglia di casa, al cadere del buio.
YOU WIND OF MARCH
Sei la vita e la morte
Sei venuta di marzo
sulla terra nuda -
il tuo brivido dura.
Sangue di primavera
- anemone o nube -
il tuo passo leggero
ha violato la terra.
Ricomincia il dolore.
Il tuo passo leggero
ha riaperto il dolore.
Era fredda la terra
sotto povero cielo,
era immobile e chiusa
in un torpido sogno,
come chi più non soffre.
Anche il gelo era dolce
dentro il cuore profondo.
Tra la vita e la morte
la speranza taceva.
Ora ha una voce e un sangue
ogni cosa che vive.
Ora la terra e il cielo
sono un brivido forte,
la speranza li torce,
li sconvolge il mattino,
li sommerge il tuo passo,
il tuo fiato d'aurora.
Sangue di primavera,
tutta la tetra trema
di un antico tremore.
Hai riaperto il dolore.
Sei la vita e la morte.
Sopra la terra nuda
sei passata leggera
come rondine o nube,
e il torrente del cuore
si è ridestato e irrompe
e si specchia nel cielo
e rispecchia le cose -
e le cose, nel cielo e nel cuore
soffrono e si contorcono
nell'attesa di te.
E', il mattino, è l'aurora,
sangue di primavera,
tu hai violato la terra.
La speranza si torce,
e ti attende ti chiama.
Sei la vita e la morte.
Il tuo passo è leggero.
25 marzo 1950
PASSERO PER PIAZZA DI SPAGNA
Sarà un cielo chiaro.
S’apriranno le strade
sul colle di pini e di pietra.
Il tumulto delle strade
non muterà quell’aria ferma.
I fiori spruzzati
di colori alle fontane
occhieggeranno come donne
divertite. Le scale
le terrazze le rondini
canteranno nel sole.
S’aprirà quella strada,
le pietre canteranno,
il cuore batterà sussultando
come l’acqua nelle fontane –
sarà questa la voce
che salirà le tue scale.
Le finestre sapranno
l’odore della pietra e dell’aria
mattutina. S’aprirà una porta.
Il tumulto delle strade
sarà il tumulto del cuore
nella luce smarrita.
Sarai tu – ferma e chiara.
28 marzo 1950
Mattini passano chiari
e deserti. Così i tuoi occhi
s’aprivano un tempo. Il mattino
trascorreva lento, era un gorgo
d’immobile luce. Taceva.
Tu viva tacevi; le cose
Vivevano sotto i tuoi occhi
(non pena non febbre non ombra)
come un mare al mattino, chiaro.
Dove sei tu, luce, è il mattino.
Tu eri la vita e le cose.
In te desti respiravamo
sotto il cielo che ancora è in noi.
Non pena non febbre allora,
non quest’ombra greve del giorno
affollato e diverso. O luce,
chiarezza lontana, respiro
affannoso, rivolgi gli occhi
immobili e chiari su noi.
È buio il mattino che passa
senza la luce dei tuoi occhi.
30 marzo 1950
THE NIGHT YOU SLEPT
Anche la notte ti somiglia,
la notte remota che piange muta,
dentro il cuore profondo,
e le stelle passano stanche.
Una guancia tocca una guancia –
è un brivido freddo, qualcuno
si dibatte e t’implora, solo,
sperduto in te, nella tua febbre.
La notte soffre e anela l’alba,
povero cuore che sussulti.
O viso chiuso, buia angoscia,
febbre che rattristi le stelle,
c’è chi come te attende l’alba
scrutando il tuo viso in silenzio.
Sei distesa sotto la notte
come un chiuso orizzonte morto.
Povero cuore che sussulti,
un giorno lontano eri l’alba.
4 aprile 1950
THE CATS WILL KNOW
Ancora cadrà la pioggia
sui tuoi dolci selciati,
una pioggia leggera
come un alito o un passo.
Ancora la brezza e l’alba
fioriranno leggere
come sotto il tuo passo,
quando tu rientrerai.
Tra fiori e davanzali
i gatti lo sapranno.
Ci saranno altri giorni,
ci saranno altre voci.
Sorriderai da sola.
I gatti lo sapranno.
Udrai parole antiche,
parole stanche e vane
come i costumi smessi
delle feste di ieri.
Farai gesti anche tu.
Risponderai parole-
viso di primavera;
farai gesti anche tu.
I gatti lo sapranno,
viso di primavera;
e la pioggia leggera,
l’alba color giacinto,
che dilaniano il cuore
di chi più non ti spera,
sono il triste sorriso
che sorridi da sola.
Ci saranno altri giorni,
altre voci e risvegli.
Soffriremo nell’alba,
viso di primavera.
10 aprile 1950
LAST BLUES, TO BE READ SOME DAY
‘T was only a flirt
you sure did know-
some one was hurt
long time ago.
All is the same
time has gone by-
some day you came
some day you’ll die.
Some one has died
long time ago-
some one who tried
but didn’t know.
11 aprile 1950
Poesie edite e inedite
Einaudi editore, Turino, 1962
Poème précédent en italien :
Salvatore Quasimodo : J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)(15/04/2018)
Poème suivant en italien :
Giuseppe Ungaretti : Vanité / Vanità (13/05/2018)